L’Empire numérique de « The Enterprise » : quand quatre Ghanéens orchestrent une arnaque financière de 100 millions de dollars


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Attention, arnaque en cours
Attention, arnaque en cours

Ils ont bâti une organisation transnationale capable de déjouer les systèmes de sécurité américains pendant des années. L’affaire des quatre ressortissants ghanéens, extradés vers les États-Unis pour une escroquerie de plus de 100 millions de dollars, révèle l’ampleur d’une ingéniosité criminelle qui force l’admiration par sa sophistication technique.

Trois des quatre suspects – Isaac Oduro Boateng, alias « Kofi Boat » (36 ans), Inusah Ahmed, alias « Pascal » (40 ans), et Derrick Van Yeboah, alias « Van » (40 ans) – ont été extradés du Ghana et sont arrivés aux États-Unis le 7 août 2025. Le quatrième, Patrick Kwame Asare dit « Borgar », demeure introuvable, ajoutant une dimension quasi-légendaire à cette organisation criminelle baptisée « The Enterprise ».

Une architecture criminelle d’une complexité impressionnante

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la sophistication de l’organisation mise en place. Les quatre hommes étaient des membres de haut rang d’une organisation criminelle basée au Ghana qui a commis des escroqueries sentimentales et des compromissions d’emails professionnels contre des individus et des entreprises situés à travers les États-Unis.

L’ampleur de leur succès témoigne d’une maîtrise technique et psychologique remarquable. En effet, au total, la conspiration a volé et blanchi plus de 100 millions de dollars auprès de dizaines de victimes. Un montant qui place cette organisation au niveau des plus grandes escroqueries de l’histoire financière moderne.

Les « présidents » d’un empire invisible

Après avoir volé l’argent, les fonds frauduleux étaient ensuite blanchis vers l’Afrique de l’Ouest, où ils étaient largement canalisés vers des individus appelés « présidents« , qui dirigeaient les activités des autres membres de la conspiration. Boateng et Ahmed étaient considérés comme deux des présidents de l’organisation.

Cette hiérarchisation révèle une structure d’entreprise quasi-légitime, avec des rôles définis et une chaîne de commandement claire. Isaac Oduro Boateng, surnommé « Kofi Boat« , n’était d’ailleurs pas un inconnu dans le monde des affaires légitimes : Kofi Boat est le propriétaire d’ICEFOOD LTD, une entreprise leader de produits surgelés au Ghana.

Une double expertise : technologique et psychologique

L’organisation maîtrisait deux types d’escroqueries sophistiquées. D’une part, les « romance scams » qui exploitent la vulnérabilité émotionnelle. Ainsi, de nombreuses victimes de la conspiration sont des hommes et femmes âgés vulnérables qui ont été trompés en croyant entretenir des relations romantiques en ligne avec des personnes qui étaient, en fait, de fausses identités assumées par des membres de la conspiration. Une arnaque classique, mais efficace.

D’autre part, les attaques par compromission d’emails professionnels (BEC), qui nécessitent une connaissance approfondie du fonctionnement des entreprises et de leurs processus financiers.

Cette affaire illustre la capacité d’adaptation et d’innovation de criminels qui ont su exploiter les failles d’un système mondialisé. Pendant des années, ils ont réussi à échapper aux radars des autorités américaines, développant des méthodes de plus en plus raffinées.

La coopération internationale mise à l’épreuve

Le procureur américain Jay Clayton a déclaré : « Les escrocs offshore doivent savoir que nous, le FBI, et nos partenaires d’application de la loi travailleront dans le monde entier pour combattre la fraude en ligne et traduire les auteurs en justice« . M. Clayton a remercié le Ghana et le Bureau des affaires internationales du ministère américain de la Justice pour leur assistance.

La capacité d’organisation, la maîtrise technologique et l’intelligence stratégique déployées dans « The Enterprise » auraient pu, dans un contexte légal, créer une véritable multinationale prospère. C’est peut être un signapour que Trump assouplisse ses mesures de restrictions aux frontières.

L’affaire de « The Enterprise » restera en tous cas dans les annales comme un exemple de ce que peut accomplir l’ingéniosité humaine, même quand elle emprunte des voies illégales. Ces 100 millions de dollars détournés témoignent d’une capacité d’organisation et d’innovation qui, bien que criminelle, force une certaine forme de respect pour l’ampleur de l’entreprise menée. Et pour l’instant l’argent volé court toujours au Ghana.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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