Italie : à peine élue, la première ministre noire victime d’insultes racistes


Lecture 4 min.
arton30297

Originaire de la République démocratique du Congo, Cécile Kyenge Kashetu, la première femme noire nommée ministre dans le nouveau gouvernement italien d’Enrico Letta, est déjà victime d’insultes racistes.

A peine élue ministre de l’Intégration dans le nouveau gouvernement italien d’Enrico Letta, que Cécile Kyenge Kashetu est déjà victime d’insultes racistes. La Congolaise de 49 ans qui est la première africaine à accéder à cette fonction savait qu’elle aurait eu à en découdre avec la colère de certains militants d’extrême-droite. « Je rencontrerai probablement des résistances, nous devrons beaucoup travailler pour y arriver », avait-elle déclaré. Elle ne croyait pas si bien dire.

Les insultes racistes ont fusé de toutes parts sur les sites italiens d’extrémistes de droite, évoquant une : « guenon congolaise», « zoulou », « noire anti-italienne ». Mais ces derniers ne sont pas les seuls à l’avoir dénigrée. Certains parlementaires tels que Mario Bergheso, président de la Ligue du Nord, n’y sont pas allés de main morte non plus avec la Congolaise fraîchement élue. Ce dernier a parlé d’un « gouvernement bunga bunga », en référence aux soirées à caractère sexuel de l’ex-président du Conseil Silvio Berlusconi. Il a même été plus loin, lors d’une émission de radio, accusant la ministre de vouloir imposer en Italie des « traditions tribales », affirmant également que les Africains n’avaient pas « produit de grands gènes ».

Josefa Idem, la ministre de l’Egalité des droits, originaire d’Allemagne, qui a épousé un Italien et acquis la nationalité italienne, a pris la défense de sa consœur, ordonnant au nom du gouvernement qu’une enquête soit ouverte : « J’agis ainsi en tant que ministre de l’Egalité des droits, mais avant tout en tant que femme ».

Action politique au service des immigrés

Cécile Kyenge Kashetu, qui est arrivée en Italie il y a trente ans pour faire ses études d’ophtalmologie, est elle-même mariée à un Italien avec qui elle a fondé une famille. Une fois son diplôme en poche, elle rencontre des difficultés pour exercer ses fonctions en raison du fait qu’elle n’a pas la nationalité italienne. Une situation qui marque profondément la Congolaise qui décide de s’engager en politique pour améliorer les conditions de vie des étrangers dans le pays, dont l’intégration n’est pas facilitée.

Celle qui milite pour l’abrogation de la loi du délit de l’immigration clandestine et une plus grande ouverture du marché du travail aux immigrés devient aussi le premier député noir à siéger au Parlement. Durant sa dernière campagne pour les législatives, elle n’a cessé de marteler qu’« un enfant, fils d’immigrés, qui est né ici et se forme ici, doit être un citoyen italien ». La ministre de l’Intégration se bat actuellement pour que le droit du sang soit supprimer au profit du droit du sol pour l’obtention de la nationalité italienne.

L’Italie est restée très longtemps sans immigrés

Interrogé par Afrik.com en décembre 2011, lors d’un entretien, à la suite de la mort d’un immigré sénégalais abattu par un nationaliste à Florence en Italie, le sociologue sénégalais Aly Baba Faye estime que « le racisme contre les étrangers en Italie est général ». Selon le sociologue, promoteur et principal animateur de la politique active de gestion syndicale des travailleurs immigrés, arrivé en Italie dans les années 80 pour effectuer ses études, « contrairement à la France, l’Italie est une jeune terre d’immigration. »

Aly Baba Faye rappelle également que « le pays est resté très longtemps sans immigrés sur son territoire. C’était plutôt une terre d’émigration. Ce sont en effet les Italiens qui émigraient en France, Australie, Nouvelle-Zelande …. L’Italie est longtemps restée très pauvre. Ce n’est que dans les années 60 que son économie a décollé, explique le sociologue. Le pays a commencé à ouvrir ses frontières pour accueillir les étrangers seulement à la fin des années 1980 car il avait besoin de main-d’œuvre et souhaitait intégrer les accords de Schengen en 1986. Le racisme a commencé à émerger au début des années 1990 avec le développement des Ligues d’extrême-droite, telles que la Ligue du Nord, qui a vu le jour en 1992. Elle a commencé à alimenter un discours suscitant la méfiance et la peur à l’encontre des étrangers. C’est aussi durant cette période qu’une vague d’immigrés albanais a déferlé sur le territoire italien. Ils étaient environ 200 000 et ont très vite été critiqués par la population ».

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News