L’Afrique colombienne


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Bolya en pleine polémique
Bolya en pleine polémique

L’implosion virtuelle de la Côte d’Ivoire n’est que l’arbre qui cache la jungle africaine… Le putsch du général Bozizé contre le président Ange-Félix Patassé de Centrafrique, sur fond de trafics de diamants, d’or, de bois exotiques et de massacres de pygmées par des bandes armées, le confirme.

En 2003, l’Afrique, c’est désormais la Colombie, mais à l’échelle d’un continent de 800 millions d’êtres humains. Ce parallèle pourrait surprendre, mais une analyse assez prosaïque des deux situations confirme, tragiquement, la pertinence de ce terrible constat.

En effet, les performances des seigneurs africains de la guerre n’ont plus rien à envier à celles de leurs homologues et collègues colombiens. Les Afro-trafiquants du continent ne sont que des clones des narcotrafiquants. Ces deux groupes ont tout simplement réussi à substituer aux guerres civiles de naguère ou révolutionnaires d’autrefois des guerres post-modernes de rapines. Et depuis cette mutation consubstantielle, la guerre est devenue une source de revenu non imposable comme une autre, une activité économique comme une autre.

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Tel est le changement d’échelle que les nouveaux trafiquants professionnels ont imposé à la fameuse communauté internationale. On sait que l’hyperpuissance américaine n’a pas éradiqué les cartels de Medellin ou de Cali. Cela malgré le  » Plan Colombie  » en 2000 du président Clinton (plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l’Etat) lequel prévoyait d’affecter 75% des 2 milliards de dollars à la guerre contre le narco-trafic.

D’autres invariants corroborent la proximité entre le cas colombien et les cas africains. Dans les deux situations, les guerres s’accompagnent de déplacements massifs de populations, ballottées au gré des intérêts des bandes armées. Des peuples entiers (en Afrique), tout comme les 38 millions de Colombiens, sont pris en otage par des forces para-militaires et autres milices privées. Ainsi, depuis le début des événements de la Côte d’Ivoire, plus de 600 000 Ivoiriens ont été déplacés.

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De même, en République Démocratique du Congo, depuis 1998, la guerre a provoqué le déplacement d’environ 2,5 millions de personnes. Faut-il rappeler qu’en 2001, sur 25 millions de réfugiés répertoriés dans le monde, 13,5 millions sont des Africains ? Et que sur les 20 à 24 millions personnes déplacées,  » déportées  » dans leur propre pays, plus de 40% sont originaires du Continent ? La Colombie, après plus de 40 ans de guerre  » civile « , compte plus de 1,5 millions réfugiés dans les pays voisins, en Équateur, au Venezuela et au Panama. Auxquels il faut ajouter les 2,1 millions de déplacés de l’intérieur.

Face à l’ampleur du phénomène des réfugiés et des déplacés, engendré par la multiplication des guerres de rapines, c’est la notion même de réfugiés et de déplacés, telle que définie par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) qui est devenue obsolète. Il serait plus exact à propos de l’Afrique et de la Colombie d’avancer l’hypothèse de populations errantes. Mais, l’errance n’est pas le nomadisme !

Autre invariant et non des moindres, c’est l’omniprésence dans ces conflits armés d’enfants-soldats. Sur 300 000 small soldiers, enfants-soldats  » recensés  » dans le monde par l’Unicef, 120 000 sont des Africains et près de 10 000 des Colombiens. C’est dire que toutes ces guerres de rapines sont avant tout des guerres de lâches. Elles opposent des mouflets contre des mouflets, des mômes drogués contre des mômes drogués, des bandes armées et des forces paramilitaires contre des civils désarmés.

Pendant ce temps, les trafiquants font leur métier. Ils trafiquent en toute impunité internationale. Ces planqués n’hésitent pas cependant à utiliser les mômes tour à tour comme objets sexuels, poupées de chair, travailleurs forcés dans les mines d’or, de diamants, de bois exotiques ou dans les plantations de coca… Après les avoir préalablement drogués à l’héroïne frelatée et les avoir contaminés avec le sida par l’emploi de la même seringue pour des bataillons de mouflets.

Bolya, auteur d’Afrique, le maillon faible (éditions du Serpent à Plumes), participera à un débat littéraire organisé par Afrik.com et ouvert au public le jeudi 27 mars 2003 à 19 heures au Jokko (5, rue Elzévir – 75003, Paris – Métro St Paul).

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