« Indigènes » : mission accomplie


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Indigènes, extrait de l'affiche du film
Indigènes, extrait de l'affiche du film

Indigènes, l’œuvre du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb, sort sur les écrans français ce mercredi. Il se voulait un film hommage à tous ces soldats originaires d’Afrique, baptisés « troupes indigènes », qui ont donné leur vie à la France pendant la Seconde Guerre mondiale, mais que son Histoire a souvent omis d’évoquer. Pari gagné.

1943. La France enrôle dans ses colonies pour résister à l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. En Algérie, Saïd (Jamel Debbouze), bercé par des « Vive la France ! », s’engage, laissant derrière lui, sa pauvre mère. Ailleurs Abdelkader (Sami Bouajila), Messaoud (Roschdy Zem) et Yassir (Sami Naceri), poussés par un patriotisme relativement désintéressé, ont quitté leur Maghreb natal pour les mêmes raisons. Leur épopée guerrière les conduira en Italie, en Provence, dans les Vosges et dans un petit village alsacien. « Indigènes », le film du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb qui sort en France ce mercredi, est l’histoire de quatre hommes qui avaient en commun leur « indigénat », une confiance et un attachement sincères à leur « mère patrie », la France. Jamais les humiliations dont ils seront victimes ne les remettront en cause. Au contraire, ce sera la motivation supplémentaire pour prouver à leur hiérarchie qu’ils sont tout aussi valeureux que leurs frères d’armes autochtones.

Surtout pour Abdelkader, l’intellectuel, qui touché dans son amour-propre par toutes ces brimades, veut tout révolutionner. « On est en train de changer le destin de la France, il est temps que les choses changent pour nous aussi !», revendique-t-il. Saïd, quant à lui, à la candeur émouvante des enfants qui font, malgré tout, confiance à leurs parents. A l’instar de leurs camarades, leurs espoirs, leurs colères, leurs désillusions donnent une puissante charge émotionnelle à une aventure avant tout humaine. Ce n’est pas pour rien qu’un Prix d’interprétation, au dernier festival de Cannes, est venu récompenser l’ensemble du casting masculin de cette œuvre qui n’avait pas l’ambition de rentrer en compétition avec ces grands films américains auxquels il renvoie. L’enjeu est ailleurs.

Des soldats comme les autres

La fiction de Bouchareb est une œuvre pionnière. Pour la première fois est portée à l’écran l’histoire de ces 130 000 Africains qui se sont battus pour la nation française et dont le mérite n’a pas toujours été reconnu par l’Etat français. Comme s’ils étaient des « sous-soldats ». A tel point que leurs pensions font l’objet d’un gel depuis la loi du 26 décembre 1959. Elles seront, certes, revalorisées en 2002, mais seulement en fonction du coût de la vie des pays de résidence de ces anciens combattants. Cependant la sortie du film Indigènes, qui a ému le Président français Jacques Chirac, semble avoir précipité les choses dans ce domaine. La « décristallisation », annoncée le 14 juillet dernier par le Chef de l’Etat français, a été confirmée lundi par le ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie.

Un film, aussi près de la réalité qu’il soit, ne vaut pas les faits historiques, mais il peut contribuer à lever le voile sur le passé. Et c’est dans cette optique qu’Indigènes a été conçu. Le projet mijotait depuis une dizaine d’années dans l’esprit de son réalisateur. Pour certains, le résultat est un parti pris, pour d’autres il est le reflet de l’injustice dont sont encore aujourd’hui victimes les immigrés en France, ses enfants venus d’ailleurs. Pourtant Indigènes n’a pas vocation à diviser. Au contraire, il est la preuve que l’Hexagone s’intéresse aussi à cette partie de son histoire.

Car de la présidence française à l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), en passant par des chaînes de télévision publique et privée – France Télévisions et Canal+ – et les producteurs du film dont Jamel Debbouze, tout le monde a mis la main à la pâte pour permettre à ce film d’exister. Rassembler les ressources – 14,5 millions d’euros – a été difficile, mais « ils » y sont arrivés. Le résultat est là, pour que jamais la France n’oublie ses valeureux soldats « indigènes ». Plus qu’un devoir de mémoire, Indigènes va contribuer à faire la différence. Car, en plus de leur rendre hommage, le film va améliorer la vie de 80 000 anciens combattants qui, d’ici l’année prochaine, verront leur pension revalorisée.

Indigènes de Rachid Bouchareb avec Jamel Debbouze, Sami Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan. Durée : 2h08. Sortie nationale en France : 27 septembre.

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