Il n’y a que l’Afrique qui m’aille


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Hakim Boumedjane, 26 ans, né en Kabylie et vivant en France depuis 1988, retrouve ses racines dans la maille. Il vient de créer une marque de vêtements, Afri’k Wear, à travers laquelle il souhaite véhiculer les valeurs positives de l’Afrique. Un projet 100% coton et 100% motivation.

Hakim trimballe dans son sac un petit album photos avec ses souvenirs d’Algérie. Un concentré de Kabylie qui lui rappelle tous les jours d’où il vient : d’un petit village, à 60 km de Béjaïa, qu’il a quitté en 1988. Quant à savoir où il va, c’est une autre histoire qui s’annonce assez belle. Hakim Boumedjane, 26 ans, créée sa marque de vêtements, Afri’k Wear, en 2001 alors qu’il est encore étudiant en sociologie. Il attend d’avoir sa maîtrise en 2002 pour se lancer totalement dans cette aventure coton et fait un premier test : il part en voiture dans le sud de la France avec une centaine de t-shirts et se frotte au terrain. Il en vend dans la rue, sur les plages… et ça marche.

En janvier 2003, il passe à la fabrication. Les premiers sweats prêts à être vendus en boutique fleurent bon le neuf. Le modèle initial aura la couleur  » crépuscule « . Pour un début, c’est tout un symbole… nouvelle marque, nouveau métier. Nouvelle vie ?  » Je ne pars de rien, tout tient à un fil « , avoue Hakim.  » Mais ce que je suis en train de réaliser vit dans ma tête depuis deux ans. Le street-wear en France, c’est un phénomène urbain. Je veux ajouter les tissus et les couleurs de l’Afrique. Ici, tout le monde souhaite s’habiller comme aux Etats-Unis, moi je veux aller à contre-courant.  » D’où son concept :  » Africa Wear made in France « .

Liberté, j’écris ton nom

Ses sweat-shirts sont donc épais, de bonne qualité, ont une coupe à la mode et la couleur noire en partage mais ne véhiculent pas d’idéologie tape-à-l’oeil. Ils s’agrémentent des  » couleurs africaines « , vert-jaune-rouge, et d’une carte d’Afrique zébrée qu’Hakim compte exploiter prochainement dans la collection été qui s’annonce.  » Je suis en train de la dessiner. Il y aura des tee-shirts, des maillots de bain, des shorts, des casquettes. Et on sentira vraiment l’influence africaine.  »

Autre modèle : le sweat  » Tilleli « ,  » liberté  » en berbère. Liberté, maître-mot et moteur pour Hakim qui n’hésite pas à écrire sur sa carte de visite :  » C’est l’histoire d’un gamin qui rêvait de liberté, jusqu’au jour où il a enfin compris le vrai sens de ce mot. N’oubliez jamais vos racines, les réponses à toutes vos questions y sont peut-être enfouies quelque-part…  » Depuis février dernier, on trouve les vêtements d’Hakim dans une quinzaine de points de vente à Paris, en banlieue et en province à Amiens, Reims et Beauvais. Toujours grâce à la même méthode : Hakim prend sa voiture, un stock de vêtements, et part à l’aventure se faire connaître.

Traverser la Méditerranée

 » Je trouve toujours des personnes enthousiastes « , explique-t-il.  » Et il n’y a pas que les Blacks qui aiment la marque, elle s’adresse à tout le monde. Ce n’est pas une marque pour les Africains mais une marque pour que tout le monde porte l’Afrique. L’idée est de faire passer à travers le vêtement les valeurs positives du continent. Des gens qui aiment l’Afrique, il y en a partout ! Sur le site Internet, j’ai reçu des demandes de commandes du Canada, de Belgique, et de Nouvelle-Zélande.  »

Aujourd’hui, Hakim peut dire qu’il n’a pas  » traversé la Méditerranée pour rien « . Alors qu’à 11 ans, il ne voulait pas quitter la Kabylie et son grand-père qui l’a quasiment élevé, il sait qu’il a réussi à réaliser une partie de son rêve, ici, en France.  » J’ai toujours voulu créer quelque chose qui me ressemble. Ma marque représente à la fois le vêtement et mon histoire personnelle. Je me suis rendu compte que tous mes projets étaient reliés à l’Afrique. En sociologie, je travaille sur l’immigration africaine et maghrébine en France. D’ailleurs, je suis inscrit en DEA car avancer dans ces études, ça me fait aussi avancer dans Afri’k Wear. Les deux sont liés.  »

Idir en Afri’k Wear

Fébrile, Hakim feuillette les pages de son album-photo : la première boutique qui a accepté ses vêtements, le chanteur kabyle Idir qui porte le sweat Tilleli dans sa loge après un concert, des piles d’Afri’k Wear bien rangées dans les rayonnages des magasins, son meilleur mannequin : sa petite soeur de 7 ans pour laquelle il créé des modèles…

Cet été, il prévoit un voyage en Algérie. Sept ans qu’il n’y a pas remis les pieds.  » Je ne voulais pas retourner là-bas les mains vides. J’ai beaucoup à me faire pardonner. » Cette fois-ci, il quittera Drancy, en région parisienne, avec des photos-souvenirs qui jalonnent la jeune existence de son projet et des sweats plein sa valise. Et plein la tête.

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