
Alors que la relation entre Alger et Paris s’enlise une fois de plus dans des brouilles politico-diplomatiques, la Chine en profite pour s’ancrer solidement en Algérie. Avec pas moins de 4,5 milliards de dollars d’investissements directs annoncés, le message est clair : Pékin mise sur le long terme, là où Paris semble enchaîner les faux pas.
Lors du forum d’affaires algéro-chinois tenu ce mardi à Alger, le directeur général de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), Omar Rekkache, a levé le voile sur 42 projets chinois enregistrés depuis novembre 2022, majoritairement dans le secteur industriel. Une percée stratégique qui illustre l’évolution de la présence chinoise en Algérie : de prestataire d’infrastructures (comme l’autoroute est-ouest ou les télécommunications) à acteur économique implanté, misant sur des partenariats durables et productifs.
La France engluée dans des tensions diplomatiques
« La plupart des projets sont des investissements directs, preuve de l’intérêt croissant des opérateurs chinois pour notre économie », a précisé Rekkache. Une dynamique renforcée par la signature en 2022 du second Plan quinquennal de coopération stratégique globale (2022-2026), qui consolide le partenariat sino-algérien initié en 2014. Objectif : hisser la coopération bilatérale à un niveau stratégique, loin des fluctuations politiques.
Et pendant que la Chine tisse patiemment sa toile économique, la France, elle, se prend les pieds dans le tapis des tensions diplomatiques. Dernier épisode en date : l’affaire rocambolesque liée à l’enlèvement d’Amir DZ, influenceur sulfureux, qui a conduit à l’arrestation d’un agent consulaire algérien à Paris, nouvelle occasion pour Bruno Retailleau de pérorer sur CNews en pourfendeur d’une Algérie scélérate. Résultat? Une dégradation rapide des relations bilatérales, et un coup d’arrêt brutal aux ambitions économiques françaises. Ainsi, Rodolphe Saadé, patron du géant CMA-CGM, a vu annuler une rencontre capitale avec le Président Abdelmadjid Tebboune prévue le 15 avril à Alger.
Emmanuel Macron entre désaveu discret et silence embarrassé
Le rendez-vous devait sceller d’importants investissements dans les infrastructures portuaires algériennes. Une occasion manquée, victime collatérale des gesticulations politiciennes françaises. Le MEDEF, principal syndicat patronal français, ne cache plus son exaspération. Certains parlent même de « larmes dans les couloirs », tant les perspectives s’obscurcissent pour les entreprises françaises désireuses de se positionner sur le marché algérien. Le CREA, syndicat patronal algérien, a d’ailleurs annulé une visite prévue en France, en réaction à ce climat délétère.
En toile de fond, un ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, plus en quête de capital électoral que de diplomatie économique, multiplie les sorties à l’encontre de l’Algérie. Une stratégie qui ravit certains médias proches de l’extrême droite, comme CNews, mais qui nuit gravement à l’image de la France auprès de ses partenaires économiques. Au sein même du gouvernement, la cacophonie règne : Emmanuel Macron semble naviguer à vue, entre désaveu discret et silence embarrassé.
La France et l’image d’un partenaire incertain
Dans ce contexte, les industriels italiens, espagnols ou allemands, eux, ne s’embarrassent pas de considérations politiques. Ils avancent leurs pions, profitant du vide laissé par la France pour s’imposer dans un marché stratégique de plus de 44 millions d’habitants, aux portes de l’Europe et richement doté en ressources naturelles. Alors que la Chine s’impose comme partenaire stable et visionnaire, la France donne l’image d’un partenaire incertain, tiraillé entre mémoire coloniale, calculs politiques et intérêts économiques.
Une posture qui pourrait bien lui coûter cher, à l’heure où l’Afrique du Nord devient l’un des nouveaux épicentres de la compétition économique mondiale. Entre le pragmatisme chinois et les imprécations françaises, l’Algérie semble avoir fait son choix. Et ce choix, en creux, sonne comme un désaveu pour une diplomatie française qui peine à concilier souveraineté politique et partenariat économique.