Kézita au carrefour des réalités togolaises


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On la connaît surtout pour le tube qui a fait le tour du Togo : Au carrefour . Pourtant, la jeune chanteuse de reggae a maintenant plus d’un morceau dans son sac. Pour satisfaire un public toujours plus nombreux, la jeune dame aux foulards a sorti à en septembre son tout premier album de 14 titres, So Real.

Ambitieuse et originale, la douce voix de Kétoglo Zita alias Kézita inonde nos oreilles. Pourtant, elle a d’abord commencé tout doucement par le groupe de rap South Coast avant qu’elle ne choisisse le reggae. Entre temps, elle écume les nombreux soundsystems de la ville de Lomé où elle est née. Aujourd’hui, la jeune femme âgée de 25 ans n’hésite pas à affirmer ses goûts et ses thèmes, sociaux pour l’essentiel. Son objectif : parler des difficultés des Togolais car c’est un pays qu’elle chérit. Ses références : Lauren Hill, Myriam Makeba, Bella Bellow. Que des dames aux voix puissantes et généreuses. Tout comme celle qui a accepté de répondre aux questions d’Afrik.com.

Afrik.com : Que pouvez-vous nous dire de votre premier album?

Kézita : Mon premier album parle des réalités de mon pays et de l’Afrique, il se nomme So real. Il se compose de quatorze morceaux qui me tiennent tous à cœur comme Ghetto Girl, Reggae Time, Freedom we need ou encore Au carrefour. Vous y trouvez aussi un duo avec O’Phil. Cela n’est pas du tout facile à gérer mais je suis très soutenue par les conseils précieux de ma grande sœur Renya qui, elle, chante du gospel. J’ai également été beaucoup encouragé par les autres membres de ma famille. Plus jeune, ils m’entendaient toujours chanter partout dans la maison. Aujourd’hui, j’apprends la guitare et je joue du piano depuis un bout de temps. J’espère être sur scène avec cet instrument dans peu de temps avant d’apporter du nouveau au public togolais. J’ai débuté avec rien. Mais rapidement, avec le soutien des miens, j’ai réalisé de petites scènes comme au Free Time Bar par exemple. Mon public c’est constitué avec le temps.

Afrik.com: Comment expliquez-vous l’énorme succès de la chanson Au carrefour depuis plusieurs mois ?

Kézita : Ce morceau parle du malaise de la jeunesse togolaise. J’y raconte que les jeunes sont vifs et intelligents mais chôment. Ils sont donc enragés et désœuvrés. Je les incite à ne surtout pas baisser les bras parce qu’ils doivent avant tout se débrouiller par eux-mêmes. Je les encourage à aller « de victoire en victoire », comme le dit le morceau. C’est un message d’espoir que les Togolais ont bien compris, d’où, je crois, le succès de cette chanson et j’en suis très heureuse.

Afrik.com : De quoi parlez-vous dans vos chansons de manière générale ?

Kézita : Je trouve important de parler de ce qui me blesse avant tout, de mettre le doigt sur l’inégalité et l’injustice qui gangrène nos sociétés africaines. Mon crédo n’est pas d’évoquer des choses illusoires mais chacun son choix. Je préfère, moi, dénoncer ce que je vois, ce que je vis. Le public aime faire la fête, mais il aime également que l’on parle de choses réelles qui le concernent au premier chef, de ce qu’il vit. Certains disent de moi que je suis engagée, mais je ne le pense pas, il y a des artistes bien plus engagée que moi au Togo !

Afrik.com: Depuis combien de temps êtes-vous dans la musique ?

Kézita : Je chante depuis maintenant sept ans. J’ai débuté dans un groupe de hip-hop appelé South Coast. Je me rappelle de notre groupe avec nostalgie car nous ne sommes pas tous ensemble aujourd’hui. Mais nous avons gardé le contact. Personnellement, cette expérience m’a beaucoup marquée. Il y avait bien sur des petites tensions comme partout mais nous étions très unis. Je me rappelle d’une fois où nous devions nous rendre au studio mais, par manque d’argent pour payer le transport, nous avons marché durant plus d’une heure. Arrivés, nous étions tous trempés, car il avait plu, mais nous étions heureux parce que personne n’avait cédé malgré le manque de moyens et le mauvais temps. Et on a pu enregistrer nos chansons.

Afrik.com : Vous avez mis du temps à vous trouver entre rap, zouk et reggae. Pourquoi le choix final du reggae ?

Kézita : Je ne dirai pas que j’ai mis du temps, j’ai pris mon temps. Je me retrouve dans le reggae après avoir évolué dans un groupe de rap et fait un morceau de zouk. Je trouve que, dans le reggae, les messages sont très conscients, directs, et relatent avec facilité des maux de la société. On n’a jamais fini de se trouver mais on essaye toujours de donner le meilleur ,mais c’est aussi une musique très racine que j’écoute souvent.

Afrik.com : Qu’elles sont vos autres influences ?

Kézita : J’aime beaucoup la chanteuse Lauren Hill du groupe Les Fugees. J’apprécie également Queen Africa ou Tania Stephan. Côté africain, j’ai toujours eu un coup de cœur pour la sud-africaine Myriam Makeba et la togolaise Bella Bellow. Ce sont des modèles qui m’ont toujours poussée à poursuivre mes efforts. Pourtant, j’écoute aussi du gospel, du jazz, de la soul et un peu de blues. J’adore aussi Ayo et Nneka car elles jouent toutes les deux de la guitare tout en chantant, c’est une chose très difficile à réaliser que j’admire chez elles.

Afrik.com: Pour votre musique, justement, pourriez-vous un jour envisager de quitter le Togo ?

Kézita : Cela me serait très difficile car j’aime mon pays ! Et je me bats pour qu’il évolue, je ne pourrais le quitter que temporairement sinon cela s’apparenterait, à mon avis, à fuir une responsabilité. Même s’il existe d’autres facilités ailleurs, je n’aimerais pas m’y installer. Je peux par exemple envisager un pays comme le Mali car je trouve leur musique très racine avec la cora, le balafon, le djembé. Et puis, ils ont Salif Keita (sourire) ! Chanter me fait du bien. Même si demain ma carrière s’arrête, je continuerai.

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