L’Egypte côté peuple


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Pour découvrir une Egypte pharaonique populaire et émouvante, le musée du Louvre à Paris propose le résultat des fouilles du site de Deir el-Médineh. Un village de Haute-Egypte où vécurent plusieurs générations d’artisans au cours du 13ème avant J-C. Ceux-là même qui ont creusé et décoré les tombeaux des Vallées des Rois et des Reines, laissés à la postérité.

C’est une tente d’archéologue qui accueille les visiteurs du Musée du Louvre. Pour rendre hommage aux hommes qui ont fouillé pendant des années le site de Deir el-Médineh en Haute-Egypte. Un site particulier, abritant les vestiges d’un village et d’une nécropole, lieux de vie et de mort de la communauté d’artisans (carriers, sculpteurs, scribes, dessinateurs, peintres) employée au creusement et à la décoration des tombes pharaoniques de la Vallée des Rois et de celle des Reines. Pour la première fois, s’offre au visiteur, non pas l’Egypte mythifiée des Pharaons, des Dieux et des temples monumentaux, mais l’Egypte ordinaire et populaire du Nouvel Empire (1500-1050 avant J-C).

On apprend, en lisant les registres des travaux, que les artisans de Deir el-Médineh travaillaient huit jours dans les Vallées (installés alors dans des campements) et revenaient se reposer deux jours dans leur village. Pas encore les congés payés, mais déjà le week-end… Et que si un ouvrier était absent au travail, ce pouvait être à cause d’une beuverie à la bière d’orge (boisson nationale) ou de l’indisposition de sa femme.

Ostraca révélateurs

Grâce aux ostraca (fragments de calcaire ou de poterie qui ont servi de supports pour des inscriptions ou de  » brouillons  » pour des esquisses), on découvre que les Egyptiens du Nouvel Empire maniaient l’humour avec aisance (des dessins satiriques tournent en dérision certaines cérémonies), se laissaient aller à des représentations érotiques, appréciaient le vin (conservé dans une cruche portant le nom du récoltant et la date de la récolte sur une plaquette d’argile …) et fomentèrent les premières grèves de l’humanité parce qu’on ne leur apportait plus à manger sur les chantiers.

Outre ces revendications syndicales avant l’heure, on peut lire avec étonnement l’interprétation des rêves de Qenherkhepshef, grand intellectuel du 13ème siècle avant J-C qui en a même fait un traité . Les pièces exposées permettent de saisir le quotidien, l’intimité (les ostraca représentant des femmes allaitant sont très émouvants) et l’imaginaire de ces anciens Egyptiens. On découvre avec bonheur leurs perruques et leurs modes, les flacons à khôl, un briquet (qui consistait en la friction d’une baguette de bois dans une encoche) et les vanneries quasiment identiques à celles que l’on trouve aujourd’hui dans les campagnes égyptiennes.

Caveau grandeur nature

Pendant plus de 3 500 ans, le climat sec du désert de Haute-Egypte a conservé ces trésors qui trouvent un écho dans notre monde moderne et nous font par là même nous sentir extraordinairement proches des artisans de Deir el-Médineh. L’exposition se découpe en quatre sections : Vivre, Créer, Croire, Mourir.  » L’objectif était la simplicité, pour faire passer le message, même si je n’ai pas pu emprunter à l’Egypte la lumière, le fleuve (le Nil, ndlr) ou le désert « , explique Guillemette Andreu, commissaire de l’exposition et conservateur des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Outre le travail sur la signalétique, Guillemette Andreu souligne la reconstitution, grandeur nature, du caveau de l’artisan Sennedjem, l’un des mieux conservés du site. Ce tombeau familial rassemblait neuf cercueils, des momies et du mobilier funéraire. Il clôt en beauté le parcours de l’exposition.

 » Deir el-Médineh est un site exceptionnel. Le village et la nécropole sont très bien conservés. Découvert au début du 19ème siècle, il a été pillé avant d’être étudié à la fin de ce même siècle. Ce fut une fouille audacieuse car on ne connaissait pas exactement la nature du site. Seuls le temple et son haut mur d’enceinte émergeaient des sables et on ne pouvait pas s’attendre à une telle découverte. C’est Bernard Bruyère, archéologue français, qui entame à partir de 1922 une exploration complète du secteur. Il le quittera en 1951 « , souligne la commissaire.

La mise au jour de ces vestiges permet de découvrir l’âme égyptienne du 13ème siècle avant J-C, la liberté d’expression et l’inspiration artistique des artisans-artistes de Deir el-Médineh. Et c’est un cadeau magnifique.

Les artistes de Pharaon, Deir el-Médineh et la vallée des Rois. Musée du Louvre, hall Napoléon. Entrée par la pyramide, la galerie du Carrousel ou le passage Richelieu. Tous les jours, sauf le mardi, de 9h à 17h30. Nocturnes les lundi et mercredi jusqu’à 21h30.

Visiter le site du Musée du Louvre www.louvre.fr.

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