John Garang, nouveau vice-président du Soudan


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John Garang, 60 ans, ex-rebelle sudiste, est devenu samedi 9 juillet vice-président du Soudan. La cérémonie historique ouvre la voie à une période de transition de 6 ans à l’issue de laquelle les populations du Sud se prononceront ou non en faveur de l’indépendance.

Il y a peu, son portrait était interdit à Khartoum. Mais, samedi, son visage flottait sur les artères principales de la ville. Il y a peu, brandir le drapeau noir-vert-blanc-rouge de son mouvement, le Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLM), vous valait d’être arrêté. Mais samedi, ces couleurs étaient partout. Khartoum a donc déroulé le tapis rouge pour John Garang, l’ex-rebelle sudiste. Samedi 9 juillet, il a prêté serment, devenant ainsi vice-président du pays. Il prendra également la tête de l’administration autonome qui doit se mettre en place au Sud. C’est la première fois qu’un chrétien et homme du Sud obtient un tel poste au Soudan.

La cérémonie, historique, a scellé la fin de plus de 20 ans de guerre entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste. Elle a été suivie par la levée de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire, qui avait été mis en place il y a 16 ans. John Garang, 60 ans, à la carrure impressionnante et à la barbe poivre et sel, revenait pour la première fois depuis 22 ans dans la capitale soudanaise. Il a été accueilli par des centaines de milliers de personnes et s’est engagé à travailler aux côtés de son ennemi d’hier, le général-Président Omar al-Béchir, qui mène d’une main de fer son régime militaro-islamique.

Le Sud semi-autonome

Selon les termes de l’accord de paix, le 9 juillet a ouvert une période de transition fixée à 6 ans. Des élections auront lieu à la fin de la quatrième année et à l’issue des 6 ans, les populations du Sud seront appelées à se prononcer par référendum en faveur de l’indépendance ou de leur maintien dans un Soudan uni. Selon la Constitution adoptée mercredi dernier, et déjà critiquée par le leader de l’opposition et ancien Premier ministre Sadiq al-Mahdi, le Mouvement de libération du peuple soudanais de John Garang, reconverti en parti politique, occupera 28% des fauteuils du Parlement et du gouvernement. 52% iront au Congrès national d’Omar al-Béchir, 14% à l’opposition du Nord et 6% à celle du Sud.

Le Sud aura ses propres gouvernement et Parlement semi-autonomes, sa Constitution, son armée, son hymne national et son drapeau. La gestion des ressources pétrolières (l’une des raisons du conflit entre les deux parties) sera partagé entre le Nord et le Sud et la charia (loi islamique) ne sera pas appliquée au Sud.

Rebelle un jour…

John Garang, qui appartient à l’ethnie Dinka, est né en 1945 à Bor, cité du Sud nilotique. Issu d’une famille chrétienne et aisée, il fréquente l’école primaire sous administration britannique, puis fait ses études secondaires en Tanzanie, avant de partir étudier aux Etats-Unis. En 1970, il refuse la bourse de la prestigieuse université de Berkeley et entre dans les rangs des révoltés Anyanya. Le bataillon qu’il commande 1970 sera d’ailleurs le noyau dur de la future Armée populaire de libération du Soudan (APLS). Les Anyanya signent, en 1972, un accord de paix avec le gouvernement central de Khartoum, et Garang est alors intégré à l’armée régulière. Il reçoit même une formation militaire en Georgie, en 1974. En 1977, il passe son doctorat en économie, toujours aux Etats-Unis.

Au début des années 80, en tant que colonel de l’armée régulière, il est envoyé au Sud pour mater des troupes qui refusent d’obéir aux ordres du gouvernement de Khartoum. Il part et ne reviendra jamais. Au lieu de suivre les ordres de sa hiérarchie, il encourage les mutineries dans d’autres garnisons et prend lui-même la tête de la rébellion. En 1983, le SPLM/SPLA lance un manifeste dans lequel il affirme que la question du Sud-Soudan est en fait le problème des zones défavorisées du pays. Et alors que le général Gaafar Mohammed Nimeiri impose la loi islamique à l’ensemble du Soudan, en violation de l’accord de paix de 1972, la guerre est définitivement déclarée.

… rebelle toujours

En 1986, la rébellion menée par Garang compte quelque 12 500 hommes, qui seront 20 000 en 1989 et 60 000 en 1991… En 1991, le mouvement se fracture entre Dinkas et Nouers. Omar al-Béchir, arrivé au pouvoir en 1989, profite de cet affaiblissement pour envoyer plusieurs contingents de miliciens volontaires au Sud qui repoussent les troupes de Garang et les confinent sur une étroite bande de terre. A la fin des années 90, Garang va trouver des appuis côté américain, notamment grâce à des complicités évangélistes et à la peur qu’a la Maison Blanche du régime islamiste en place. Garang et ses hommes reviennent alors sur le devant de la scène. Et seront en première ligne pour signer l’accord de paix avec le gouvernement.

Pour nombre de spécialistes, l’ancien rebelle sudiste est un homme « fier », « charismatique », leader naturel animé de « grands idéaux » et d’un « étonnant sens de l’humour ». Un homme qui a porté, et porte encore, « les espoirs et les aspirations des gens du Sud, dont il est devenu le porte-parole ». Mais c’est aussi un soldat qui n’admet pas les voix dissonantes au sein de son mouvement, les faisant taire par l’emprisonnement ou la mort. Sans compter les violations des droits de l’homme dont se sont rendues coupables ses troupes pendant toutes ces années de guerre. La tâche qui l’attend est un véritable défi. La guerre a fait plus d’1,5 million de morts et près de 4 millions de déplacés. Et, avant d’être totalement éteinte entre le Nord et le Sud, elle s’est déjà allumée à l’Est, près de la frontière érythréenne, et à l’Ouest, au Darfour…

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