L’Afrique du Nord à l’heure de la révolution


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Rien ne semble pouvoir arrêter le vent de colère qui secoue actuellement les populations afro-arabes. Algérie, Maroc, Soudan, Mauritanie… les jeunesses arabo-africaines, encouragées par la révolution tunisienne et la révolte en cours en Egypte, réclament le changement. Certains régimes ont récemment multiplié les mesures pour apaiser les tensions et se sont engagés à plus d’ouverture. Cela sera-t-il suffisant ?

Le mouvement de contestation qui a entraîné la chute du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, a provoqué une véritable onde de choc dans les pays afro-arabes. Au pouvoir depuis 1981, les jours de Hosni Moubarak à la tête de l’Egypte, secouée par une révolte populaire sans précédent depuis une semaine, semblent désormais comptés. Algérie, Soudan, Mauritanie, Maroc…plusieurs autres pays arabo-africains ont connu des troubles sociaux suite à la hausse des prix des denrées alimentaires ces dernières semaines. Manifestations, immolations, émeutes agitent les quatre coins de l’Afrique du Nord.

Algérie. Les autorités multiplient les mesures ces dernières semaines pour prévenir tout débordement. Signe de l’inquiétude du régime : le président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, a annoncé, jeudi, la levée prochaine de l’état d’urgence. Sans doute pour couper l’herbe sous le pied à la toute nouvelle Coordination nationale pour le changement et la démocratie qui appelle une marche le 12 février à Alger pour réclamer « la fin du système » et dont l’une des principales revendications est, justement, la levée de la cette mesure d’exception, en vigueur depuis février 1992. La marche a été cependant interdite par les autorités, comme d’ailleurs toute manifestation de rue dans la capitale, en dépit de la levée de l’état d’urgence. Deuxième concession : M. Bouteflika a affirmé, dans la foulée, que la télévision et la radio doivent « assurer la couverture médiatique de l’ensemble des partis et organisations nationales agréés en leur ouvrant équitablement leurs canaux », rapporte l’agence officielle APS. A la suite de violentes émeutes contre la vie chère, qui ont fait 5 morts et plus de 800 blessés, le gouvernement a annoncé une série de mesures portant sur la subvention des produits alimentaires de base importés. Faisant écho à l’affaire qui avait déclenché la révolution tunisienne en décembre dernier, au moins huit personnes se sont immolées par le feu en Algérie depuis la mi-janvier. Trois personnes sont décédées à la suite de leurs blessures.

Maroc. Pour gagner la paix sociale, le gouvernement marocain a annoncé, fin janvier, qu’il allait accroître les importations des denrées de base et maintenir les subventions malgré la hausse vertigineuses des prix sur les marchés internationaux. Les autorités ont également rejeté toute similitude de la situation du Maroc avec l’Egypte et la Tunisie. Quatre tentatives d’immolation par le feu ont eu lieu ces quinze derniers jours. Par ailleurs, un groupe de jeunes Marocains a appelé sur le réseau social Facebook à « manifester pacifiquement » le 20 février pour une « large réforme politique » dans le pays. « Nous appelons tous les Marocains à manifester le 20 février pour la dignité du peuple et pour des réformes démocratiques », indique la « plate-forme » de ce groupe qui dit compter près de 3 400 sympathisants.

Soudan.Des tensions politiques et les difficultés économiques ont conduit à des affrontements entre la police à des étudiants ces dernières semaines. Un étudiant est décédé lundi 31 janvier après avoir été passé à tabac par les forces de sécurité la veille au cours d’une manifestation pour le « changement » qui a dégénéré en affrontements avec la police à Khartoum. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées, et le président Omar el-Béchir a limogé un directeur d’université. Selon l’opposition, les affrontements ont fait cinq blessés. La partition annoncée du pays, ajoutée aux difficultés économiques croissantes et à l’inquiétude sur l’évolution du régime islamiste de Béchir après l’indépendance du Sud non-musulman, a provoqué de nombreux mouvements de protestation. Au moins 64 personnes ont été arrêtées, et un nombre indéterminé de personnes ont été blessées dans les manifestations ces dernières semaines.

Mauritanie.L’opposition entre dans la danse. « Je suis persuadé que le peuple mauritanien et la jeunesse mauritanienne, après les Tunisiens et les Egyptiens, donneront leur part d’initiative et d’ambition pour le peuple mauritanien », a affirmé Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratique (RFD), chef de file de l’opposition mauritanienne, dans une déclaration à la presse mardi. Pour éviter la contamination égyptienne et tunisienne, les autorités mauritaniennes ont lancé une opération solidarité 2011 qui consiste a subventionner des denrées de première nécessité comme le sucre, le riz, l’huile et la farine pour que leurs prix soient à la portée des citoyens les plus nécessiteux, rapporte la presse locale. Mi-janvier, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté dans la capitale contre la hausse des prix. Fin janvier, un homme d’affaires mauritanien âgé de 43 ans décédait dans un hôpital à Casablanca quelques jours après s’être immolé devant le palais de la présidence, à Nouakchott, pour protester contre le régime.

Libye. De la Libye, pays dirigé d’une main de fer par le colonel Mouammar Kadhafi depuis 1970, peu d’informations filtrent. Mais il semble que la révolution venu du voisin tunisien y a déjà fait des étincelles. A la mi-janvier, de nombreux Libyens avaient squatté des logements neufs dans plusieurs villes du pays, alors que d’autres se sont attaqués aux bureaux d’études et aux sociétés de construction de ces logements, pour la plupart des étrangers, selon Reuters. D’après la même source, les forces de l’ordre ont interpellé plusieurs contestataires que le régime d’El Kadhafi qualifie de «criminels». La chaîne Al-Jazira signale, en outre, que le site d’informations libyen «Al Manara» a subi des attaques informatiques émanant de la Libye elle-même, de même que sa page Facebook qui a été piratée après avoir rendu compte du mouvement de protestation.

Les pays du Moyen-Orient, voisins de l’Egypte, semblent les plus immédiatement exposés à cette fronde sans précédant des populations arabes. En Syrie, qui est l’un des régimes les plus fermés du monde, et où la situation était jusque-là calme, un appel à manifester vendredi après-midi contre la «monocratie, la corruption et la tyrannie» du régime de Bachar el-Assad a été lancé sur Facebook, dont l’accès est pourtant bloqué. Un groupe, qui a réuni plus de 7 800 membres, a appelé mardi à manifester sous le slogan : «la Révolution syrienne 2011». En Jordanie, pays en proie à l’une des pires récessions économiques de son histoire, vient de lâcher du leste après de semaines de contestations, limogeant, mardi, son Premier ministre, dont les manifestants réclamaient la démission. Confronté à des protestations populaires depuis des semaines, le président du Yémen Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, a appelé, mercredi, à la formation d’un «gouvernement d’union nationale». Il a également annoncé qu’il renonçait à un nouveau mandat. Des annonces qui n’ont pas suffi à calmer les opposants qui ont manifesté par milliers jeudi dans les rues de Sanaa pour réclamer le départ du chef de l’Etat.

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