Insécurité croissante en Guyane française


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Carte de la Guyane française
Carte de la Guyane française

Amélie Gaillard, fille d’une femme politique guyanaise éminente, est tuée lors d’un sound system – soirée musicale en plein air courante en Guyane, le week-end dernier. Ce drame est le troisième cette année en Guyane, et rejaillit sur la scène politique et collective locale.

La mère de la défunte, invité au JT de la chaine RFO, lance un appel à a société guyanaise et à une marche silencieuse dans le quartier Balata, cité difficile et vivant comme beaucoup d’autres en vase clos. L’insécurité qui sévit, et la violence entre jeunes, dans un territoire dont plus de 50% de la population a moins de vingt-cinq ans, révèlent la situation explosive de la société guyanaise. Des personnalités politiques telles que Christiane Taubira, ont rappelé l‘absence d’espaces, de lieux de collectivité, d’épanouissement, de divertissement, et la situation d’abandon et de désespoir dans une région dont plus de la moitié de la population est dans la précarité ou le chômage, et deux tiers allocataires de la CAF.

Des hommes et des femmes meurent tous les jours, Sacrifiés sur l’autel de l’indifférence, la négligence et l’insouciance La violence gratuite, le banditisme, la pauvreté Des amis, des cousins, des parents, des camarades, des connaissances. Ils meurent sur le bord d’une route,
Ils meurent arrachés par une balle devant le collège Nonnon, sur la place des Palmistes en achetant un sandwich, Leurs vies enlevées dans un sound system,

Quelle est cette Guyane où aller écouter la musique, manger en ville, Peut conduire à la mort ?

Nous clamons que nous sommes fiers de notre Guyane, mais notre Guyane est empêchée,violée, kidnappée, Notre Guyane est dans celles et ceux qui se battent tous les jours, de celles et ceux qui sont sacrifiés Dans l’anonymat, Par l’absence de médias, d’espaces, de partages. Quelle est cette Guyane, qui s’ignore ?

Notre Guyane est auprès des mères qui élèvent seules leurs enfants, s’épuisent entre les garderies, les crèches, l’école, les embouteillages, les fins de mois trop maigres ; de ses ouvriers qui, dans l’indifférence générale, construisent nos routes et nos ponts, de ses artisans qui essayent de mettre leur talent au service de la beauté et de notre histoire, quand leur banquier les abandonnera dans les moments difficiles, de ses jeunes qui créent, innovent et s’adaptent, dans des quartiers abandonnés par des politiciens et leurs belles promesses de ses jeunes qui, à balata, cabassou, tarzan, mirza, lans kourou, lacharbonnière, et ailleurs, devinent les difficultés qui les attendent, leur espoir kidnappé et leur ambition violée par l’argent facile, le mensonge municipal et l’illusion d’une vie fantasmée.

De la jeunesse dont les rêves sont kidnappés et les vies brisées avant d’être vécues ou pour avoir été trop vécues, Lorsque les armes, le crack, l’alcool, s’invitent dans les soirées, Tandis que les espaces de vie, les lieux collectifs, les terrains de sport, Manquent cruellement,
Que les communautés ne se côtoient qu’au coin des préjugés, Que des quartiers sont laissés à l’abandon et aux gangsters

Nous nous réveillons les lendemains de fête, et la fête est meurtrière Nous nous réveillons et cela n’efface pas le vide, la pénurie, et la peine…que tous les gadgets, les artifices, la consommation n’effacent pas Nous nous réveillons les lendemains de fête, et le monde est là, avec ses problèmes,sa cruauté, sa réalité…

Nous fréquentons les mêmes bureaux de poste, les mêmes écoles, collèges et lycées,
Mais nous fréquentons-nous, nous connaissons nous ? Percevons-nous les souffrances, les espoirs, les défis mutuels ? Ceux de toute mère pour son enfant, en tant que mère ou en tant qu’enfant ? Savons-nous ce qui se passe dans notre pays, dans toutes les parties, les villes, les quartiers de notre pays ? Qui sommes-nous? Que sommes-nous ? Que voulons-nous être? Et comment en sommes-nous arrivés là ?

La vérité est que notre destin est entre nos mains, nous sommes responsables de notre destin, Nous sommes notre propre souverain, Désormais, il s’agit de décider ce que sera notre assiette, notre avenir et nos fêtes Et ce choix est entre nos mains
et dans les mains de personne d’autre… et certainement pas celles qui tiennent la gachette ou le billet Nous avons le pouvoir de changer les choses, de créer un élan,
d’être notre propre élan. Cessons de nous mentir à nous-mêmes; Cessons de fuir et de nous voiler la face,

Notre Guyane est notre espoir,
Elle nous a vu naitre,
Elle nous a donné la vie,
Elle nous a nourri,
Et aujourd’hui, elle nous appelle.
Elle nous appelle tous,
Et nous dit que c’est possible.
Ne la trahissons pas.
Et les mensonges, les médiocrités et les vendus n’y changeront rien.
Cet appel est en nous.
Il était avant nous, nos conquêtes, nos illusions, nos frontières et nos fêtes.

Quel homme et quelle femme entendant cet hymne,
N’espèreraient plus.
Quel homme et quelle femme entendant cet appel,
ne se relèveraient pas,
Quel homme et quelle femme, entendant ce cri,
Ne se soulèveraient pas

Par Keita Stephenson

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