L’envoyé spécial des Nations Unies renvoyé du Soudan


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L’envoyé spécial des Nations Unies au Soudan devrait quitter le territoire lundi. Le ministre soudanais des Affaires Etrangères avait sommé Jan Pronk, dimanche, de quitter le pays suite à la publication, sur son blog, de détails concernant deux défaites militaires du gouvernement. Alors que l’armée soudanaise se réjouit de la décision, le Sud-Soudan estime qu’elle ne résoudra pas la crise qui secoue la province occidentale du Darfour.

Jan Pronk était connu pour son franc-parler, il l’est désormais aussi pour sa plume jugée indiscrète. Le représentant spécial des Nations Unies au Soudan devrait quitter le pays ce lundi, suite à un ordre d’expulsion par le ministre soudanais des Affaires Etrangères. Une décision prise suite à la publication, sur son blog, d’informations sur des déroutes militaires du gouvernement dans le Darfour (Ouest). Le 14 octobre, le responsable hollandais de 66 ans a annoncé que « les SAF (Forces armées du Soudan) ont perdu au Darfour deux combats majeurs : à Oum Sidir le mois dernier et à Kerakaya cette semaine ». Il ajoutait : « Les pertes semblent avoir été très importantes. Des récits parlent de centaines de victimes dans chacun des deux combats, avec beaucoup de blessés et beaucoup de prisonniers. Le moral dans l’armée du gouvernement dans le Darfour Nord a baissé. Des généraux ont été licenciés. Des soldats ont refusé de se battre ».

Secrets de guerre

Jan Pronk a pris sa fonction de représentant spécial en 2004. Depuis novembre 2005, il commente sur son blog ce qui se passe au Soudan, relate ses interventions de médiation, dresse son analyse de la situation. Il était déjà dans le collimateur des autorités parce qu’il se serait déplacé sur le territoire sans autorisation pour s’entretenir avec les rebelles. Il avait par ailleurs qualifié le Soudan d’« Etat policier » et l’avait accusé de prêter mains fortes aux miliciens janjawid, accusés d’exactions contre les populations du Darfour. De fait, les relations entre le pouvoir et le responsable onusien ont empiré. Les commentaires du 14 octobre ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. D’autant qu’ils mettent directement en cause le pouvoir.

Selon Jan Pronk, le « gouvernement a répondu en dirigeant plus de soldats et d’équipement à cette région et en mobilisant des milices arabes. C’est un développement dangereux. Les résolutions du conseil de sécurité, qui a interdit la mobilisation armée, est violée ». Il fait également de son inquiétude quant à une possible « confrontation » entre la SAF, qui recevrait le soutien de rebelles tchadiens, et une coalition de rebelles, qu’aideraient les autorités de N’Djamenah.

Le Sud-Soudan dénonce l’expulsion

Il aura fallu plus d’une semaine pour que Khartoum tranche. Dimanche, le ministre des Affaires Etrangères, Ali al-Sadiq, a ordonné que Jan Pronk soit expulsé dans trois jours, estimant que ses déclarations ne sont « pas compatibles avec son mandat ». L’armée soudanaise soutient cette position. Elle reproche à l’ancien ministre et député des Pays-Bas de s’être « ouvertement ingéré dans les affaires des forces armées » et de « mener une guerre psychologique à l’encontre des forces armées en propageant des informations erronées qui jettent le trouble sur la capacité des forces armées à maintenir la sécurité et à défendre le pays ». Interrogé par la BBC, le général Mohamed Bachir Souleimane, un ancien porte-parole de l’armée soudanaise, assimilait pour sa part Jan Pronk à « une menace à la sécurité nationale ».

Le gouvernement du Sud-Soudan considère que le renvoi diplomate est « une mauvaise décision qui rapproche le Soudan encore davantage d’une confrontation avec la communauté internationale. Expulser Jan Pronk ne résoudra pas le problème d’aujourd’hui, à savoir le Darfour », a souligné son porte-parole Yasser Arman, selon les propos rapportés par l’AFP. Même sentiment chez le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires Etrangères responsable de l’Afrique, Lord David Triesman, qui « demande au gouvernement soudanais de reconsidérer sa décision ». La prochaine étape pour Jan Pronk sera New-York, où sont prévues « des consultations » avec le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan.

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