L’Afrique du Nord à Arles


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Sweet temptation, Youssef Nabil, 1993
Sweet temptation, Youssef Nabil, 1993

Deux photographes algériens et un Egyptien se taillent une maigre part du lion lors des Rencontres 2003 de la photographie d’Arles, en France. Peu mis en valeur, ils comptent pourtant parmi les bonnes surprises de cette édition.

Les Rencontres 2003 de la photographie d’Arles (sud de la France) accueillent timidement les photographes d’Afrique du Nord et tous n’ont pas droit au même traitement. L’Egyptien Youssef Nabil se retrouve dans le nouveau lieu d’exposition à la mode : les anciens ateliers SNCF. Hangars désaffectés écrasés par le soleil, rails envahis par l’herbe folle, espaces à l’abandon. Des lieux en friche pour un art à déchiffrer. Au milieu des photographes chinois mis à l’honneur cette année, le jeune Egyptien de 31 ans détonne.

Né au Caire, ce dernier a grandi bercé par la grande époque du cinéma égyptien des années 50, celle du Hollywood sur Nil. Une imagerie qui sous-tend la plus grande partie de son travail : il prend ses clichés dans l’esprit des studios hollywoodiens, mettant en scène des stars égyptiennes de la chanson ou du cinéma. Il met ensuite ses photographies noir et blanc en couleurs. A la main, il pose avec délicatesse le rose aux joues de Fifi Abdou ou Huda Lufty, les transformant en vamps intemporelles. Glamour, légèreté, élégance et goût du mélo… Natacha Atlas, alanguie et mutine, fumant le narguilé ou jouant à la paysanne, est parfaite en « rose du Caire ».

Nadia Benchellal et Bruno Boudjelal

En fouinant bien dans le programme très riche de ces Rencontres, on déniche deux petits bijoux algériens qui n’ont malheureusement pas trouvé leur écrin. Nadia Benchellal et Bruno Boudjelal sont exposés à la Bourse du travail dans des conditions déplorables. Les magnifiques photographies noir et blanc de Nadia Benchellal sont très mal éclairées. Malgré cela, l’intensité demeure : la photographe fixe sur la pellicule ses allers-retours entre la France et l’Algérie pendant sept ans. Paris-Marseille-Alger-Bejaia. Résultat : « des images si difficilement butinées, par un travail de laisser être, de laisser apparaître ce pays tel qu’il est, sans filtre, sans retouche, sans censure », explique le texte introductif de l’exposition.

Et tandis qu’on se laisse porter par l’Algérie sans fard de Nadia, Lili Boniche chante « Alger, Alger ». On suit la musique pour arriver dans une pièce terriblement exigüe et un peu sale. Quelques chaises qui peuvent accueillir moins de dix personnes. Qu’importe, le montage photographique de Bruno Boudjelal défile, porté par une bande-son exemplaire. Ses « Chroniques algériennes d’un retour (1993-2003) » mêlent l’autobiographie au documentaire. « En juin 1993, je suis allé en Algérie pour la première fois pour y effectuer un reportage photographique sur Alger. Seulement, ce premier voyage en Algérie résonnait en moi d’une façon toute particulière. C’était la première fois que je foulais la terre où était né mon père et dont je ne savais rien jusque-là », explique le photographe. D’autres voyages sont venus, année après année, alimenter son carnet de bord de l’Algérie d’aujourd’hui. Un régal.

Rencontres de la photographique d’Arles, du 5 juillet au 12 octobre 2003.

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