La caricature congolaise appelle à l’aide


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

Le deuxième festival de caricature congolaise  » karika’fête  » a choisi pour thème central la condition de la femme. Les artistes virtuoses en profitent pour revendiquer leur art et la place qui lui revient dans la société. Histoire d’un parcours incompris.

La caricature en fête ou  » Karika’fête « , tel est le nom du festival de la caricature que de jeunes caricaturistes congolais tentent d’institutionnaliser à Kinshasa. Inauguré mardi 17 septembre 2002, à la galerie  » Lema Kusa « , du nom d’un grand artiste-peintre congolais, professeur à l’Académie des Beaux Arts de Kinshasa, le festival, deuxième du genre, a pour ambition d’imposer la caricature comme mode d’expression, au même titre que les autres médias existants, tels la radio, la télévision ou la presse écrite. Pour l’instant elle reste encore considérée comme trop  » intello  » pour se faire comprendre par le Congolais de la rue, et comme trop critique pour se faire accepter dans le microcosme politique.

Un art qui ne fait plus recette

Mais visiblement, ni l’ambition, ni l’enthousiasme, encore moins la détermination ne suffisent. Les jeunes caricaturistes congolais, tous la trentaine environ, ont fortement besoin de convaincre pour s’imposer dans le cruel espace médiatique. Alain Mushaba’h Masumbuko, le directeur du Centre Africain de la Caricature et président du comité d’organisation du festival, prend à témoin un passé récent, le public congolais mordait alors à la caricature :  » C’était la période euphorique de la démocratisation post-perestroïka, en 1992. Nous venions tout juste de créer le Centre Africain de la Caricature. Les journaux naissaient à tour de bras et la population raffolait de la caricature. La dernière page de chaque journal lui était consacrée « .

Aujourd’hui, la caricature fait de moins en moins recette dans la presse. La crise économique et les guerres de libération sont passées par là. En effet, pour des rasions d’insolvabilité, les Congolais ne lisent plus les journaux. Plus grave, selon Alain Mushaba’h, les caricaturistes sont traqués par les hommes du pouvoir :  » Les hommes politiques nous prennent pour des amuseurs publics qui passent leur temps à se moquer d’eux. C’est dommage. Pourtant, la caricature est le miroir de la société. Certains hommes ne veulent pas regarder leurs turpitudes en face. Notre rôle n’est pas d’encenser les hommes du pouvoir. Tout le contraire, nous luttons contre les travers qui les caractérisent. Bien entendu, le petit peuple se régale de voir les hommes du pouvoir être tournés en dérision. Je doute fort qu’il comprenne toujours le message véhiculé à travers l’image « .

La Congolaise croquée

La galerie  » Lema Kusa  » est tapissée de caricatures de toutes sortes. Elles sont signées Mushaba’h, Kojele, Picha, Dick, Nzolo, Luba, Mbuka et autres, tous, des virtuoses congolais de la caricature. On y remarque également des noms étrangers, tels Mahoungou, un Congolais de Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, ou Dick de la République centrafricaine.

Les thèmes sont variés et traitent de la condition générale de la femme congolaise, en 2002.  » Une femme que la société idéalise, explique Charles Tumba Kekwo, journaliste et critique d’art. Dans la caricature, la femme qui symbolise la fécondité est représentée avec des rondeurs, canon de la beauté. Malheureusement, ces rondeurs la mettent rarement à l’abri des sollicitations des hommes, qui les considèrent souvent comme des passe-temps sexuels. Pour preuve, nombre d’auteurs insistent aussi bien sur la beauté de la femme que sur les dangers du Sida « .

On passe aussi, au travers des différents travaux, de la représentation des conditions de recrutement que subissent certaines jeunes filles par des employeurs véreux, aux dangers que représentent les rapports sexuels non protégés. Ou encore aux conséquences économiques d’une non application du planning familial.

Quel avenir pour la caricature ?

Certaines caricatures fustigent les tracasseries policières si courantes au Congo, ou l’engouement des jeunes vers un hypothétique Eldorado européen. Un autre dessin humoristique de Mushaba’h, très actuel, montre un vieil homme politique déclarant :  » Je m’oppose donc je dois devenir président de la république « . Dans le domaine de la caricature politique, l’aller simple et sans retour de l’ex-président Mobutu autrefois si populaire et qui meurt finalement au Maroc dans la solitude la plus totale, a beaucoup inspiré.

La  » Karika’fête  » a fermé ses portes samedi 21 septembre 2002. Elle aura été bénéfique aux jeunes étudiants de l’Académie des Beaux Arts qui ont ainsi pu s’imprégner de la philosophie de la caricature. Elle aura également permis aux professionnels d’engager des discussions fructueuses sur le devenir de la caricature congolaise. De ces discussions, on peut retenir le manque criant de sponsoring, qui handicape énormément l’évolution de cet art.

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