Hommage aux Tirailleurs Français


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La France et ses tirailleurs

Partis défendre l’empire colonial français pendant la seconde guerre mondiale, les tirailleurs français venant d’Afrique Noire et du Maghreb n’ont pas eu la reconnaissance de leurs pairs et de l’Histoire. Compagnons du Général De Gaulle dès le début de la Résistance, ces soldats n’ont pas hésité à le suivre pour libérer la France. Dans son livre,  » La France et ses tirailleurs « , le journaliste Charles Onana revient sur cet engagement volontairement oublié par les historiens et la classe politique française depuis plus de soixante ans.

 » Vive la France libre !  » Loin de leurs familles, les tirailleurs africains s’en vont combattre un ennemi dont ils ignorent toute la puissance. Aux côtés de Charles de Gaulle et de ses compagnons, comme le maréchal Leclerc, les forces armées des colonies françaises entrent dans la Résistance sans savoir ce qui les attend réellement. A travers un travail d’investigation réalisé à partir d’archives et de correspondances, le journaliste Charles Onana relate dans son livre, La France et ses tirailleurs, l’aventure de ces soldats venus du Sud. Interview.

Afrik : Pourquoi un livre sur les tirailleurs ?

Charles Onana : Mon livre a pour vocation de montrer le rôle de l’Afrique et des Africains dans la libération de la France lors de la seconde guerre mondiale. Ce rôle a été occulté par les historiens et les livres d’Histoire. Je pense qu’il est important de connaître la vérité sur ces soldats qui ont aidé la France a retrouver sa liberté en constituant la première armée de la Résistance.

Afrik : Comment avez-vous trouvé les informations concernant ces soldats oubliés ?

Charles Onana : J’ai pu commencer mon travail grâce aux archives militaires et aux correspondances privées du maréchal Leclerc, de Jean Moulin et du Général De Gaulle entre autres. Je me suis aussi rendu à Fréjus et à Chaslet pour recueillir les témoignages de ceux qui ont connu de près ou de loin des tirailleurs.

Afrik : Les livres d’Histoire évoquent peu l’engagement, dès 1940, de ces tirailleurs dans la Résistance…

Charles Onana : J’ai effectivement découvert dans les archives que les tirailleurs sont entrés dans la Résistance dès le 18 juin 1940, après l’Appel du Général De Gaulle. La résistance des tirailleurs dans le sud de la France, à Chaslet par exemple, a retardé l’occupation de la région lyonnaise pendant deux ans. Un groupe est resté défendre Chaslet et Montluisant. Les Allemands se sont retrouvés face à une opposition farouche des soldats africains. Après d’âpres combats, les soldats de la Weimar (armée allemande, ndlr) ont fini par remporter la bataille : ils ont fusillé les tirailleurs, les ont écrasé avec leurs chars et exposé leurs dépouilles sur la place publique sans les enterrer parce qu’ils ne les considéraient pas comme des hommes.

Afrik : Personne ne s’est indigné de cette situation ?

Charles Onana : Une seule personne s’est révoltée contre l’abandon des corps sur la place publique. C’est Jean Marchianni, ancien combattant de la guerre 1914-1918 et responsable de l’association des Anciens Combattants de la région. Il a essayé de mobiliser des personnalités pour construire une sépulture car les soldats allemands refusaient que des Noirs en aient une. Ils les considéraient comme des  » Kulturschande  » ou  » souillures  » de l’armée française. M. Marchianni utilisa ses deniers personnels pour leur construire un cimetière.

Afrik : Les forces coloniales étaient sous les ordres du maréchal Pétain qui a signé l’Armistice avec les Allemands. Comment Charles de Gaulle a-t-il réussi à mettre en place une armée ?

Charles Onana : Le maréchal Pétain possédait ses propres tirailleurs mais lorsque De Gaulle entre en rébellion, il se tourne vers l’Afrique qui accepte de le suivre. Le Général envoie alors des émissaires, notamment Félix Eboué (gouverneur du Tchad et de la Centrafrique) qui était aussi opposé à l’Armistice signée par Pétain. Félix Eboué rallie à la cause du Général le Congo, le Tchad, le Cameroun et l’Oubangui Chari (Centrafrique, ndlr) dès 1940. Félix Eboué, originaire des Antilles, parvient à convaincre ces pays de le suivre et devient le bras droit du Général en Afrique centrale. Le maréchal Leclerc et René Pleven se sont aussi mobilisés pour persuader les militaires qui étaient contre la reddition de la France de rejoindre les forces alliées.

Afrik : Quelles ont été les actions menées par les tirailleurs sous le commandement du Général ?

Charles Onana : La première bataille se déroule le 23 septembre 1940 à Dakar. De Gaulle, soutenu par la flotte britannique, est confronté au gouverneur Boisson, sous les ordres du maréchal Pétain. Battu par Boisson et abandonné par les Anglais, le Général est prêt à baisser les bras mais un mouvement populaire l’encourage à reprendre les combats. Les premières victoires de la France libre sont gagnées grâce à l’armée du Général constituée à 80 % d’Africains. Victoires en Libye avec la prise de Koufra, et en Tunisie notamment. Puis les troupes passent par le Liban, la Syrie, l’Italie, l’Allemagne et enfin la France.

Afrik : Comment se fait-il qu’on n’aie quasiment pas vu de tirailleurs lors de la libération de la France ?

Charles Onana : Dès 1940, les forces alliées voient d’un mauvais oeil l’armée des tirailleurs, des Noirs et des Maghrébins, sauver la France. Tout a été fait pour effacer leurs traces lors des débarquements. La théorie de l’infériorité de l’homme noir, la mauvaise réputation faite aux Arabes ont contribué à masquer cette vérité. Il y avait une grande gêne, surtout à cause des préjugés. Mais aujourd’hui, personne ne peut contester les faits. Ce sont les archives du maréchal Leclerc et de Jean Moulin qui attestent de leur présence. Comme le disait si bien Gaston Monnerville  » Sans l’Empire, la France ne serait qu’un pays libéré « .

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