Guinée : journalistes en danger


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Thiernodjo Diallo « Bebel », le directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant guinéen La Vérité, a été libéré hier, après 24 heures de détention préventive illégale au cours desquelles nombre de ses collègues ont manifesté publiquement leur désapprobation. Cette semaine, le gouvernement a multiplié les actes d’intimidation en direction de la presse. Il a aussi annoncé officiellement qu’il recourrait à la répression si elle se faisait l’écho des rumeurs sur la mort du chef de l’Etat, Lansa Conté.

Notre correspondant en Guinée

Accusé de diffamation à l’encontre du Premier ministre Ahmed Tidjane Souaré, le directeur de publication de l’hebdomadaire du jeudi, La vérité, a été interpellé le jeudi 18 décembre par la direction des libertés publiques au ministère de l’Administration du Territoire et des Affaires politiques. Par la suite, l’affaire Thiernodjo Diallo « Bebel » a été transférée à la direction de surveillance du territoire (DST). Dans la même journée, Bebel a été déféré et mis à la disposition de la police judiciaire (DPJ) il a passé la nuit, malgré les protestations de ses avocats. Parmi eux, MM Abass Bangoura et Bérété. Déjà, cette nuit-là, des confrères sont venus manifester leur sympathie à l’égard de celui qui était désormais surnommé à Conakry « le détenu » personnel du Premier ministre.

Le lendemain, une trentaine de journalistes de la presse publique et privée ont marché du siège de l’Association guinéenne des éditeurs de la presse indépendante (AGEPI) à la présidence de la République, en passant par la direction de la police judiciaire où ils ont protesté contre la détention préventive illégale de leur confrère et réclamé sa libération. A la présidence de la République, les journalistes ont été bloqués, comme à l’accoutumée, par la garde présidentielle. Qu’à cela ne tienne, les manifestants sont restés en sit-in devant la présidence avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire :  » Libérez Bebel! »,  » Vive la liberté de la presse!… » Soudain, Maître Abass Bangoura est arrivé à bord d’une voiture rutilante en compagnie de son client, Bebel. « Il est libre ! », s’est exlamé l’avocat. « Le procureur dit que la procédure a été violée en forme », a-t-il ajouté en substance. Pour sa part, Bebel, visiblement ému par la sympathie et la mobilisation de ses confrères, a remercié tous ceux et toutes celles qui se sont battus pour le triomphe du droit.

Multiplication des arrestations et intimidations

Mais ce n’est pas tout. Un autre journaliste, le rédacteur en chef de La vérité a failli être arrêté publiquement par un ministre de la République. Depuis, il est recherché par la police.

Auparavant, le lundi 15 décembre, un groupe de militaires a investi les locaux du siège de l’hebdomadaire L’Observateur. A l’origine de cette descente, la publication d’un article intitulé : « Le fils du général Kerfalla Camara disparaît avec cent mille euros ». Pour rappel, feu le général Kerfalla est celui qui a dirigé l’Etat de siège pendant la grève sanglante de janvier 2007 – il était alors chef d’Etat major général des armées. N’eut été l’intervention prompte d’un voisin bien connu, les locaux de l’hebdo du lundi auraient été mis à sac.

Le lendemain, mardi 16 décembre, c’est le journal Les échos de Guinée qui a été retiré du circuit de vente et déchiré par un groupe de militaires. Ce journal avait publié un article intitulé « Coplan rate sa chance’ ». Coplan, est ce jeune soldat qui s’est signalé à l’opinion publique à la faveur de la dernière mutinerie des militaires pendant laquelle il a fait des déclarations fracassantes.
D’autre part, Souleymane Diallo, l’administrateur général du groupe de presse Le lynx-La lance a fait, mercredi, l’objet d’une convocation à la présidence de la République pour avoir publié à la une de La lance une photo relativement récente du chef de l’Etat, amaigri par le diabète et la leucémie.

Le gouvernement opte pour la répression

A propos des rumeurs sur la mort du chef de l’Etat, le gouvernement opte pour la répression. Suite au dernier Conseil des ministres, le 18 décembre, il a été annoncé dans un communiqué que « tout organe officiel ou privé d’information qui se ferait l’écho de ces rumeurs tendancieuses et séditieuses sera poursuivi conformément aux lois et règlement en vigueur ». Un communiqué qui menace également de fermer les compagnies de téléphonie mobile: « Toute compagnie de téléphonie mobile qui permettrait également que son service SMS soit utilisé à des fins de déstabilisation de l’Etat et des Institutions du pays se verra sa licence suspendue, voire définitivement retirée », stipule-t-il.

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