Ini Inkouraba Youl, l’amazone de Gaoua


Lecture 4 min.
arton21386

Faire éclore des femmes battantes. Ini Inkouraba Youl Damien s’y emploie avec l’Association pour la promotion féminine de Gaoua (APFG), au Burkina Faso, qu’elle a fondée. Educatrice dans l’âme, elle transmet ses convictions à ses consœurs les plus défavorisées. Elle a reçu, jeudi dernier, le prix Harubuntu 2010.

Ini Inkouraba Youl, épouse Damien, est une femme pressée. Il n’est pas aisé de lui arracher quelques secondes, même quand il s’agit de parler de son action au sein de l’Association pour la promotion féminine de Gaoua (APFG), ville du Sud-Ouest du Burkina Faso. Heureusement, l’un des coups de cœur de l’édition 2010 du concours Harubuntu des porteurs d’espoir et de richesses, a eu l’occasion de se confier un tantinet en y participant. « On voudrait que les femmes soient leaders, qu’elles soient des femmes battantes », explique-t-elle quand on lui demande ce qui l’a motivée à mettre en place l’APFG en 1992. « Ma démarche est de faire prendre conscience aux femmes démunies de leurs potentialités et richesses pour permettre une dynamique interne de transformation sociale. » L’APFG mène plusieurs actions de sensibilisation à travers le théâtre et des émissions radiophoniques dans différentes langues du pays.

L’association organise aussi des formations au leadership et à la connaissance de soi. Initiées au crédit, alphabétisées, les femmes gèrent ainsi des unités de production de savon à partir du karité, un « ndolo » (bar) et des magasins. « J’arrive, assure Ini Inkouraba Youl Damien, à améliorer la situation des femmes dans ma région, à vaincre les résistances socioculturelles pouvant s’opposer à toute remise en question ». Comme en matière de lutte contre l’excision. En 1996, le Burkina Faso adopte une loi contre cette mutilation génitale. Légiférer a ainsi permis de réduire, de 80 à 40%, le nombre de femmes excisées dans la région. L’APFG travaille à faire comprendre aux exciseuses les dangers de cette pratique. « Avec la loi, des femmes ont été mises en prison mais je suis contre la répression car les gens ne comprennent pas, il faut d’abord changer les mentalités, il ne faut juger, c’est juste que les gens n’ont pas appris. Tant qu’ils n’ont pas été à l’école, les gens n’ont pas la capacité d’analyse. Ce n’est pas leur faute. Il faut démontrer le contraire, éveiller leur esprit ». Parole d’éducatrice. Vingt ans après sa naissance, Ini Inkouraba Youl devenait enseignante en 1984. Outre l’APFG, elle est aussi à l’origin,e en 2005, du Réseau des femmes leaders et des associations dynamiques du Sud-Ouest (RFLAD-SO). A sa vie professionnelle et associative, viennent se rajouter ses mandats locaux. En 1998, elle est élue au Sénat et en 2000, conseillère municipale, puis première adjointe au maire de la Commune de Gaoua. Ini Inkouraba Youl Damien n’est plus aujourd’hui une élue locale mais elle siège au Conseil économique et social.

« Il faut d’abord changer les mentalités»

Les matrones sensibilisées par l’AFPG ont abandonné la pratique de l’excision et sont devenues elles-mêmes formatrices et fondatrices la bien nommée association « Sifarè Kala » – qui veut dire en langue locale l’abandon des couteaux (expression utilisée pour décrire le fait de renoncer à la pratique de l’excision). « Nous sommes passées du fléau de l’excision à la réjouissance où nous valorisons les fillettes non excisées, note Ini Inkouraba Youl Damien ». L’APFG a ainsi fait une première en lançant la campagne de valorisation de la femme non excisée. Car certaines jeunes femmes ont encore honte de ne pas l’être.

Les femmes de l’AFPG pensent à elles, aux autres et aussi à l’environnement en plantant des arbres. L’un des derniers projets de l’association, Aliniha lancé en février 2009, s’appuie sur un triptyque explicite : « Une femme, un crédit, un arbre ». « Aliniha a pour objectif de permettre aux femmes démunies de devenir des femmes leaders, actrices de changement économique, social et environnemental dans leurs communautés. » Et les résultats sont déjà palpables. « Un an après le lancement d’Aliniha au Burkina Faso, près de 900 femmes ont bénéficié d’un crédit et d’une formation. Onze mille arbres ont été plantés. Les femmes utilisent des paniers et des sacs en tissu plutôt que des sachets plastiques et sensibilisent leur entourage à l’importance de la protection de l’environnement ». De même, elles privilégient des foyers améliorés pour lutter contre la coupe abusive du bois. A Gaoua et au-delà, quand on parle d’écologie et de promotion de la femme, il n’y a pas photo. Si peut-être : celle d’Ini Inkouraba Youl, épouse Damien, et de toutes les femmes AFPG.

Le site du concours Harubuntu

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News