L’université algérienne : lieu d’élite ou parking pour chômeurs diplômés ?


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Ce fut un temps où l’université algérienne était le fleuron du pays, sa pépinière de cadres et d’élite intellectuels. Ce fut un temps où elle était la voie royale de la réussite sociale. Ce fut un temps où le « professeur – chercheur » – en tant que cadre supérieur de la nation – avait le même prestige et la même considération que le cadre politique… Ce temps-là est-il à jamais révolu ?

Par Mohammed GUÉTARNI, Docteur ès Lettres, Université De Chlef

Ce fut un temps où l’université algérienne était le fleuron du pays, sa pépinière de cadres et d’élite intellectuels. Ce fut un temps où elle était la voie royale de la réussite sociale. Ce fut un temps où le « professeur-chercheur » – en tant que cadre supérieur de la nation – avait le même prestige et la même considération que le cadre politique.
Ce fut un temps où ce même professeur-chercheur percevait dix fois le SMIG et menait un standing de vie à la hauteur de ses efforts consentis et de ses compétences (Bac+10). Ce temps-là est-il à jamais révolu ?
Le silence politique suicidaire sur une institution d’envergure comme l’université ne présage pas un bon augure. Est-il vrai qu’aucun responsable politique n’a rien à (re)dire, pas même le ministre chargé de ce secteur ô combien stratégique ?

Aujourd’hui, enseignants et étudiants semblent abattus. Les enseignants, mal rémunérés et surtout mal considérés, préfèrent mettre leurs compétences au service d’autres pays qui apprécient la valeur du savoir et de ses détenteurs, au grand dam de l’Algérie. Ce qui vide nos universités de leurs cadres à compétences reconnues. Le chef de l’État, lui-même, lors de son discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de l’année universitaire 2006-2007 à Batna, reconnaît que: « Nous formons pour les autres ». Oui, mais quelles sont les mesures idoines et urgentes prises (ou à prendre) au sommet de l’État pour arrêter – sinon freiner – cette véritable hémorragie intellectuelle qui a vidé l’Université algérienne de sa substance jusqu’à la rendre exsangue ? Quand les déclarations politiques seront-elles concrétisées en objectifs viables et fiables ?

Nous avons eu l’occasion de dire, dans ces colonnes, que la matière grise vaut autant – sinon plus – que la matière première. N’étant intellectuels de renom, nous n’avons pas, hélas, été entendus. Les étudiants souffrent dans leur chair – et surtout dans leur esprit — le manque d’un encadrement performant pour une formation « ès qualités ». La dévalorisation des diplômes, voire la « déqualification » de la formation ont fait que l’université est devenue une sorte de « parking pour chômeurs diplômés ». Cette idée, même si elle n’est pas fondée, décourage nos jeunes et leur fait perdre toute motivation pour les études. « Le saint esprit » de l’université du temps du père et celui du fils n’est plus le même. Certains enseignants se voient contraints d’exercer une activité seconde pour arrondir leurs fins de mois rachitiques pour la plupart.

Il n’est un secret pour personne que le salaire de l’enseignant-chercheur, actuellement, est très loin d’être en adéquation avec le coût de la vie et de son doctorat en tant que dernier degré universitaire. Les conditions de la recherche sont insatisfaisantes. Il y a tout lieu de croire qu’il existe une politique qui accule les cadres nationaux de haut niveau vers la porte de sortie, les obligeant à quitter le pays au vu et au su des pouvoirs publics. « Dans un pays [le nôtre] où les artistes, universitaires, chercheurs, savants, intellectuels sont traités comme des pestiférés » (1). Sommes-nous « Persona non grata à ce point, dans notre propre pays ? » Si oui, par qui et pourquoi ? C’est là le point.

Pourtant aucun pays au monde ne peut ignorer, ni encore moins se désintéresser de la rentabilité sociale de l’université. Sa négation signifie le refus de reconnaître le mérite de l’élite intellectuelle. S’il y a hiérarchisation de la société, cela doit se faire au seul niveau du mérite individuel ou du groupe, c’est-à-dire des cadres performants dont a besoin l’Algérie.

Sans sombrer dans le défaitisme, l’université algérienne est souffrante. Un diagnostic clinique s’impose par des praticiens intègres et performants. Le calme qui prévaut actuellement relève plus d’un dépit que d’une sérénité. Enseignants et étudiants refusent d’assister aux obsèques de leur institution. Il serait gravissime de la part des pouvoirs publics de se fermer les yeux et de se boucher les oreilles face à une situation dont le pourrissement va crescendo.

Pourquoi ne pas créer des « Unités d’Enseignement et de Recherche » (U.E.R.) à l’instar des grandes universités dans le monde où les enseignants partagent leurs compétences avec leurs collègues des universités nationales, régionales et – pourquoi pas – internationales et aussi avec leurs étudiants pour garantir une meilleure relève ? Ce serait un moyen, pour l’université algérienne, de contribuer concrètement et efficacement au développement du pays et de lutter contre l’incompétence, la médiocrité et surtout contre l’immobilisme social. Ceci est possible grâce à des hommes qui n’ont jamais renoncé à donner le meilleur d’eux-mêmes sans qu’il ne leur soit rendu le moindre hommage ni la moindre reconnaissance de leur vivant.

Le savoir, chez nous, est-il tombé dans une pareille insignifiance, alors que nous faisons partie de la Oumma de « IKRA’A » ? L’intellectuel, pourtant loué par Dieu l’Omniscient, est-il considéré comme un apprenti sorcier ? L’université est-elle devenue « la fleur du mal ?»

Quelle que soit la réponse apportée à ces interrogations inquiétantes, il y a lieu d’en retenir une: ne point marginaliser la société ni de décevoir les milliers de jeunes universitaires. Ce présent article est un diagnostic préventif. Mieux vaut prévenir que… guérir l’incurable.

Dr Mohammed GUÉTARNI, Docteur Es Lettres Université De Chlef, pour Le Quotidien d’Oran

(1) Yasmina Khadra. In Le Quotidien d’Oran du mardi 17/10/2006. P. 07.

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