L’art contemporain africain exposé à Nantes


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

L’exposition Beautés.afriques@nantes présente à Nantes (France), depuis le 15 octobre et jusqu’au 9 janvier 2005, un panel d’œuvres d’artistes africains issus de toutes disciplines. Optique culturelle, mais également historique, puisqu’il s’agit entre autres pour l’ancien port négrier français, de se réconcilier avec son passé. Point de vue de David Moinard, chargé de production de l’exposition.

Par Koceila Bouhanik

L’art contemporain africain est à l’honneur à Nantes. Née d’une volonté commune, soutenue par la municipalité nantaise, le département et jusqu’au niveau gouvernemental, l’exposition Beautés.afriques@nantes est un reflet direct de la biennale Dak’Art de 2004, à Dakar. Les 12 artistes, sélectionnés au rendez-vous sénégalais des arts contemporains africains, se sont donc rendus à Nantes (France), en résidence croisée-échange, pour donner corps à l’évènement. Dans cette ancienne usine désaffectée, devenue depuis le 1er janvier 2000, le Lieu Unique, centre d’art contemporain et scène nationale, ces artistes de tous horizons ont pu s’exprimer à travers une œuvre de leur choix. Sont également exposés les ensembles de six photographes présentés au Rencontres de la Photographie Africaine de Bamako en 2003. Certes établie pour des raisons culturelles, l’exposition n’en reste pas moins une sorte de mea culpa de l’ex-port négrier français.

Afrik.com : Pourquoi organiser une telle exposition en France, et plus particulièrement à Nantes ?

David Moinard :
Il s’agit à la base d’une initiative de Patricia Solini, responsable des arts plastiques au Lieu Unique. Amoureuse de l’Afrique de longue date, elle a également été membre du jury de la biennale de Dak’Art en 2004. C’est à partir de cela que l’idée lui est venue d’organiser cet évènement, en réponse à la biennale de Dakar, en quelque sorte, dans le but de promouvoir l’art contemporain africain et de mieux le faire connaître au public français. Plus généralement, il faut savoir que l’exposition est en partie liée à la volonté des organisateurs et des autorités municipales de créer un symbole culturel. C’est-à-dire, faire « table rase » du passé historique de la ville en tant que premier port négrier français, afin d’instituer, à terme, Nantes en tant que ville-relais de l’Afrique en France. Ce qui avait déjà été initié par l’exposition, toujours nantaise : « Les anneaux de la mémoire », dont le thème principal était le commerce triangulaire.

Afrik.com : Sur quels critères avez-vous choisi les artistes qui ont participé à cette manifestation ?

David Moinard :
Douze artistes de la biennale de Dakar ont été invités et nous avons acheminé l’œuvre de six photographes des Cinquièmes Rencontres de la Photographie Africaine de Bamako, en 2003. Venant de toute l’Afrique, cette sélection a été voulue par Patricia Solini, selon ses propres critères, en vue d’une représentativité la plus complète possible de ce que peuvent être les arts contemporains africains d’aujourd’hui.

Afrik.com : A ce titre, avez-vous rencontré des difficultés particulières dans vos démarches pour faire venir ces artistes en France ?

David Moinard :
Sur les douze artistes de la biennale de Dakar, six viennent de différents pays d’Europe : Allemagne, Autriche, Belgique ou France. Pour ceux là, aucun problème. Mais je me suis personnellement occupé de toutes les démarches administratives des six autres artistes, qui viennent pour la plupart d’Afrique noire. Je peux vous assurer que ce n’était pas qu’une partie de plaisir ! J’ai téléphoné un nombre incalculable de fois aux différentes ambassades et la principale difficulté a été, en fait, de trouver le bon interlocuteur dans chacune d’elles. Mais nous avions solidement constitué les dossiers de nos invités et nous nous y sommes pris suffisamment à l’avance pour pouvoir les recevoir en temps et en heure. Toutefois, avec certaines ambassades, comme celle de la Côte d’Ivoire, et les problèmes actuels, ou celle du Cameroun ou de la République Démocratique du Congo, nous nous sommes retrouvés confrontés, au début, à de grosses réticences. Mais au final, nous avons obtenu les visas du premier coup, grâce notamment à l’appui de l’Association Française d’Action Artistique, qui dépend du ministère français des Affaires Etrangères.

Afrik.com : Une fois sur place, comment s’est organisé le travail avec les artistes ?

David Moinard :
Pendant cinq semaines in situ, au Lieu Unique, les artistes ont pu donner libre cours à leur créativité, avec pour seule contrainte d’utiliser les matériaux qu’offre la région et de mettre leurs œuvres en relation avec l’environnement de l’usine. Une œuvre par artiste, douze œuvres pour l’exposition, du travail sur sable, faite à partir du sable des plages de Loire-Atlantique, à l’impression sur verre ou le travail du plastique…acheté en magasin nantais !

Afrik.com : Et quant à l’organisation de l’exposition elle-même ?

David Moinard :
Beautés.afriques@nantes est ouverte tous les jours, hormis le lundi. Du mardi au samedi, de 13h à 19h et le dimanche de 15h à 19h. Nous présentons les oeuvres telles quelles, toujours dans le contexte du Lieu Unique. Toutefois, nous avons également apporté une dimension plus conviviale par la mise en place d’un marché africain traditionnel le samedi après-midi, dans l’exposition même. Il propose à nos visiteurs des produits typiquement africains, des restaurants, un salon de coiffure afro-américain, des stands de commerce équitable et des stands d’objets utilitaires de la vie quotidienne africaine, comme des nattes tressées ou des vases, par exemple. Par contre, nous avons refusé d’y introduire un quelconque artisanat car cette production ne correspond pas aux produits que l’on peut habituellement trouver sur les marchés africains. En somme, nous avons refusé de souscrire au cliché habituel du commerce pour touristes que l’on connaît.

Afrik.com : Quel est le type de visiteurs que vous recevez ?

David Moinard :
Nous rencontrons un grand succès auprès de tous nos visiteurs, qui proviennent de tous les milieux sociaux. Depuis le 15 octobre, nous avons eu plus de 8 000 visiteurs, aussi bien des familles le dimanche, que des connaisseurs, des touristes ou tout simplement des personnes curieuses de découvrir ce que peut être l’art africain contemporain. Quoi qu’il en soit, tous partagent ce même enthousiasme en sortant de l’exposition et notre Livre d’Or regorge déjà de compliments, seulement deux semaines et demi après l’ouverture !

Afrik.com : Qui sont ces artistes et d’où viennent-ils ?

David Moinard :
Cet échantillon d’artistes provient réellement de toute l’Afrique et la liste est plus que variée. Nous avons l’Algérie, avec Samta Benyahia qui travaille sur l’image notamment, sa compatriote Zoulikha Bouabdellah, jeune vidéaste, le Togo, avec Sokey Edhor, qui travaille sur sables, le Sénégal avec Aicha Aidara, peintre et tisserande, son compatriote Cheikh Niass, qui œuvre avec le verre et le tissu, la RDC avec Michèle Magema, vidéaste et photographe, la Côte d’Ivoire, avec Wanoumi, qui combine le travail sur bois et métal récupéré, l’Ethiopie avec Assefa Gebrekidan, sculpteur, le Bénin, avec Pélagie Gbaguidi, photographe et dessinatrice, le Congo, en la personne de Bill Kouélany, peintre, le Cameroun, avec Malam, qui travaille sur matières tangibles, le Mali enfin, avec Cheick Diallo, designer.

Afrik.com : Quelle est la suite du voyage pour l’exposition ?

David Moinard :
Pour l’instant, et jusqu’au 9 janvier 2005, nous allons être très occupés, nous aurons bien le temps de voir d’ici là.

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