Je suis Africain – Et maintenant ?


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S’aventurer à faire un test ADN peut amener plus de questions que de réponses. 7 février 2008 : African Ancestry Certificate Par Eric Easter

L’automne dernier, je décidai sur un coup de tête de commander un kit de la société African Ancestry pour leur transmettre mon ADN et découvrir mes racines.

L’idée initiale, pour être honnête, était que c’était une alternative plus efficace et moins coûteuse comparée à l’achat de cadeaux pour chacun de mes cinq frères et sœurs et leurs neufs enfants. Ce « cadeau intelligent » bien trouvé m’aurait épargné des dizaines d’heures dans les centres commerciaux et les librairies.

Le test était simple : passer 3 longs cotons-tiges à l’intérieur de chaque joue, étiqueter un sachet avec le code-barres fourni et renvoyer le tout dans une enveloppe libellée à mon adresse.

Les hommes, à cause de leurs chromosomes X et Y, ont la possibilité d’explorer la lignée de leur père et/ou de leur mère. Les femmes, elles, ne peuvent choisir que le côté maternel, et doivent faire appel à un mâle de leur famille pour avoir la lignée du père. C’était un vrai dilemme. Je ne voulais faire qu’une seule lignée, et me demandais si mes frères et sœurs ne seraient pas fâchés par ma décision d’explorer telle lignée et pas l’autre.

Mais, lors d’une récente réunion familiale du côté maternel, un cousin dévoila un arbre généalogique très détaillé qui faisait remonter les origines de la famille aux débuts des années 1700 et à une femme libre de couleur nommée Mary France, de Westminster dans le Maryland – la matriarche à l’origine de ce qui est maintenant la famille Franze de Baltimore, et de ses nombreuses branches. Avec tant de générations mentionnées, retracer le voyage depuis l’Afrique semblait être accessoire et moins prioritaire.

Mon père était un mystère bien plus important. À ma naissance, mon père, Theodore Roosevelt Easter, avait la cinquantaine et en était à son quatrième mariage. J’avais deux ans quand mes parents divorcèrent, et après quelques visites sporadiques, lui et moi n’avons eu que peu de contact jusqu’à sa mort au début des années 90. Mes frères et sœurs ont eu une relation un peu plus suivie avec lui, mais ils n’en savent pas beaucoup plus que sa ville natale (Emporia en Virginie) et la date de naissance qu’il s’était choisie (Avril 1908). Honnêtement, personne n’avait pensé à le questionner avant qu’il ne soit trop tard, chose beaucoup plus courante dans les familles que la plupart des gens ne voudrait l’admettre.

De plus, son histoire est une voie sans issue. L’état de Virginie n’a gardé aucun acte de naissance avant 1920. Sur les sites de généalogie, il y a énormément d’Africains-Américains d’Emporia qui s’appellent Easters, mais aucun de ceux que j’ai trouvé n’a de lien évident avec mon père. Le choix était clair.

Malgré mes hésitations au début, l’idée que je pourrais me rapprocher d’informations réelles devenait de plus en plus forte pendant les six semaines qu’il fallut pour avoir les résultats.

Quand le paquet arriva, c’était excitant et terrifiant à la fois. Une enveloppe blanche est bien peu de chose devant la boîte à trésor dorée dans laquelle vous auriez imaginé que soient emballées les révélations de votre histoire.

Ce qu’il y avait à l’intérieur de l’enveloppe était encore moins impressionnant – une carte de l’Afrique photocopiée, avec une étoile indiquant votre pays d’origine, une brochure joliment élaborée donnant des informations basiques mais insuffisantes sur les principales ethnies, une page de baratin représentant la correspondance du polymorphisme de vos chromosomes, et, presque perdu parmi ces informations, un certificat d’ascendance.

Néanmoins, j’ai rassemblé ma famille autour de la cheminée, j’ai expliqué ce que j’avais fait et d’une façon théâtrale, j’ai lu les résultats qui montraient que 100% de ma séquence d’ADN correspondait à celles des Ewondo au Cameroun.

Les jeunes enfants n’ont pas tout compris. À cet âge, leur fascination pour l’Afrique s’arrête et commence avec les zèbres et les gnous. Cela changera bien assez tôt.

Plus décevant et surprenant a été le manque d’intérêt de ma femme, pour mes origines et les siennes. Elle a une grande famille assez soudée, avec quelques anciens encore en vie et de nombreux documents visuels et écrits. Apparemment, son esprit n’a pas besoin de plus de connections qu’elle n’en a déjà. Mais, d’après les traits de son visage et de ceux de sa famille, ses racines sont certainement plus proches d’un endroit vers les monts du Caucase que du mont Kilimandjaro. Peut être est-ce la raison pour laquelle elle ne veut pas en savoir plus.

Pour beaucoup de personnes, le test posera plus de questions qu’il n’apportera de réponses. Cela a bien sûr été le cas pour moi. La brochure de African Ancestry stipule que les résultats sont exacts sur une période 500 à 10 000 ans. C’est un intervalle énorme. Cinq cent ans est un gouffre d’information considérable, mais aussi un objectif à viser. Au moins en théorie, il pourrait y avoir assez de preuves documentées sur cette période pour faire des jonctions qui pourraient nous faire vivre un moment à la Alex Haley.

Si le repère des 10 000 ans est le plus précis, la connexion est perdue. Les possibles permutations dans les relations, les migrations et les distances, dans un intervalle de temps si long, sont tout simplement trop nombreuses pour permettre de retracer une histoire. C’est 8 000 avant J.C ; on parle bien des Flintstones, de Land of the Lost [série américaine pour enfant diffusée de 1974–1976, note du traducteur], d’outils en pierre et de langues écrites ?

Quoi qu’il en soit, l’impact psychologique que procure un point de départ est puissant. J’ai découvert des choses sur le Cameroun et les Ewondo qui m’ont rendu fier – les origines des styles musicaux makossa et bikutsi, le rôle central que mes parents supposés ont joué dans le monde des affaires et au gouvernement. Et des choses que je ne voulais pas savoir – les Ewondo, selon certains historiens, servaient d’intermédiaires pendant la traite négrière, marchandant les vies des peuples voisins.

Comme cela se passe quand on achète une nouvelle voiture et qu’on la voit après à tous les coins de rue, je vois maintenant le Cameroun dans ma vie et je fais des liens, qu’ils soient réels ou pas.

Au fil des ans, j’avais rassemblé une petite mais intéressante collection d’art Africain, basée seulement sur ce qui venait me chercher. Assez bizarrement, je me suis rendu compte depuis, que la plupart de ces objets viennent du Cameroun. Est-ce que ce goût esthétique serait dans mon sang ?

J’ai voyagé en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Sud de long en large, et bien que je n’étais pas allé au Cameroun, je me sentais plus chez moi et à l’aise au Gabon et en Angola, qui en sont les proches voisins. S’agissait-il d’une relation spirituelle innée ?

Je suis attiré d’une façon inhabituelle par la beauté unique d’Hélène et Célia Faussart, les soeurs Franco-Camerounaises qui forment le groupe de la néo-soul « Les Nubians ». Un intérêt naturel ou une préférence pour le métissage devenu global ?

Finalement, le résultat d’un test ADN, comme la religion, n’est profitable à l’esprit qu’en fonction de son propre besoin de spiritualité. Si vous voulez des connexions, elles seront établies, mêmes si elles seront minces. C’est un point de départ, ni plus, ni moins. Le chemin que vous prendrez après ce départ dépend de vous.

arton59881.jpgEric Easter est Responsable de la Stratégie Numérique pour Johnson Publishing Company. Il écrit sur la politique, la culture et la technologie

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