La Barbade, un paradis habité par des Noirs


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La barbade
La barbade

Un jour de pluie à la Barbade est bien mieux que plusieurs semaines de soleil n’importe où ailleurs dans le monde. Tel est l’un des commentaires les plus courants parmi les guides touristiques qui parcourent l’île avec des groupes de visiteurs étrangers. Quand je l’ai entendu pour la première fois, j’ai souris sans beaucoup de conviction. Mais aujourd’hui, après plus de trois ans de vie dans cette petite île, cette phrase a fini par devenir ma devise quotidienne.

Depuis le 19ème siècle, la Barbade porte le nom de « Little England » (Petite Angleterre), car la culture anglaise a prévalu dans cette société qui demeure très proche des normes britanniques par la langue, le système éducatif, l’organisation politique -la Barbade possède le plus ancien Parlement d’Amérique – la prédominance de la religion anglicane, et la préférence pour des sports comme le polo, le cricket et les courses de chevaux, en plus du goût pour le thé et un comportement typique qui dénote de la fierté britannique de chaque barbadien.

Avec 34 km de long et 23 km de large, la Barbade n’est pas plus grande que l’île de Florianopolis à Santa Catarina, mais sur les plus de 7 000 îles qui composent les Caraïbes, elle est considérée comme une île de taille presque moyenne. L’île ne possède pas de rivières ou de lacs naturels, aucune montagne ou zones de forêt, elle ne possède aucune source d’énergie, l’élevage est presque inexistant et l’agriculture qui jadis comprenait des plantations de cane à sucre n’est même plus suffisant aujourd’hui pour alimenter 25% du marché local. Pourtant, la Barbade est parmi les pays classés comme développés, et fait partie des 60 pays les plus riches au monde, le troisième le plus développé sur le continent sud-américain. Pas mal pour une île qui vient de fêter 46 années d’indépendance (article publié en octobre 2011).

Sans ressources naturelles, au-delà de la beauté des plages, la richesse de la Barbade a été construite grâce à un investissement massif dans l’éducation. Sa population d’environ 285.000 habitants comprend plus de 96% de noirs et d’afrodescendants et qui, dans la plupart des cas, ont été amenés à la Barbade comme esclaves entre le 17èmes et le 18ème siècles pour travailler dans les plantations de sucre et les moulins. En 1816, l’île a vécu un des plus grands soulèvements d’esclaves de l’histoire moderne: plus de 20 000 hommes et femmes se sont rebellés contre leurs conditions de travail, obligeant la Couronne britannique à revoir le système de l’esclavage.

En 1834 l’esclavage fut aboli, mais les propriétés et le pouvoir politique demeurèrent entre les mains de l’élite. Peu à peu, les familles commencèrent à investir dans l’éducation des enfants, seul moyen de surmonter l’extrême pauvreté. L’Église anglicane joua un rôle décisif dans ce développement. Après l’abolition de l’esclavage, l’évêque anglican Hart Coleridge prit l’initiative de construire des écoles rattachées à des églises dans toute l’île, augmentant ainsi l’offre de places et une éducation de la même qualité qu’en Angleterre.

Le grand changement ne se produisit qu’à partir de 1920, lorsque les noirs Barbadiens s’organisèrent politiquement et lancèrent un mouvement durable pour les droits politiques, qui au final se traduisit par des conquêtes économiques et sociales. Peu à peu, le nombre de Noirs au parlement augmenta et, en 1958 fut élu le premier Premier Ministre noir, Sir Grantley Adams, un avocat qui plaidait pour les réformes sociales et politiques. Son successeur, Errol Barrow, alla plus loin et réforma le système éducatif, en introduisant la gratuité scolaire au primaire et au secondaire, en plus de la fourniture des repas scolaires pour tous les Barbadiens au début des années 60. Cela constitua, selon la majorité de la population, la grande révolution à la Barbade. Depuis lors, le premier poste dans les exportations de cette petite île est constitué par ses professionnels exceptionnellement bien formés, qui continuent d’occuper des postes dans les entreprises et des gouvernements du monde entier. Il est bon de souligner que, pour la Barbade, l’éducation gratuite va jusqu’au doctorat.

Les Barbadiens s’enorgueillissent du fait que le pays est classé dans le top cinq ayant les plus hauts taux d’alphabétisation au monde, le taux d’analphabétisme étant inférieur à 1%. L’enseignement est obligatoire pour tous les enfants de moins de 16 ans, et la société s’assure de cela. Il existe 70 écoles primaires et 23 écoles secondaires publiques. L’enseignement primaire commence à l’âge de trois ans, donnant aux parents le confort de laisser leurs enfants en sécurité tandis qu’ils sont au travail.

Le campus universitaire de Cave Hill, créé en 1962 comme une partie de l’Université des West Indies reçoit aujourd’hui plus de 8.500 étudiants et regroupe des enseignants nationaux et étrangers originaires de pays comme le Nigeria, l’Angleterre, l’Algérie, le Canada, le Kenya, l’Espagne, la France, et même le Brésil, qui contribuent à élargir la vision du monde des étudiants.

L’un d’eux, Ochieng-Odhiambo, d’origine kenyane, professeur de philosophie africaine au premier et au troisième cycles, est arrivé à la Barbade il y a huit ans. « Quand je suis arrivé ici, la philosophie africaine n’était pas une discipline très respectée en Angleterre et dans de nombreux pays développés, mais les gens de cette université étaient très désireux de recevoir des informations sur l’Afrique, et ont été très réceptifs à cette nouvelle approche de la philosophie« , explique-t-il. Aujourd’hui, il est le Chef du département d’Histoire et de Philosophie et il affirme qu’aucun de ses six enfants ne pense retourner au Kenya.

« Ici, l’éducation est de qualité et gratuite, j’ai trois de mes enfants déjà inscrits aux études supérieures et je n’ai jamais payé un sou. En venant de Nairobi, la plus grande capitale de l’Afrique de l’Est, on trouve ici paix, tranquillité et sécurité. C’est le paradis ici, on dort les fenêtres ouvertes et personne ne prend la peine de fermer sa voiture.  » En plus de l’université, la Barbade a également un institut polytechnique et un collège communautaire d’enseignement supérieur, qui reçoit des étudiants originaires d’autres îles des Caraïbes et de certains pays voisins comme le Venezuela et la Colombie.

Le gouvernement garantit également l’efficacité du système de santé et les gens peuvent compter sur les hôpitaux et les cliniques de soin, y compris des médicaments gratuits pour les maladies chroniques. Résultat : l’île est reconnue pour sa population centenaire. L’espérance de vie à la Barbade est officiellement de 72 ans pour les hommes et de 77 ans pour les femmes, mais chaque dimanche, le journal local publie des photographies d’un ou plusieurs résidents célébrant leur centenaire.

Si vous êtes attirés par tout ce développement et cette stabilité, ajoutez cela à un été presque interminable. Une amie l’autre jour disait à son père inquiet, qui se demandait quel était le climat à la Barbade: « Papa, ici il y a deux types de climat: la chaleur ou plus de chaleur« . Retrouvez également les belles plages de sable blanc et une mer bleu-vert, très calmes et tiède. Des cocotiers, une brise légère, un sandwich au poisson volant et une bière fraiche. Voilà! Vous êtes au paradis. Détendez- vous, car vous êtes à la Barbade.

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