Hissène Habré au Sénégal – 21 ans d’impunité


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Hissène Habré et un gardien pénitencier
Hissène Habré et un gardien pénitencier

Décembre 1990 – Le Président tchadien Hissène Habré est chassé du pouvoir et s’enfuit au Sénégal.

26 janvier 2000 – Sept victimes tchadiennes déposent une plainte contre Habré à Dakar.

3 février 2000 – Le juge sénégalais Demba Kandji inculpe Habré pour complicité de tortures, actes de barbarie et crimes contre l’humanité.

18 février 2000 – Les avocats de Habré déposent une requête en annulation devant la Cour d’appel de Dakar pour que l’affaire soit abandonnée.

30 juin 2000 – Le Conseil Supérieur de la Magistrature, présidé par le chef d’État sénégalais Abdoulaye Wade, mute le juge Kandji, lui retirant l’enquête Habré. Le président de la Cour d’appel de Dakar est promu.

4 juillet 2000 – La Cour d’appel de Dakar déclare que les tribunaux sénégalais sont incompétents car les crimes auraient été commis en dehors du territoire national. Cette décision et les circonstances qui l’ont entourée ont été vivement critiquées par les Rapporteurs des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats et sur la torture. Les victimes interjettent appel.

30 novembre 2000 – Des victimes tchadiennes vivant en Belgique portent plainte contre Habré à Bruxelles.

20 mars 2001 – La Cour de Cassation sénégalaise déclare que Habré ne peut être jugé parce que les crimes dont il est accusé n’ont pas été commis au Sénégal.

7 avril 2001 – Le président Wade demande à Habré de quitter le Sénégal.

23 avril 2001 – Le Comité des Nations Unies contre la Torture (CAT) demande au Sénégal d’empêcher Habré de quitter son territoire.

27 septembre 2001 – Le président Wade accepte de maintenir Habré au Sénégal, le temps que soit examinée une demande d’extradition. « Si un pays, capable d’organiser un procès équitable – on parle de la Belgique – le veut, je n’y verrais aucun obstacle. »

19 septembre 2005 – Après quatre années d’instruction, ayant donné lieu à une mission au Tchad, un juge belge délivre un mandat d’arrêt international contre Habré pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. La Belgique demande son extradition au Sénégal.

15 novembre 2005 – Les autorités sénégalaises arrêtent Hissène Habré.

24 novembre 2005 – Le procureur de la République demande à la Cour d’appel de Dakar de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d’extradition.

25 novembre 2005 – La Cour d’appel de Dakar se déclare incompétente pour statuer sur la demande d’extradition. Habré est remis en liberté.

27 novembre 2005 – Le Sénégal demande au Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine de désigner “la juridiction compétente pour juger cette affaire”.

24 janvier 2006 – L’Union africaine crée un « Comité d’Éminents Juristes Africains » (CEJA) chargé d’examiner les options disponibles pour juger Habré.

18 mai 2006 – Le Comité des Nations Unies contre la Torture décide que le Sénégal a violé la Convention des Nations Unies contre la Torture et lui demande d’extrader ou de juger Habré.

2 juillet 2006 – Sur la base du rapport du CEJA, l’Union africaine demande au Sénégal de juger Habré « au nom de l’Afrique ». Le président Wade accepte d’exécuter cette décision.

31 janvier 2007 – L’Assemblée Nationale sénégalaise adopte une loi qui permet à la justice sénégalaise de connaître des actes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture, quand bien même ils auraient été commis hors du territoire Sénégalais. Le Sénégal amendera ensuite sa Constitution.

Juillet 2007 – Les chefs d’État suisse et français sont les premiers à promettre au Sénégal de l’assister pour instruire et juger cette affaire.

16 septembre 2008 – Quatorze victimes déposent plainte auprès d’un procureur sénégalais, accusant Habré de crimes contre l’humanité et d’actes de torture.

2008 – 2010 – Le Sénégal refuse de faire progresser le dossier tant que l’intégralité des fonds nécessaires à la conduite du procès n’aura pas été versée et le président Wade menace d’expulser Habré. L’Union européenne et l’Union africaine envoient plusieurs délégations afin de négocier avec le Sénégal. Ce pays réclame d’abord 66 millions d’euros, puis 27 millions, avant de finalement accepter un budget de 8,6 millions d’euros.

19 février 2009 – La Belgique demande à la Cour Internationale de Justice (CIJ) d’ordonner au Sénégal de poursuivre ou d’extrader Habré. Le 28 mai, la CIJ accepte l’engagement solennel du Sénégal d’empêcher Habré de quitter son territoire dans l’attente de sa décision au fond.

18 novembre 2010 – La Cour de Justice de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) décide que le Sénégal doit juger Habré en créant une juridiction « spéciale ou ad hoc à caractère international ».

24 novembre 2010 – A l’issue d’une table ronde des bailleurs de fond, 8,6 millions d’euros sont promis, couvrant l’intégralité des estimations budgétaires. Le ministre de la Justice du Sénégal déclare que cette réunion est « le parachèvement d’un long processus devant aboutir au procès juste et équitable ».

10 décembre 2010 – Le président Wade déclare : « Que l’Union africaine reprenne son dossier… sinon Hissène Habré, je vais le renvoyer quelque part. Moi maintenant, j’en ai assez… je vais m’en débarrasser. Point final. »

12 janvier 2011 – Le Comité des Nations Unies contre la Torture réplique à cette déclaration de Wade en rappelant au Sénégal son « obligation » de poursuivre ou extrader Habré.

13 janvier 2011 – Le président Wade rejette le plan de l’Union africaine pour faire juger Habré par un tribunal composé de juges sénégalais et internationaux sur le modèle du tribunal qui juge les Khmers Rouges au Cambodge.

31 janvier 2011 – L’Union africaine appelle au commencement « rapide » du procès en prenant en compte ladécision de la CEDEAO.

4 février 2011 – Le président Wade déclare: « « Et on nous dit maintenant, le Président de la Commission de l’Union africaine, hier, maintenant il faut créer une autre juridiction, fondée sur je ne sais quel principe, pour juger Hissène Habré. J’ai dit, arrêtez ! Là pour moi c’est fini. Je suis dessaisi. Je le remets à la disposition de l’Union africaine. »

24 mars 2011 – Le Sénégal et l’Union africaine annoncent un accord sur la création d’ « une Cour international ad hoc » pour juger Habré et conviennent de se réunir en avril pour finaliser les Statuts et règles de la Cour.

30 mai 2011 – Le Sénégal se retire de la réunion qui devait aboutir à la finalisation des Statuts et règles de la Cour.

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