L’Afrique est-elle malade de ses élites ? (1)


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Le destin des mouvements africains de démocratisation semble montrer que l’effort d’émancipation des peuples, leur tentative de reconstruire leur propre histoire, de reprendre l’initiative en choisissant et en contrôlant leurs dirigeants est brisée, captée et récupérée par les élites, minorités actives en compétition pour le monopole du pouvoir et de ses privilèges.

Cette situation atteste de la pérennité de la conception traditionnelle pré-coloniale de l’ordre politique comme ordre inégalitaire et hiérarchisé. Après avoir destitué les élites traditionnelles, les élites modernes réoccupent la place dominante des colons européens qui ont été évincés durant les luttes de libération nationale. Cette nouvelle catégorie dominante revendique le monopole du pouvoir politique et économique auquel elle estime que son statut lui donne droit. La conception traditionnelle pré-coloniale de la communauté politique survit dans la psyché d’une partie des élites africaines qui en reproduisent l’ordre et la culture dès lors qu’elles assurent la direction politique et économique des Etats.
Les logiques et les stratégies traditionnelles et pré-coloniales de la gestion et de la domination politiques sont remobilisées dans les institutions modernes. Le monopole des pouvoirs politique et économique, l’économie patrimoniale, le mode de consommation ostentatoire, l’étalage du luxe et de la richesse personnelle, la redistribution clientéliste du produit national selon le principe traditionaliste du lien de dépendance personnel, par lequel le dominant se construit un réseau d’obligés, sont autant de pratiques qui attestent d’une pérennisation active de la culture pré-coloniale d’inégalité .

L’incapacité à dépasser l’antique contradiction entre le maître et l’esclave

Cette reproduction de l’ordre hiérarchisé et inégalitaire de la tradition dans le nouvel ordre de la modernité se donne à voir sous les différentes modalités de l’inégalité dont le phénomène de la pauvreté du plus grand nombre, dans les Etats africains, est la manifestation la plus symbolique. Cette situation exprime l’incapacité d’une partie des élites politiques modernes africaines à dépasser l’antique contradiction entre le maître et l’esclave afin de promouvoir, dans les nouveaux Etats, une égalité de droit et une égalité des conditions entre les différentes composantes de la population qui puisse concrétiser de manière tangible l’exigence républicaine de la citoyenneté.

Or, l’enjeu de la modernité dans la problématique du développement, fut de construire dans les Etats indépendants, définis comme républiques et bien souvent comme démocraties, malgré les régimes mono-partisans, un sujet politique collectif moderne qui intègre les différences et homogénéise la société selon les principes de l’égalité et de la liberté républicaines afin de promouvoir l’émancipation collective.

L’écran de fumée anticolonialiste et l’appel à la lutte de libération servent à combattre la démocratie électorale-représentative

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