Laurent Gbagbo : la chute


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arton22603

Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! C’est, à ne point douter, par ce monologue que Gbagbo Laurent, tel un Don Diègue, doit régurgiter le film horrible de sa chute. Il doit forcément rougir du précipice élevé d’où est tombé son honneur.

Un précipice que cet ancien opposant emblématique, le résistant et père du multipartisme en Côte d’Ivoire aurait pu éviter, pour rentrer dignement dans l’histoire. Celui qu’avec respect certains Africains adulent, est tombé. Non pas en démocrate exemplaire, mais comme un potentat indésirable, dans l’infamie. Son erreur, c’est de n’avoir pas compris que dans certaines circonstances, partir c’est aussi patriotique.

S’il est des gens à qui Gbagbo, dans sa posture de tyran déchu, doit s’en prendre, c’est avant tout son épouse, Simone. Sur la table de cette dame, le fusil n’est jamais loin de la Bible. Le visage fendu par un sourire pernicieux, Simone Ehivet aura été, jusqu’au bout, une mauvaise conseillère. Elle laisse dans l’opinion l’image d’une Première Dame maléfique qui aura inversé les genres, mettant parfois la culotte à la place de son mari. « Simone, pour une fois dans ta vie, sois une mère ! », c’est ainsi que des manifestantes, à Abidjan, l’avaient stigmatisée. Elle a, dit-on, la haine tenace. Et ceux qui ne lui ressemblent pas sont les « forces du mal ». Aussi cette femme au sourire illimité va-t-elle, avec les richesses frauduleuses du couple, entretenir ses « pasteurs miliciens », des pateurs de sectes embrigadeurs qui réussiront à faire croire à Monsieur le Président, un historien, que son pouvoir est providentiel, inaltérable.

Le système des Gbagbo, c’était aussi une fabrique de délinquants. Charles Blé Goudé, le choquant « ministre de la rue » et très sonore démagogue en est un parfait spécimen. Plus pantin que politique, il peut prêcher pêle mêle la résistance, la prière, l’érection de bouclier humain, le dialogue. A l’opposé de Guillaume Soro qui, lui, peut se targuer de s’être bâti, en Côte d’Ivoire, un avenir politique plein de promesses. Soro a peut-être compris que l’Afrique peut gagner son combat contre les puissances dominatrices autrement que par les vacarmes de Blé Goudé. Quand on est un peuple pauvre et faible, il faut avoir l’intelligence de mener une politique fondée sur le calcul des forces et l’intérêt national. Cela s’appelle le « realpolitik » et c’est sans doute une leçon à retenir. Où sont passés ses jeunes guigols d’Abidjan qui ont organisé le grand rassemblement nocturne de prière du 26 Mars dit de soutien au président ? Dieu n’aime pas les propagateurs de blasphèmes. La suite des événements montre que ce meeting de la Place de la Republique, était plutôt la veillée funèbre du régime, le requiem du Kleptocrate Gbagbo.

Maintenant que les tonitruantes hallucinations des Blé Goudé, Affi Nguéssan, Don Mello et autres… Alain Toussaint se sont tues, la Côte d’Ivoire peut reapprendre à vivre dans le calme. Mais, pour le président Alassane Dramane Oauttara, le plus difficile reste à venir. Les centaines de jeunes désoeuvrés et les mercenaires étrangers que Simone et Laurent Gbagbo ont armés sont dans la nature, avec leurs armes.Vont-ils laisser le nouveau chef de l’Etat gouverner? Comment Ouattara va-t-il, tout en restant le président de tous les Ivoiriens, naviguer entre la nécessité de vérité et de justice et le souci de Réconcialiation nationale ? C’est une équation compliquée qui risque, dans un avenir proche, de reléguer au second plan les tâches de développement. Il a deux atouts majeurs : le soutien complet du monde et celui de Henry Konan Bedié et son ethnie Baoulé, majoriataire en Côte d’Ivoire.

L’arbre ne doit pas cacher la forêt. La présidence de Ouattara est entachée de sang, les conditions l’ayant forcé, après une victoire électorale, à accéder finalement au pouvoir par les armes. L’implication trop voyante aux côtés de Ouattara de la France, pays dont la politique africaine est des plus exécrables, irrite une bonne partie du continent. Ouattara apparaît comme un président redevable. Jusqu’où ne doit-il pas, au risque de créer des frustrations, vouloir trop récompenser ces soutiens locaux et extérieurs qui pourraient devenir trop gourmands? Sera t-il un démocrate qui respecte son peuple et les règles de l’alternance ? L’Afrique l’attendra de lui, forcément ! Pour une paix juste et durable en Côte d’Ivoire, Ouattara doit, dès le départ, s’atteler à recomposer le tissu national.C’est déjà un vaste chantier. Et, dans sa situation, ce n’est pas le plus facile.

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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