Incendie d’un ferry en Egypte : des acquittements au goût de scandale


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Le tribunal égyptien de Safaga a rendu dimanche son verdict dans l’affaire de l’incendie d’un ferry qui, en février 2006, a coûté la vie à plus d’un millier de passagers, pour la plupart égyptiens. L’instance a acquitté cinq des six accusés, relançant la polémique sur la négligence entourant ce dossier. Le procureur et l’avocat principal ont fait appel de ce jugement.

Non coupables. C’est le verdict qu’a rendu dimanche le tribunal correctionnel de Safaga, une ville portuaire égyptienne. Six hommes étaient mis en cause dans l’incendie et le naufrage du ferry Al Salam 98 qui assurait, en février 2006, la navette entre Douba (Arabie Saoudite) et Safaga. Un drame dans lequel plus d’un millier de personnes sur les 1 400 passagers ont péri.

Parmi les hommes qui comparaissaient devant la cour, un seul a été reconnu coupable. Il s’agit de Salah Gomaa, le propriétaire d’un autre ferry, le Sainte-Catherine, qui n’avait pas répondu aux appels au secours du ferry en flammes. Il a été condamné à six mois de prison assortis d’une amende de 10 000 livres égyptiennes (1 200 euros environ) pour non-assistance à personne en danger.

La colère des familles

A l’annonce du verdict, la colère et l’impuissance ont envahi les proches des victimes rassemblés aux abords du tribunal. L’accès à la salle d’audience étant gardé par un important dispositif de sécurité, les familles manifestaient à l’extérieur en brandissant des photos des disparus. Des altercations avec les forces de sécurité ont eu lieu, et une femme a été blessée.

Le jugement était très attendu par les proches de victimes qui, depuis deux ans, crient au scandale. Certains reprochent aux autorités d’avoir tardé à intervenir : des rescapés ont relaté qu’ils étaient restés plus de 20 heures dans l’eau, à attendre des secours inefficaces. D’autres critiquent le flou autour de l’affaire.

Entre naufrage et corruption

Pour exemple, le propriétaire du ferry Mamdouh Ismaïl Mohamed Ali et son fils étaient jugés par contumace pour négligence et corruption, et non pour homicide. Le certificat de navigabilité semble pourtant avoir été octroyé un peu rapidement par les autorités égyptiennes, pour un ferry vieux de 35 ans et – selon les témoignages des rescapés à l’époque –, en mauvais état. Autre zone d’ombre, l’affaire était jugée par un tribunal correctionnel, alors que ce genre de dossier relève habituellement des Assises.

Une justice complaisante

La proximité de certains des accusés avec les plus hautes sphères politiques d’Egypte alimente aussi la polémique. Mamdouh Ismaïl Mohamed Ali, député membre du parti au pouvoir, a trouvé refuge en Grande-Bretagne dès le début des poursuites. La justice égyptienne avait alors lancé un mandat d’amener contre lui via Interpol, levé son immunité parlementaire et gelé ses avoirs. Mais les menaces ont été annulées dès que le parlementaire a proposé de verser 330 millions de livres égyptiennes de dédommagement aux rescapés et aux familles des victimes par l’intermédiaire de sa compagnie Al Salam.

Le procureur général a décidé de faire appel de la décision du tribunal et Me Asaad Heikal, l’avocat de plusieurs familles de victimes, lui a emboîté le pas. Selon eux, les responsabilités vont plus loin. Concernant la lenteur de l’intervention des secours, ils remettent en cause les forces armées. Quant aux accusations de corruption qui avaient entaché les cercles politiques à l’époque, ils sont toujours d’actualité et le président Hosni Moubarak continue d’essuyer des critiques.

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