« L’Aquarium »: une vision acerbe de l’Egypte contemporaine


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Leïla et Youssef ne se connaissent pas mais tout les rapproche. L’une est animatrice radio, l’autre est anesthésiste. Jeunes, beaux, intelligents ils sont pourtant tous les deux malheureux. Dans une Égypte hypocrite et soumise au poids des mœurs, ils essaient d’échapper à la réalité en vivant par procuration mais se rendront vite compte de leur misère intérieure. A voir sur la chaîne ARTE, samedi 13 décembre à 22h40.

Leïla, belle et attirante, la trentaine, est « la voix du Caire ». Dans une Égypte en proie au diktat de la pudeur et des interdits, elle anime « Secrets de nuit », une émission de radio nocturne. Les auditeurs qui l’appellent se confient à celle qu’ils ne voient pas mais dont la voix rassure. Ils lui racontent leurs fantasmes mais aussi leurs peurs. Peur d’être seul, peur de la maladie mais aussi peur de vivre libre. Son émission véritable arme de résistance dans une société hypocrite, déplait à sa mère mais Leïla s’en moque pas mal. Elle aimerait bien vivre seule mais a du mal à franchir le pas.

Youssef, cairote lui aussi, est anesthésiste dans un hôpital respectable, le jour, et travaille pour une clinique clandestine qui pratique l’avortement, la nuit. Il aime par-dessus tout écouter les délires des gens qu’il endort avant l’opération. Il fréquente Marwa de temps en temps mais ne veut pas s’engager. Il écoute souvent l’émission de Leïla. Comme elle, il a du mal à vivre dans son appartement.

Les deux oiseaux de nuit ne se connaissent pas mais pourtant tout les rapproche. Leurs destins, étrangement similaires, finiront par se croiser. Un coup de téléphone nocturne et un avortement secret suffiront à leur faire ouvrir les yeux.

Ils sont séduisants, ils ont réussi professionnellement et sont respectés, mais pourtant ils sont seuls. Horriblement seuls et misérables. Ils vivent tous deux par procuration, l’un observant les jeunes couples démunis s’embrasser en cachette, l’autre écoutant les peines nocturnes des âmes tristes.

Pour vivre heureux, vivons cachés

Avec ce cinquième long-métrage plutôt réussi, Yousry Nasrallah ne cherche pas à dénoncer la répression politique ou le fondamentalisme religieux qui pèse sur l’Égypte. Il dresse un portait juste de deux êtres à l’image de la société égyptienne moderne. Pour surmonter le poids des traditions et le regard des autres, ils vivent la nuit mais contrairement au proverbe « pour vivre heureux vivons cachés », ces deux-là sont profondément malheureux jusqu’à en oublier de vivre pour eux-mêmes.

Le titre du film renvoie à l’aquarium du Caire, véritable lieu de rendez-vous des jeunes couples qui essayent, eux-aussi, d’échapper au regard des autres. Ils sont pourtant observés et épiés sans arrêt comme des poissons dans un aquarium géant.

Les deux acteurs principaux sont saisissants. Hend Sabry incarne Leïla avec une grande justesse. Amr Waked est parfait dans le rôle de Youssef. On regretta quand même quelques lenteurs dans le film qui s’étire un peu mais qui reste malgré tout une belle fable moderne.

 « L’Aquarium », un film de Yousry Nasrallah : samedi 13 décembre à 22h40 sur ARTE

 La biographie de Yousry Nasrallah

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