Grève des boulangers, les Sénégalais dans la tourmente


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Ngagne Guèye, boulanger (13 nov 21)
Ngagne Guèye, boulanger

Le mouvement d’humeur déclenché par les boulangers du Sénégal a fini de plonger les populations de ce pays d’Afrique de l’Ouest dans la tourmente. Depuis le mardi 9 novembre, en effet, la baguette se fait rare et les files d’attente sont longues devant les rares boulangeries qui n’ont pas suivi cette grève.

Déclenchée depuis le mardi 9 novembre pour 72 heures renouvelables, la grève des boulangers du Sénégal pèse lourd sur les populations. A l’origine, la volonté des boulangers d’augmenter le prix du pain, qui a rencontré le refus catégorique de l’Etat sénégalais. Pour les travailleurs du pain, le prix de la baguette de 150 FCFA doit grimper à 200 FCFA. Mais l’Etat dit niet. Et c’est le début d’un bras de fer déclenché mardi.

Depuis cette date, pour trouver un bout de baguette à se mettre sous la dent, c’est la croix et la bannière. Devant les boulangeries, c’est le calme plat, avec différentes affiches pour expliquer la situation : « Grève », « No pain ». Dans la Capitale du Rail, Thiès, un boulanger refuse de suivre ce mouvement d’humeur, son nom, Ngagne Guèye, qui dirige la boulangerie Serigne Sam Mbaye de Randoulène.

Devant son établissement, un monde fou. Femme, hommes, jeunes, vieux, tout le monde attend la sortie des pains de ses fours qui tournent à plein régime. « Je ne vends que la matinée, pour permettre aux enfants qui vont à l’école de pouvoir manger avant de sortir de chez eux. Comme tout le monde le sait, ici, les enfants ne connaissent que le pain comme petit déjeuner », nous confie Ngagne Guèye, qui est… au four et au moulin.

Il nous quitte pour aller à l’intérieur et donner quelques instructions, dans la livraison. Pendant que nous patientions, c’est l’angoisse devant la boulangerie et la tension monte légèrement. Ventre affamé… « Hé, je suis là avant toi, donc tu dois passer derrière moi », lance une cliente à une autre qui tentait de griller le rang formé pour accéder au dépôt de pain. C’était sans compter avec la vigilance des uns et des autres.

« Je suis là depuis plus d’heure. A peine, tu arrives et tu veux passer devant », poursuit la dame. La contrevenante acquiesce et se range derrière. Cette affaire est close, mais une autre est ouverte à quelque 3 mètres. « Nous ne vendons pas plus de cinq baguettes à la fois », lance le vendeur de pain, dans son dépôt de 2 sur 3 mètres, où les clients accèdent un par un, sous le regard vigilant d’un préposé à la sécurité.

Le client insiste, mais rien n’y fit, il sortira avec les cinq baguettes de pain. S’il souhaite en avoir plus, il lui faudra refaire la queue, espérant que le temps le lui permette, la production de baguettes aussi. « Je n’ai pas assez de pain pour honorer toutes mes commandes. Vous voyez les voitures garées, elles attendent le pain qu’elles doivent aller livrer à certains de mes clients habituels et qui se trouvent à des zones très reculées », lance Ngagne Guèye qui venait de nous rejoindre.

A la question de savoir pourquoi il n’a pas suivi le mouvement de grève de ses collègues boulangers, il répond sans hésiter : « imaginez tous les médecins en grève et que quelqu’un a un enfant gravement malade ou blessé ! Il y a un service minimum dans tout. Il doit y avoir un aspect humain à prendre en compte dans toute initiative. Chaque personne qui se met à la place de ce parent dont l’enfant est malade, saura quoi faire en face d’une situation de crise », poursuit-il.

Pour lui, il ne s’agit pas de gain, mais de la prise en compte de certains aspects, notamment humains. « Vous avez vu tout ce qu’il y a ici comme voitures, elles livrent toutes du pain, pour soulager certaines populations. Lorsque leur tour viendra, je leur livre leurs baguettes, et les clients qui sont ici attendront le prochain tour. Si je ne cherchais que le gain, j’allais privilégier les clients sur place qui paient la baguette plus cher que les vendeurs à qui ces voitures livrent le pain », conclut l’homme au teint noir, debout sur 1,83m.

Le premier mot d’ordre de grève des boulangers étant arrivé à terme, le jeudi 11 novembre, il a été reconduit, faute d’accord entre l’Etat sénégalais et l’association des boulangers. Ce vendredi encore, les abords des boulangeries sont vides. Ngagne Guèye a, lui, poursuivi son service minimum, pendant que le bras de fer se poursuit. Les populations espèrent une issue heureuse afin de facilement disposer de la baguette, comme à la belle époque.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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