Interview de Mohamed Nour : « Je rêve d’une Afrique qui peut se nourrir elle-même »


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Mohamed Nour Diarrassouba, écrivain
Mohamed Nour Diarrassouba, écrivain

Dans son livre « Mon rêve africain », Mohamed Nour, auteur, entrepreneur et conseiller politique, décrypte la situation en Afrique. Un continent frappé de plein fouet par des fléaux comme les crises sanitaires, économiques et même migratoires. Dans son ouvrage, l’auteur se fixe entre autre objectif de redonner de l’espoir à une jeunesse africaine désœuvrée.

Mohamed Nour Diarrassouba est un entrepreneur passionné du développement de l’Afrique. Après avoir créé son entreprise MED Group en France, puis s’être lancé sur la scène politique au Québec, il est aujourd’hui présenté comme un porteur du rêve panafricain et se démarque en tant que référence sur les questions économiques, sociopolitiques et géopolitiques africaines. Avec son premier livre publié en 2022, « Mon rêve africain » l’auteur s’enracine dans sa vision pour sa terre natale.

Dans son ouvrage, M. Diarrassoubal aborde des enjeux majeurs tels que l’insécurité alimentaire ou l’éducation, propose une solide analyse et des pistes de solutions à l’attention des dirigeants africains. Il délivre un message ambitieux et plein d’espoir pour la jeune diaspora. Financier de formation, Mohamed Nour est double diplômé de l’école de commerce Emlyon en France et de l’Université York à Toronto. Il est également diplômé des prestigieuses Paris Business School et Harvard Business School. Il s’est confié à Afrik.com.

Entretien

Qu’est-ce qui vous a inspiré à produire le livre « Mon rêve africain » ?

Je pense que la rédaction de ce livre était plus qu’une inspiration, c’était une obligation. J’ai quitté mon pays, la Côte d’Ivoire, en étant conscient qu’il fallait que je fasse des propositions pour mon continent. Et nous qui avons eu la chance de voyager et de découvrir le monde, nous avons la responsabilité de créer des conditions où notre jeunesse peut bénéficier des bienfaits du continent.

L’Afrique connaît de nombreux défis, et il était important de redonner de l’espoir aux miens. Car cet espoir compte pour le développement du continent. C’est parce que certains sont sans espoir qu’ils décident de s’armer de bombes et tuer leurs propres frères et sœurs. Et nous avons beaucoup de jeunes qui ont perdu l’espoir en Afrique. Ce livre est une bribe d’espoir pour les Africains. C’est est un rêve commun, accompagné d’un plan d’action.

L’Afrique ne changera jamais tant que nous ne déciderons pas d’en faire une affaire commune, pour apporter une pierre à l’édifice du changement. C’est pourquoi je me suis beaucoup impliqué dans les projets en faveur du continent et de la diaspora

Nous sommes le continent le plus riche, mais nous perdons des milliers de jeunes chaque année, dans la mer par exemple, à la recherche d’un rêve qui n’existe pas toujours. Il était donc important de transmettre ce rêve de voir une Afrique où la jeunesse peut prétendre à de meilleures conditions de vie.

A travers cet ouvrage, vous avez voulu lancer un message à la diaspora. Lequel précisément ?

Il y a énormément de défis auxquels la diaspora doit faire face. Ce sont des défis qui interpellent tout Africain, chaque jour, peu importe où il se trouve dans le monde. L’Afrique ne changera jamais tant que nous ne déciderons pas d’en faire une affaire commune : apporter chacun une pierre à l’édifice du changement. C’est pourquoi je me suis beaucoup impliqué dans des projets en faveur du continent et de la diaspora. Je suis reconnaissant pour les outils que les pays dans lesquels j’ai vécu m’ont accordés.

Mohamed Nour présente son livreEn ayant été directeur de campagne au Canada au sein du Parti Libéral, cela m’a permis de relever plusieurs défis. De voir ce que je peux accomplir, en ayant en tête que c’est l’Afrique qui m’a fait naître. « Mon Rêve Africain » est un appel aux Africains, notamment à ceux de la diaspora, afin que nous mettions en place des projets à impact positif pour ces millions de jeunes qui nous attendent au pays.

Mon ambition est d’unir la diaspora et le continent. Je veux comprendre et voir où nous avons échoué. Cela nécessite qu’on mette notre ego de côté. Je suis convaincu que les changements qu’on veut faire pour le contient peuvent commencer avec la diaspora. C’est maintenant notre tour de finir le travail que nos pères ont commencé. Politiquement, ils ont réussi, mais économiquement, il y a encore du travail. Nous devons laisser un héritage aux prochaines générations. C’est pour cela que je me suis engagé auprès de Thione Niang afin de travailler pour la diaspora.

La diaspora est-elle en mesure de saisir votre message ?

Je pense que la diaspora a compris qu’il y a quelque chose en nous qui peut être au centre du changement pour que les prochaines générations puissent suivre le rythme. Je suis allé à la rencontre de cette diaspora et je continue d’y aller. Et je peux vous dire qu’elle est sensible à l’appel du continent. Bien sûr, tout retour nécessite une préparation, et cette vague de leaders est en chemin. Nous savons tous que l’Afrique a besoin d’être unie, mais on ne pourra pas unir le continent si on ne peut pas unir sa diaspora.

En concentrant nos forces sur l’enseignement technique et professionnel, les programmes d’apprentissage et des services adaptés pour l’insertion professionnelle des plus jeunes défavorisés, nous contribuerons à avoir une jeunesse plus apte au marché du travail

Cette union doit commencer par là où nous sommes. Nous avons une mission que nous devons accomplir. Soit nous sommes acteurs du changement, soit nous sommes spectateurs du désastre. Le changement ne viendra que lorsqu’on décidera de se sacrifier pour la communauté. Ensuite, tout le monde suivra comme nous avons suivi nos pères fondateurs.

Surnommée le continent de demain, l’Afrique fait aujourd’hui face à des problèmes d’emploi. Quelles solutions préconisez-vous face à une telle situation ? 

Il est clair que c’est un défi pour l’Afrique notamment pour les jeunes qui représentent 60% de la population. Le fort taux de chômage est lié au fait qu’il y a moins de départ à la retraite et plus d’entrée sur le marché du travail. Notre jeunesse mérite de meilleures perspectives dans les années à venir. Mais d’abord, il faut lui offrir des compétences pour combler ses lacunes. C’est pour cela que je me suis engagé à voyager à travers le continent et former mes frères et sœurs à l’entrepreneuriat, le digital et le numérique avec mon entreprise sociale MED ACADEMY.

Je pense également aux jeunes femmes qui ont tendance à être plus défavorisées que les jeunes hommes dans l’accès à l’emploi et travaillent dans des conditions encore plus difficiles. Il est difficile de quantifier le problème de l’emploi en Afrique, car l’économie est plus informelle et l’emploi informel devient la norme. Toutefois, la formation reste un point essentiel pour une meilleure insertion dans le marché du travail.

Je pense qu’il faut d’abord favoriser la création d’entreprise. Nos États en ont les moyens avec les subventions, l’allègement des taxes, l’accès au crédit de lancement d’entreprise. Parce que je crois fermement que c’est en créant des entreprises qu’on crée des emplois. L’Afrique est une terre d’opportunités pour les entrepreneurs, mais celles-ci doivent être encadrées par les gouvernements pour avoir un écosystème entrepreneurial plus fort.

Je suis convaincu qu’en concentrant nos forces notamment sur l’enseignement technique et professionnel, les programmes d’apprentissage et des services adaptés pour l’insertion professionnelle des plus jeunes défavorisés, nous contribuerons à avoir une jeunesse plus apte au marché du travail.

Quelle est votre recette pour freiner la vague d’émigration portée par des Africains qui fuient la misère sur le continent ?

Je pense que cela va de pair avec la question de l’emploi et de la formation de qualité. J’ai cherché à comprendre ce phénomène. Si nous arrivons à redonner de l’espoir et de l’emploi à nos jeunes, ils n’iront pas chercher un eldorado qui n’existe pas toujours à l’étranger. Il faut aussi prendre en compte le volet sécuritaire et j’en parle dans mon livre. L’insécurité liée au terrorisme et aux guerres poussent notre population à fuir le continent. C’est pourquoi je rêve d’une Afrique forte qui est capable de se défendre et qui peut compter sur sa jeunesse pour la défendre.

Quelle lecture faites-vous de la place de la femme en Afrique de façon générale ?

J’ai toujours regardé la femme africaine avec beaucoup d’admiration. La femme africaine m’inspire la paix et la douceur. Toutes les guerres sur le continent ont été menées par des hommes. La femme africaine est, à mon avis, la clé de la réconciliation en Afrique. Je voudrais dire à ces femmes que les graines qu’elles sèment aujourd’hui pour le continent seront déterminantes pour le combat que nous menons. Un grand pouvoir comme celui de donner la vie s’accompagne de grandes responsabilités et je crois fermement que les femmes sont les leaders de demain. Il faut créer et baliser le chemin pour les générations à venir.

Pensez-vous que les batailles enclenchées, notamment sur la parité, tant vantée, mais qui peine à être appliquée dans nos institutions, puissent un jour donner les résultats escomptés ?

Je pense que pour réussir une bataille, il faut d’abord être uni. Certaines communautés imposent des divisions entre les femmes et les hommes. Il faudra passer à la démolition de nos murs de division et construire un mur d’égalité et de rassemblement. Je crois aux Africains, je crois qu’on va y arriver. Il y a certes des avancées s’agissant de la parité, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Quid des difficultés d’accès à l’école des filles qui reste une réalité sur le continent ?

Là-dessus aussi, il y a des progrès, mais ça reste néanmoins un enjeu majeur pour le continent. En Afrique de l’Ouest, elles sont véritablement touchées, notamment celles issues des milieux pauvres. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire, notamment sur la question des mariages forcés dont sont victimes les filles au milieu du parcours scolaire. Malheureusement, dans certaines communautés, investir sur une fille à l’école est vu comme une perte. Parallèlement, dans ces milieux, l’on est convaincu qu’investir sur un garçon est synonyme de rentabilité. Ce qui est une aberration.

KALAN for Women visera à couvrir la scolarité des jeunes filles pour la rentrée 2023-2024 et à mettre en place des cours de répétition. L’objectif est d’accompagner 1000 jeunes filles à travers l’Afrique

L’éducation de nos jeunes filles va contribuer à leur émancipation et à lutter contre les mariages précoces. On pourrait ainsi avoir une démographie sous contrôle avec des taux de natalité revue à la baisse. Je me suis engagé à défendre les droits d’accès à l’éducation des jeunes filles avec la mise en place du programme KALAN (Apprendre en bambara) for Women qui visera à couvrir la scolarité des jeunes filles pour la rentrée 2023-2024 et à mettre en place des cours de répétition. L’objectif est d’accompagner 1000 jeunes filles à travers l’Afrique.

Quels sont les projets de Mohamed Nour ?

Je n’ai pas de projets personnels. J’ai plutôt un projet pour un continent et sa diaspora. Et cela ne se fera pas sans ses filles et fils. Je rêve d’unir les miens. C’est pour cela que j’ai monté, en 2020, ma plateforme de réflexion stratégique pour l’Afrique dénommée AGENDA35. Implantée dans 9 pays, nous réfléchissons sur les problématiques liées à l’Afrique et proposons des solutions entrepreneuriales.

Tout ce que nous faisons, c’est pour les prochaines générations. En travaillant avec Thione, j’ai compris qu’il faut se demander ce qu’on peut apporter aux prochaines générations plutôt que ce qu’elles peuvent nous apporter. On a beaucoup à leur donner. Et c’est pour cela que je rêve d’une Afrique qui peut se nourrir elle-même, qui peut soigner sa population elle-même, qui peut l’éduquer et la protéger.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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