L’armée accepte des rebelles au gouvernement


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Drapeau de la Côte d'Ivoire
Drapeau de la Côte d'Ivoire

L’armée ivoirienne serait prête à accepter l’entrée de rebelles au sein du gouvernement, pourvu que ce ne soit pas aux ministères de la Défense et de l’Intérieur. Mais le MPCI se montre intransigeant quant à ces portefeuilles et réclame toujours l’application à la lettre des accords de Marcoussis. Le lieutenant colonel Jules Yao Yao, porte-parole de l’état-major ivoirien, précise la position des Fanci dans la crise ivoirienne.

 » Tout est en bonne voie « , déclarait mercredi le président togolais à l’issue d’un entretien à l’Elysée avec le Président Jacques Chirac. Gnassingbé Eyadéma, optimiste, affirmait que  » les rebelles vont entrer dans ce nouveau gouvernement, [et que] c’est le Premier ministre qui va discuter avec son chef d’Etat pour les postes qui seront attribués aux rebelles « . Déclaration que le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) a immédiatement qualifié  » d’acte isolé qui ne [les] engage pas « . En réaffirmant son intransigeance quant à l’application stricte des accords de Marcoussis. Dans cette confusion, due à la multiplicité des intervenants dans le règlement de la crise ivoirienne, les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) ont fait savoir qu’elles seraient finalement prêtes à accepter la présence de rebelles au sein du futur gouvernement de réconciliation. Tout en précisant que les ministères de la Défense et de l’Intérieur devraient revenir  » à des gens neutres « . Le lieutenant colonel Jules Yao Yao, porte-parole de l’état-major ivoirien, précise la position des Fanci sur cette épineuse question et, d’une manière générale, dans la crise qui secoue la Côte d’Ivoire depuis cinq mois.

Afrik : Vous avez déclaré que l’armée ivoirienne est prête à accepter l’entrée de rebelles au sein du futur gouvernement de réconciliation. Pouvez-vous préciser votre position ?

Jules Yao Yao : Ce que j’ai dit, précisément, est que si la Côte d’Ivoire doit payer un certain prix pour le retour à la paix, l’entrée au gouvernement des rebelles est envisageable. Mais nous restons intraitables. Ils n’auront pas les ministères de la Défense et de l’Intérieur.

Afrik : Vous avez expliqué que ces deux ministères devraient revenir à des personnalités neutres. Qu’entendez-vous par là ?

Jules Yao Yao : Marcoussis a donné le ton en permettant le choix de Mr Seydou Elimane Diarra comme Premier ministre, une personnalité respectée dans tout le pays. Pour les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur, nous devons agir pareillement. Il doit y avoir dans le pays des personnes assez désintéressées et consciencieuses pour travailler en dehors des clivages politiques, pour la Côte d’Ivoire.

Afrik : Est ce que cela signifie que ces futurs ministres ne doivent pas être issus des partis en place : FPI, RDR, PDCI… ?

Jules Yao Yao : Il faut être clair. Le gouvernement de réconciliation fait intervenir les institutions, les partis politiques, la société civile ivoirienne… Pas uniquement les partis. Nous estimons d’ailleurs que les forces de défense et de sécurité pourraient très bien y être représentées si les rebelles doivent l’être. Nous avons expliqué aux représentants français que nous aurions du être invités à Marcoussis. Dans cette crise, on a tendance à être considérés comme une milice au service du parti au pouvoir.

Afrik : Les Fanci sont théoriquement au service d’un pouvoir qui a été élu. En quoi votre position dans la crise ivoirienne vous dérange ?

Jules Yao Yao : Bien entendu, l’armée est l’instrument du gouvernement et de l’Etat. Mais la façon dont les Fanci ont été traitées dans cette crise est tendancieuse. Il y a deux poids, deux mesures. Pour commencer, on a lâché à Marcoussis les ministères de la Défense et de l’Intérieur aux rebelles sous le prétexte qu’ils l’auraient remporté sur le terrain. Ce qui n’est absolument pas le cas. La seule bataille que nous ayons perdu est celle des médias. Il nous est même arrivé d’être  » gênés  » dans la poursuite de notre combat par les forces d’interposition françaises. Le principal critère qui aurait pu déterminer une victoire sur le terrain est la possession de la capitale. Or c’est nous qui tenons Abidjan. Nous avons d’ailleurs proposé à la communauté internationale de ne reconnaître que ce critère, ce qu’elle n’a pas fait. Ensuite, sur un pied d’égalité, ces rebelles, les partis ivoiriens et le gouvernement ont été invités à discuter de l’avenir de l’institution de l’Etat qu’est l’armée, sans nous consulter. Sur ce même pied d’égalité, nous aurions dû être invités en tant qu’une des parties prenantes du conflit.

Afrik : Comment avez-vous finalement reçu les Accords de Marcoussis ?

Jules Yao Yao : La lecture des accords par le Président Gbagbo à son retour de Paris nous a rassuré. De la même façon que nous l’avons été par l’ambassadeur français sur la question du cantonnement, qui ne concerne que les forces rebelles. En contrepartie, nous avons accepté de nous retirer de la ligne de front, ce qui est normal.

Afrik : Avez-vous soumis au groupe de contact sur la crise ivoirienne cette idée d’une participation des Fanci au négociations ?

Jules Yao Yao : Nous n’avons pas encore eu de contacts avec eux.

Afrik : Les rebelles ont réaffirmé, après les déclarations optimistes de Gnassingbé Eyadéma, que les accords de Marcoussis ne sont pas négociables et que les ministères de la Défense et de l’Intérieur doivent leur revenir.

Jules Yao Yao : Si ces portefeuilles ne sont pas négociables pour eux, il faut qu’ils sachent qu’ils ne le sont pas pour nous. S’ils refusent d’être ouverts sur cette question, c’est qu’ils veulent tout simplement la guerre. Ces hommes se nourrissent de la guerre. Il faut qu’ils gagnent quelque chose, en terme pécuniaire et en terme pouvoir. Sinon, je ne comprends pas pourquoi ils s’accrocheraient autant à ces ministères.

Afrik : Des combats ont eu lieu entre vos forces et des rebelles, ce mercredi, dans la ville de Zouenoula, à 400 km à l’ouest d’Abidjan. Ces rebelles sont-ils identifiés et cette attaque entre-t-elle, selon vous, dans le cadre de l’ultimatum qu’ils ont fixé au Président ?

Jules Yao Yao : Les rebelles ont violé la ligne de  » non franchissement « , faisant 10 blessés dont 3 graves selon les derniers bilans. Le fait est que la ville de Zouenoula se trouve dans la zone du MPCI. Mais je ne veux pas compromettre les négociations. Il faut savoir si les rebelles agissaient pour leur compte ou pour celui de leurs responsables. A l’heure actuelle, nous ne pouvons absolument pas dire si cette attaque entre dans le cadre de l’ultimatum fixé par les rebelles au Président Gbagbo.

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