
Dans un rapport accablant publié en octobre 2025, Amnesty International met en lumière les conditions de travail précaires imposées aux employés et planteurs de la société d’État Soguipah, accusée d’exploiter des communautés rurales dans le sud du pays. Malgré les protestations et les alertes répétées, le gouvernement guinéen reste inerte.
La Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéa (Soguipah), créée dans les années 1980 pour dynamiser la production d’huile de palme et de caoutchouc, est aujourd’hui au cœur d’un scandale social. D’après le rapport d’Amnesty International, les communautés locales se voient privées de leurs terres et contraintes de travailler pour l’entreprise afin de survivre.
« Nous n’avons plus où cultiver, donc nous sommes obligés de travailler pour la Soguipah », témoigne l’un des habitants interrogés. Ce témoignage résume la situation de centaines de familles de la région de Diécké, dans la préfecture de Yomou, qui dépendent désormais économiquement d’un système quasi féodal.
Des abus connus, mais tolérés par l’État
Depuis 2019, les travailleurs de la Soguipah multiplient les grèves et manifestations, à Diécké comme à Conakry. Les syndicats ont déposé plusieurs préavis, le dernier datant de janvier 2025, sans qu’aucune mesure concrète ne soit prise.
Pire, les autorités auraient instauré un climat de peur pour réduire au silence les contestataires. Une cadre aurait été licenciée en 2024 pour avoir dénoncé les conditions de travail des femmes. D’autres témoignages évoquent des sanctions arbitraires : « Si j’écris aujourd’hui contre la Soguipah sur ma page Facebook, je serai puni demain », confie un employé.
« Les autorités de transition doivent tenir leurs promesses répétées de protéger les droits économiques et sociaux de tous dans le pays, y compris le droit à un salaire juste et équitable », déclare Fabien Offner, chercheur senior à Amnesty International.
L’organisation rappelle que la Guinée a ratifié plusieurs instruments internationaux, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et neuf conventions fondamentales de l’OIT. Ces engagements obligent l’État à garantir la dignité et la protection de ses travailleurs.
Un silence inquiétant des autorités et de la direction
Amnesty indique avoir transmis ses conclusions dès le 3 octobre 2025 aux autorités guinéennes et à la direction de la Soguipah pour leur permettre de réagir. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue. Pour l’ONG, cette absence de réaction symbolise « l’indifférence persistante » des pouvoirs publics face aux violations de droits humains commises par une entreprise publique censée incarner le développement.
Alors que le pays s’engage dans une transition politique encore fragile, Amnesty appelle à faire du respect des droits économiques et sociaux une priorité nationale. Les travailleurs de la Soguipah, eux, continuent d’attendre une justice sociale élémentaire : le droit de travailler sans peur et dans des conditions dignes.