Il était une fois l’e-mail au Maroc


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L’e-mail marocain a dix ans. Le premier message électronique a été envoyé du Royaume à l’Ecole d’ingénieurs Mohammedia de Rabat le 1er juillet 1993. Grâce à la volonté de deux professeurs : Amine Alaoui et Driss Eddaifi.

C’était il y a dix ans. Le 1er juillet 1993, vers 11 heures du matin, deux professeurs de l’Ecole d’ingénieurs Mohammedia de Rabat reçoivent et envoient le premier e-mail marocain. Moment historique s’il en est. Comme aux Etats-Unis et en Europe, l’e-mail est né à l’Université. Au Maroc, c’est à la ténacité d’Amine Alaoui et Driss Eddaifi qu’il doit son futur développement. « Quand je suis rentré de France en 1990, j’avais pris l’habitude de me servir de l’e-mail. Le fait d’être coupé de ce moyen de communication au Maroc m’a posé problème », explique Amine Alaoui.

Pour rester en contact avec ses collègues à travers le monde, le responsable du centre de calcul décide alors de faire entrer l’e-mail à l’Ecole. A l’époque le web n’existe pas encore, seul le FTP (protocole de transfert de fichiers) fonctionne et l’envoi d’e-mails se fait à partir d’un serveur spécifique. Les boîtes de messageries ne sont pas encore nées ! « Du point de vue technique, nous avons mis cinq bons mois à tout mettre en place », se souvient Amine Alaoui. « A l’époque, les gens connectés au Maroc ne savaient pas comment ils étaient connectés… Nous nous sommes tournés vers la France et avons établi la liaison avec l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique). Ensuite, il a fallu trouver le matériel : pas évident d’acheter un modem avec des délais de livraison de plusieurs semaines. Et puis nous avons tâtonné pour installer la connexion car il n’y avait pas de formation ni de cours. Nous avons bien sûr eu des ratés ! »

Service public

Le premier e-mail marocain a été envoyé à partir d’un modem de 1 200 bauds, « c’était quelque chose ! ». A titre de comparaison, le modem standard utilisé aujourd’hui plafonne à 56 000 bauds et le haut débit, de plus en plus utilisé, à 512 000 bauds… De 1993 à 1995, l’Ecole d’ingénieurs est l’unique passerelle vers le monde encore mystérieux de l’e-mail. « On limitait les accès à cause du coût car chaque envoi en-dehors du Maroc coûtait le prix d’une communication à l’international. Heureusement, le ministère de l’Enseignement supérieur nous avait alloué un petit budget. Le ministère des Télécommunications prenait nos expérimentations pour une lubie d’enseignants ! »

Amine Alaoui et Driss Eddaifi dans l’histoire du Net chérifien

Une lubie qui séduit pourtant très rapidement le monde universitaire marocain qui peut à présent envoyer des manuscrits entiers à l’autre bout de la planète, ce que le fax ne permet pas. « A la rentrée d’octobre 1993, on envoyait déjà quelque 1000 e-mails par jour. On a vu venir vers nous des gens totalement réfractaires à l’informatique et qui n’avaient jamais touché une machine de leur vie. Nous avions une salle de terminaux ouvert à tous les enseignants et étudiants, quelle que soit leur université. On recevait les messages d’autres universités qu’on envoyait à leurs destinataires et on recevait également tous les e-mails qu’on redistribuait ensuite. C’était un service public en quelque sorte ! »

C’est le 13 novembre 1995 que l’ONPT (Office national des postes et télécommunications, devenu depuis Maroc Télécom) ouvre officiellement une connexion pour les opérateurs, moins chère et plus performante que celle utilisée à l’Ecole. Quant à Amine Alaoui et Driss Eddaifi, ils sont déjà entrés dans l’histoire du Net chérifien.

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