L’imam Abdelkader Bouziane de nouveau expulsé


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L’imam de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, a été expulsé mardi vers l’Algérie pour la seconde fois en six mois. La veille, le Conseil d’Etat avait, contre l’avis du Commissaire au gouvernement, confirmé la mesure d’expulsion prise par le ministère de l’Intérieur. Une mesure suspendue depuis six mois par le Tribunal administratif de Lyon, qui contestait sa légalité.

Expulsé le 21 avril de France vers l’Algérie, de retour le 22 mai, l’imam de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, a de nouveau été reconduit dans son pays d’origine ce mardi. Comme lors de sa première expulsion, les choses sont allées très vite. Lundi, le Conseil d’Etat, la plus haute autorité administrative française, a annulé la suspension – décidée par le tribunal administratif de Lyon – de la mesure d’expulsion prise par le ministère de l’Intérieur. Le lendemain, l’imam était interpellé et conduit à l’aéroport pour embarquer sur un vol à destination d’Oran. Une célérité qui serait due au caractère dangereux de l’imam, mais que le tribunal administratif de Lyon avait sérieusement mis en doute. De même que le Commissaire au gouvernement du Conseil d’Etat, qui n’a exceptionnellement pas été suivi par ses confrères.

Expulsion express

L’imam Abdelkader Bouziane s’est rendu célèbre en avril dernier pour avoir défendu la polygamie, la lapidation des femmes et le prosélytisme dans le mensuel Lyon Mag. La presse s’est emparée de l’affaire et le ministre de l’Intérieur, M. Dominique de Villepin, a jugé bon d’agir vite et fort en expulsant l’imam. Mais il ne pouvait pas le faire pour ses propos. Par ailleurs, la « loi Sarkozy », qui modifie et durcie l’« ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France », ne permettait pas l’expulsion de l’imam, dans le pays depuis plus de vingt ans et père de seize enfants, dont quatorze français.

Le ministère de l’Intérieur a alors cherché à appliquer un arrêté d’expulsion vieux de deux mois, pris à l’encontre de l’imam par l’ex-ministre de l’Intérieur, M. Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait invoqué « l’urgence absolue » et « la nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat et la sécurité publique », pour faire usage de cette procédure qui permet de passer outre certaines règles de protection des étrangers. L’imam, avait-il expliqué, appelait « ouvertement à la violence et à la haine ». Il apparaissait comme le « principal vecteur de l’idéologie salafiste dans la région lyonnaise », en lien « avec des éléments très déterminés de la mouvance intégriste islamiste (…), en relation avec des organisations prônant des actes terroristes ». Il aura pourtant fallu attendre deux mois et cette sortie médiatique suicidaire de l’imam pour que la procédure soit appliquée.

L’arrêté d’expulsion mis en cause

Saisi en référé (en urgence) par l’avocat d’Abdelkader Bouziane, Me Mahmoud Hebia, le tribunal administratif de Lyon avait relevé ces contradictions et suspendu l’arrêté d’expulsion dès le 23 avril. Il existe « un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté d’expulsion », avait commenté le magistrat, indiquant que le ministère de l’Intérieur n’apportait pas la preuve de ses accusations. M. de Villepin était revenu à la charge trois jours plus tard en présentant deux « notes blanches » des renseignements généraux, qui devaient apporter plus d’informations sur les liens supposés entre Bouziane, la « mouvance salafiste » et les milieux terroristes. Sans convaincre le juge, qui rejetait la requête du ministre le 26 avril et l’obligeait à se pourvoir devant le Conseil d’Etat.

Mêmes doutes du côté du Commissaire au gouvernement (sorte de procureur et de conseiller du Conseil d’Etat). Lors de l’audience publique, Mattias Guyomar, jugeant « la très faible consistance du document produit par le ministre », avait rejoint le juge lyonnais qui avait suspendu l’arrêté d’expulsion. « La gravité des faits reprochés à M. Bouziane ne saurait s’accommoder d’allégations générales dépourvues de tout élément précis permettant d’en apprécier le bien-fondé », avait-il conclu, rapporte le quotidien Le Monde. Ses confrères du Conseil d’Etat en ont jugé autrement. « Le Commissaire au gouvernement est pourtant très souvent suivi », explique un spécialiste du droit des étrangers. « Lorsqu’il ne l’est pas, ce sont des décisions qui font date ».

La Cours européenne des droits de l’Homme est désormais le dernier recours de celui qui assurait faire peu de cas du droit de la femme. Quand à l’ordonnance de 1945, elle a été modifiée pendant l’été afin qu’un Bouziane bis puisse être rapidement expulsé pour ses propos et non pour autre chose. Lui-même reste poursuivi et mis en examen, au plan pénal, pour « complicité d’apologie de crime ».

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