La coalition de Jean-Marc Kabund refonde la gauche en RDC


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Jean-Marc Kabund à la tribune
Jean-Marc Kabund à la tribune

Une coalition innovante a vu le jour dans le paysage politique congolais  : composée de divers partis politiques, de mouvements associatifs, d’organisations syndicales et de personnalités politiques, la « Coalition de la Gauche Congolaise » (CGC) a été lancée le 18 juin dernier par Jean-Marc Kabund, ex-secrétaire général du parti présidentiel UDPS et ex-vice-président du parlement, qui souhaite unir la gauche en proposant une rupture avec la pratique du pouvoir de Félix Tshisekedi.

C’est devant de nombreux sympathisants que Jean-Marc Kabund est revenu sur les raisons de la création de ce mouvement politique. Après avoir peint un tableau sombre de l’histoire politique récente de la RDC, il a révélé vouloir changer les choses en interne, ce qu’il n’a pas pu faire jusque là en tant que membre de la majorité de Félix Tshisekedi qui, d’après lui, se positionne comme héritier du mauvais système de « l’ancien régime » de Kabila.

Jean-Marc Kabund refondateur de la gauche congolaise ?

«Malgré les aspirations initiales à rompre avec les pratiques passées, le régime Tshisekedi, loin d’en découdre avec le système préexistant, s’est accommodé de ses rouages, se positionnant ainsi davantage comme son héritier que comme son fossoyeur. Nous avions tenté, au péril de notre vie et de notre liberté, de transformer ce système de l’intérieur. Cependant, nous nous sommes heurtés à une résistance farouche du régime, incapable de se départir des antivaleurs qui le caractérisent. Face à cette réalité implacable, la solution se conjugue en un seul mot : la rupture. Le peuple congolais ne peut plus se contenter de demi-mesures ou de simple réajustements cosmétiques », a déclaré Jean-Marc Kabund, ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale. Qui ajoute : « c’est pour répondre à cet impératif ultime et salvateur de rupture avec ce système d’oppression, et pour satisfaire au besoin d’un système nouveau fondé sur des valeurs essentielles telles que la place prépondérante des hommes et des femmes congolaises au cœur du système, la démocratie, la justice sociale, la répartition équitable des richesses du pays, le travail pour tous, l’égalité et la protection de l’environnement, que nous sommes rapprochés pour créer la Coalition de la Gauche Congolaise (CGC) ».

Constat de faillite de la classe politique au pouvoir

L’ancien président ad interim du parti présidentiel considère que les plateformes politiques en République Démocratique du Congo n’ont été, jusqu’à présent, que des constructions éphémères, conçues à la veille des élections pour le seul et unique dessein de soutenir un leader autoproclamé « éclairé ». Elles incarnent la faillite d’une classe politique incapable de s’élever au-dessus des ambitions personnelles et des calculs électoralistes. « Fort de ce diagnostic basé sur l’expérience dans notre pays, la CGC n’est pas une énième plateforme politique dictée par des ambitions personnelles ou des calculs politiciens à court terme venue s’ajouter aux centaines existantes. Non elle est plutôt l’expression de la rupture radicale avec des pratiques d’un passé qui nous a trop longtemps entravés. Nous naissons des profondeurs de la société congolaise, en dehors des sentiers battus, loin des salons où se décident les destins du peuple sans le peuple. Nous sommes l’anti système par excellence» fait savoir Kabund, car, toujours selon lui, la particularité de cette nouvelle coalition réside dans le fait qu’elle rassemble uniquement des partis politiques et des citoyens qui partagent véritablement les valeurs cardinales de la Gauche : la justice sociale, l’égalité des chances, la solidarité, la souveraineté nationale pleine et entière sur les ressources, la dignité humaine, la protection de l’environnement et une gouvernance transparente et responsable.

Jean-Marc Kabund

«La CGC ne se construira pas autour d’un homme providentiel, mais plutôt autour d’un leadership crédible, visionnaire, fondé sur une idéologie claire, et d’un programme de gouvernance concret. Nous rompons avec la floraison désordonnée des regroupements politiques sans âme, pour construire une coalition solide, unie par des principes inébranlables. Notre objectif n’est pas de succéder au système, mais de le transformer en profondeur, de ses fondations à son sommet, pour bâtir une République au service de tous les congolais. Nous sommes l’anti système, ne regroupant que les partis. Nous sommes les congolaises et congolais qui partagent les valeurs de la gauche».

L’appel à une refondation de l’État

Cette nouvelle coalition entend jouer selon son fondateur un rôle de premier plan dans le paysage politique, «nous participerons au débat public. Nous présenterons à la nation non seulement un guide idéologique précis de la Gauche Congolaise, mais surtout un plan de gouvernance quinquennal détaillé. Ce plan ne sera pas une simple liste de promesses, mais une feuille de route méthodique, ancrée dans notre idéologie de gauche, qui exposera comment nous allons gouverner. Le système de prédation, pour assurer sa survie, a d’abord effrité l’Etat, ensuite l’a complètement détruit», a souligné Jean-Marc Kabund, qui a ensuite poursuivit son discours sur la rupture en ces termes : «à cet effet, la neutralisation du système de gouvernance actuel passe impérativement par la refondation profonde de l’Etat. Nous concevons l’Etat comme une superstructure essentielle, sans laquelle aucun changement majeur ne peut être envisagé.»

Un Mitterrand congolais ?

Il faut rappeler que Jean-Marc Kabund, avant de tomber en disgrâce en février 2022, était l’un des cadres et piliers de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) parti présidentiel actuellement au pouvoir. Il quitte ce parti et lance un mouvement politique d’opposition, Alliance pour le changement, devenu très critique à l’égard du régime Tshisekedi, à l’égard duquel il tient des propos qui lui valent d’être condamné à 7 ans de prison en septembre 2023, et libéré « miraculeusement » en février 2025. Une détention bien peu démocratique que connurent d’autres figures politiques d’opposition, à l’image de Jean-Jacques Wondo… Certains participants à cette cérémonie n’ont pas hésité à le comparer à François Mitterrand, ancien Président français, expliquant qu’il venait unir toute la Gauche congolaise, comme Mitterrand l’avait fait avec « l’Union de la Gauche » qui l’avait porté au pouvoir en France en 1981. Il a ainsi été présenté dans la salle comme le seul politique qui puisse se revendiquer honnêtement d’Etienne Tshisekedi, fondateur de l’UDPS et père de l’actuel Chef de l’État congolais. La coalition nouvellement créée compte pour l’instant dix partis politiques, tous de gauche, et plus de quarante associations à but non lucratif, ainsi que quelques structures syndicales. La présentation publique de la CGC s’est clôturée sous les applaudissements du public, après le discours clair et mobilisateur de Jean-Marc Kabund.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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