Harubuntu : les lauréats 2013 célébrés


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Noëline Razanadrakoto, Yasmina El Alaoui, Juana Ventsohantaina Hellia, Florida Mukarubuga, Laurien Ntezimana et Valentin Achidi Agon, les lauréats de l’édition 2013 du prix Harubuntu, ont reçu leur distinction à Bruxelles ce vendredi.

Noëline Razanadrakoto, Yasmina El Alaoui, Juana Ventsohantaina Hellia, Florida Mukarubuga, Laurien Ntezimana et Valentin Achidi Agon sont les lauréats de la septième édition du Prix Harubuntu qui distingue les porteurs d’espoir et les créateurs de richesse africains. Ils ont été célébrés ce vendredi à Bruxelles, le siège de l’ONG belge qui co-organise le prix avec l’association des collectivités locales africaines, Cités et gouvernements locaux élus d’Afrique (CGLUA). L’année dernière, c’est Dakar qui avait accueillie la cérémonie de remise des prix dans le cadre du sommet Africités qui rassemble tous les trois ans les autorités locales du continent.

Noëline Razanadrakoto a remporté le prix dans la catégorie autorité locale. Présidente d’un conseil dont elle est la seule femme, l’élue malgache a réussi à briser un tabou avec l’exploitation des pierres qui permet à des femmes de la région du Haute Matsiatra , zone rurale du centre du pays, de gagner leur indépendance économique.« Ce n’est pas ma commune natale. Je m’y suis mariée, explique Noëline Razanadrakoto. Les femmes y sont plus nombreuses: elles représentent plus du tiers de la population. Elles attendaient tout de leur mari. J’ai regroupé les femmes en 2008 au sein d’une association et nous avons fait des pierres, un facteur de développement. Nous étions sept au départ et aujourd’hui nous sommes 630. Les pierres sont accessibles et constituent un don que la nature nous offre ». Pourtant, il a fallu en convaincre ses concitoyens. Une croyance malgache fait des pierres le refuge des esprits. Les retombées de leur exploitation sont multiples : multiplication des terres arables, désenclavement de la commune grâce au transport des pierres cassées et financement d’autres activités économiques et sociales. Une partie de l’argent, issu de la vente des pierres, sert à financer, par exemple, du microcrédit.

Faire appel à toutes les ressources disponibles

Laurien Ntezimana, qui travaille à la réconciliation de ses concitoyens dans un Rwanda qui panse encore ses plaies après le génocide de 1994, et Yasmina El Alaoui, à la tête d’une maison de quartier au Burkina Faso, ont tous deux été distingués dans la catégorie société civile.

A travers l’association Modeste et Innocent (AMI), « qui ne sont pas des adjectifs mais des noms propres » aiment à rappeler Laurien Ntezimana qui rend ainsi hommage à deux religieux avec lesquels il a travaillé. Objectif de son association créée en 2000 : « promouvoir l’humain dans la société rwandaise après le génocide des Tutsis en 1994 » grâce à un outil mis en place dans les années 80 dans le cadre de son troisième cycle de théologie. Au lieu de faire une thèse, il choisira de se soumettre à un « exercice de véracité » qui donnera corps à un concept baptisé « la bonne puissance ». Pour juger les auteurs présumés du génocide, le Rwanda s’est appuyé jusqu’en 2012 sur des tribunaux populaires baptisés « gacaca ». Ils produiront « deux groupes explosifs sur les collines », souligne Laurien Ntezimana. Les génocidaires, qui ont recouvré la liberté après avoir avoué leurs crimes, et les familles de leurs victimes ou des rescapés. A Huye, dans la province du Sud au Rwanda, «nous faisons un travail pour les aider à se re-connaître », explique Laurien Ntezimana. « Ainsi des rescapés œuvrent à la réhabilitation des prisonniers ». La démarche est possible grâce à des « animateurs de bonne puissance », des médiateurs qui recréent du lien entre victimes et bourreaux.

Au Burkina Faso, Yasmina El Alaoui, née en France et d’origine marocaine, crée également du lien grâce à la maison de quartier qu’elle a fondée en 2007 dans le secteur 19, dans la périphérie de la capitale burkinabè, Ouagadougou. Si la principale mission de la Maison des jeunes, des cultures et des associations (MJCA) est de faciliter l’accès à l’éducation des enfants, elle est également devenue au fil des ans un pont, aussi bien entre les générations que le Nord et le Sud. La MJCA accueille jeunes et vieux, mais aussi des bénévoles du Nord afin de déconstruire des préjugés qui perdurent. « Je travaille dans l’éducation de l’enfant, au développement et au changement de regard », résume Yasmina El Alaoui. « J’ai créé un espace qui est large, c’est une famille. Tout le monde est essentiel. Personne ne doit rester à l’écart dans le quartier ».

S’appuyer sur toutes les ressources disponibles, c’est la démarche de Valentin Achidi Agon, mais dans un autre domaine. Le Béninois, qui a réussi à produire plusieurs médicaments en s’appuyant sur les ressources pharmacologiques de son pays, s’est illustré dans la catégorie entrepreneuriat. Chercheur et universitaire, spécialisé dans le domaine de la santé, Valentin Achidi Agon a notamment mis au point avec ses équipes l’Api-Palu, un remède à base de plantes contre le paludisme. Il est commercialisé dans les pharmacies de son pays et dans de nombreux autres pays africains. « J’ose attaquer les maladies avec nos capitaux végétaux, l’or vert de l’Afrique. Quatre-vingt pour cent des médicaments, que l’on retrouve dans nos pharmacies, sont issus des plantes exploitées par les Occidentaux ». Si l’entrepreneur déplore le manque de soutien des autorités sanitaires de son pays et dénonce le poids écrasant de l’industrie pharmaceutique, il ne baisse pas pour autant les bras. Les jeunes, son deuxième cheval de bataille, sont ceux sur lesquels il mise en encourageant leurs différentes initiatives à travers sa Fondation « Le Destin de l’Afrique ».

Répondre aux besoins de chacun

Le jury a été également sensible à deux autres expériences. Florida Mukarubuga, à l’origine d’un projet qui permet de fabriquer des biocombustibles au Rwanda, et Juana Ventsohantaina Hellia, dont l’initiative contribue à aider les parents à Madagascar, ont été leurs coups de coeur. « Amakaramizero est un projet de femmes précaires », affirme Florida Mukarubuga. Aujourd’hui, au nombre de 77, elles collectent des déchets verts (épluchures de banane et de manioc notamment) pour produire une véritable alternative au charbon de bois en termes de coût économique et environnemental. « Notre combustible coûte 120 francs le kilo contre 160 à 220 francs rwandais pour le charbon. Par ailleurs, il brûle 1,5 fois plus que le charbon ». Une activité qui ne conduit pas ces mères de famille à choisir entre leur enfant et la nécessité de générer des revenus. Un constat qui est à l’origine de l’initiative Florida Mukarubuga. Une garderie est prévue sur leur lieu de travail.

Les enfants, c’est également la grande préoccupation de Juana Ventsohantaina Hellia. Pour les aider, la jeune assistance sociale s’intéresse aussi à leurs parents à travers un processus de soutien à la parentalité à Fonkontany, dans la région de l’Analamanga, à Madagascar. « Les causeries du matin avec les enfants », espace de libre expression à l’école, fournissent des informations qui permettront de conduire les « visites du soir » faites à leurs parents qui ont ainsi leur école. Quatre vingt-dix familles sont concernées par le projet encadré par Juana Ventsohantaina Hellia.

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