L’accusation de HRW contre la CPI est-elle raisonnable?


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arton29909

Human Right Watch est-elle dans la voie de la raison judiciaire, et de l’impartialité quand elle accuse la CPI d’avoir légitimé une justice partiale en acceptant de juger Gbagbo sans obtenir en contre partie que des membres de forces armées ivoiriennes soient traduits devant les tribunaux?

La CPI serait-elle une cour de justice internationale aux ordres de la Côte d’Ivoire ? Ou HRW serait-elle sous la pression de lobbies occultes dirigés par des puissances étatiques dont les régimes antidémocratiques auraient intérêt à ce que les révoltes contre les agressions gravissimes perpétrées par les autocrates africains contre l’intégrité physique et morale des peuples et contre la démocratie soient sanctionnées ? Qui gagne à ce que la crédibilité de la CPI soit mise en cause ? Quel larron tirerait les marrons du feu du soupçon ainsi jeté sur la justice de la Cour Pénale Internationale ? Ces interrogations obligent à remonter à la cause ultime des massacres qui eurent lieu en Côte d’Ivoire après l’élection présidentielle de décembre 2010 et à soulever le problème évident et fondamental qu’elle recèle! Laurent Gbagbo avait-il le droit de refuser de céder le pouvoir après avoir perdu l’élection présidentielle ? Les crimes massifs que connut la Côte d’Ivoire ne résultèrent-ils pas du braquage électoral qu’il tenta de perpétrer contre le peuple ivoirien ?

Cette question évidente met en lumière le problème capital qui est celui de la faillite de l’ex- président ivoirien relativement au devoir sacré des Etats républicains qui consiste à préserver la sécurité physique et garantir les droits fondamentaux de leur peuple. Elle fait ressortir aussi l’impératif juridique que constitue le droit des peuples à se donner les dirigeants de leur choix et celui de la pérennité de la démocratie en Afrique! Comment protéger l’intégrité physique et morale des peuples ainsi que la démocratie contre la volonté des autocrates africains de se maintenir au pouvoir à tout prix en n’hésitant pas, au besoin, à susciter des guerres civiles et des massacres à grande échelle dans leur propre population? Comment éviter les crimes massifs que provoquent les braquages électoraux perpétrés par les dirigeants politiques africains qui aspirent à conserver le pouvoir ad vitam aeternam ? Comment, dans le souci de sauvegarder la sécurité et la vie des populations, autrement dit de préserver leurs droits fondamentaux, obliger les chefs d’Etat africains à consentir à l’alternance du pouvoir lorsqu’ils perdent les élections présidentielles ?

En tout état de cause, le braquage électoral et les massacres massifs ainsi que les violations des droits humains qui s’ensuivent nécessairement, le chaos social et économique qui en résultent peuvent être considérés comme relevant d’un terrorisme d’Etat qui engage l’entière responsabilité du gouvernement et de son chef suprême. Et de ce point de vue l’attribution par la communauté internationale de l’entière responsabilité des massacres aux terroristes lors du drame sanglant qui eut lieu sur le site gazier d’In Amenas devrait éclairer les lanternes! Le jugement de la communauté internationale lors de la prise d’otage massive d’In Amenas en Algérie indique une solution. Sa juste réaction faisant porter aux terroristes l’entière responsabilité judiciaire de toutes les conséquences de la prise d’otage y compris celle de la réaction brutale des autorités algérienne peut-elle inspirer une jurisprudence? Une décision judiciaire internationale établissant que les responsables politiques qui provoquent la guerre civile en refusant de céder le pouvoir perdu après une élection présidentielle jugée unanimement transparente par des Commissions électorales à l’indépendance établie et reconnue internationalement, portent l’entière responsabilité des massacres qui en dérivent, pourrait dissuader plus d’un autocrate africain de s’engager dans la dangereuse aventure qui consiste à mettre à mal l’équilibre des Etats et la vie des populations en cherchant à conserver le pouvoir.

La sanction judiciaire de Gbagbo, sa condamnation éventuelle à perpétuité pour crime contre l’humanité dissuaderait plus d’un dictateur qui serait tenté de provoquer la guerre civile en refusant le résultat d’une élection présidentielle perdue ! On peut imaginer que de l’Angola à la Guinée équatoriale en passant par le Cameroun pour ne citer qu’eux, le procès de Laurent Gbagbo ne laisse pas indifférent pour son exemplarité quant à l’avenir judiciaire des autocrates qui voudraient suivre la même voie ! Sans soupçonner HRW de faire le jeu des autocrates africains, la mise en question de l’impartialité de la Cour Pénale Internationale à un mois du procès de l’ex-chef d’Etat, auteur indirect des 3000 morts ivoiriens causés par la crise électorale ivoirienne que son refus de céder le pouvoir donne un mauvais signal et constitue une faute. En discréditant la CPI, Human Right Watch offre un parapluie atomique aux dictateurs africains. Et l’on pourrait penser que cette attaque contre la Cour Pénale Internationale constitue une attaque contre les peuples africains que l’on pourrait protéger contre la brutalité meurtrière des autocrates en légiférant sous l’éclairage d’In Amenas qui eut la vertu salvatrice et capitale de n’offrir aucune excuse aux terroristes. En Côte d’ivoire les massacres massifs commis contre les populations après l’élection présidentielle de décembre 2010, massacres dont le chef du gouvernement d’alors fut entièrement responsable par son refus de se soumettre au verdict des urnes, sont en passe de se dissoudre dans un procès sournois intenté contre la CPI. Ce procès sournois dilue la responsabilité pénale individuelle de l’ex-chef d’Etat dans une responsabilité collective. L’accusation de l’organisation non gouvernementale américaine dont le pays n’a jamais reconnu la CPI est-elle donc responsable et impartiale ? N’aurait-il pas été plus responsable et plus raisonnable de procéder sans mettre en cause l’impartialité de la CPI ?

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