Kenya : grogne contre les salaires faramineux des députés


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Des centaines de Kényans sont descendus mercredi dans les rues de Nairobi pour exprimer leur colère contre leurs députés en fin de mandat qui se sont attribués une prime de 110.000 dollars pour leurs cinq années de service. Ces derniers bénéficient aussi d’un passeport diplomatique à vie, d’un garde du corps personnel, l’accès gratuit à de nombreux événements. Leurs enterrements se feront également au détriment des contribuables.

De notre correspondante Capucine Dayen

Haro contre l’exubérante richesse des députés ! Plusieurs centaines de Kényans ont manifesté mercredi dans le parc Uhuru de Nairobi pour exprimer leur mécontentement contre leurs députés. Ces derniers se sont attribué une prime de 110.000 dollars pour leur fin de mandat. « Le salaire moyen au Kenya est autour de $ 1.700 par an », selon Edita Adiambe, au chômage à Kibera, un des plus pauvres districts de Nairobi. « Ce n’est pas juste qu’ils s’attribuent autant d’argent alors qu’au Kenya beaucoup de personnes sont pauvre ! », souligne-t-elle.

Les protestataires ont rivalisé d’ingéniosité pour marquer le coup. Munsi de 221 cercueils pour chaque député, ils ont marché jusqu’au Parlement, où ils les ont incendiés pour marquer la fin d’une époque. La police, qui était présente, n’est pas intervenue, regardant la scène. Les manifestants n’ont pas décidé de brûler ces cercueils par hasard. Selon l’un d’entre eux, Moïse Njule, actuellement au chômage, les cercueils représentent les nombreux Kenyans qui ont récemment péri dans la rivière Tana et auraient dû être protégés par le gouvernement. La combustion des cercueils signifie « l’enterrement de toutes les mauvaises choses avec lesquels le Kenya est confronté », ajoute-t-il.

Alors que le nombre de manifestant paraissait toutefois un peu décevant pour une cause qui touche tous les citoyens estiment certains kényans. Un avis non partagé par John, travailleur social, qui rappelle que l’évènement a été organisé à la dernière minute et pendant un jour de travail. Mais « cela ne signifie pas que les gens ne veulent pas se battre contre ce bonus absurde », assure-t-il.

Mettre le pouvoir en garde avant les élections

Moïse Njule insiste également sur l’importance de cette mobilisation, sachant que les prochaines élections dans le pays se tiendront en mars prochain. Il s’agira du premier scrutin depuis les violences post-électorales qui ont fait des centaines de morts pendant l’élection contestée de 2008 qui a vu le président Kibaki prendre le pouvoir. « Nous ne sommes pas seulement là pour changer les choses aujourd‘hui, nous faisons aussi cela pour demain. Nous voulons mettre le gouvernement en garde afin qu’une fois au pouvoir, les gouvernants sachant qu’ils sont avant tout élus pour servir le peuple », affirme Moïse Njule.

Les députés kenyans sont parmi les mieux payés du monde. Sur le continent, ils sont en tête. Ils gagnent 10 500 euros mensuels hors taxes alors que le salaire minimum légal est de 115 euros. La population ne voit pas d’un bon œil ces revenus avantageux. En juillet 2010, un projet de loi visant à augmenter de 25% les salaires des députés a fait polémique. La principale centrale syndicale du pays a menacé de faire grève pendant une semaine si le projet de loi n’était pas annulé. Les parlementaires ont justifié leur requête en affirmant qu’ils devaient reverser une partie de leur salaire à leurs électeurs et administrés. Toutefois, le Premier ministre kenyan Raila Odinga a contesté le projet, indiquant qu’il était satisfait de son salaire, et dénonçant une mesure injuste qui crée des clivages entre les politiques et la population.

En juillet 2010, l’hebdomadaire économique britannique The Economist n’avait pas manqué de souligner les salaires faramineux des dirigeants africains. Le titre ironique de l’enquête : « Des chefs d’Etats généreux avec eux-mêmes » avait marqué les esprits. Raila Odinga, Premier kényan, était d’ailleurs en tête de la liste des 22 chefs d’Etat et gouvernements africains les mieux rémunérés, répertoriés par le journal. Selon The Economist, s’il avait accepté le projet de loi d’augmentation des salaires des politiques dans son pays, il aurait perçu tous les ans quelques 430 000 dollars (environ 340 000 euros), ce qui équivaut à 240 fois le PIB par habitant au Kenya.

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