Ghana : décès de Nana Konadu Agyeman Rawlings, figure historique du militantisme féminin


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Nana Konadu Agyeman Rawlings, ex-Première dame du Ghana
Nana Konadu Agyeman Rawlings, ex-Première dame du Ghana

Ancienne Première dame et pionnière de l’engagement politique des femmes au Ghana, Nana Konadu Agyeman Rawlings est décédée à l’âge de 77 ans. Son parcours, à la croisée de la politique, du social et du féminisme africain, laisse une empreinte durable dans la mémoire nationale.

Presque cinq ans après le décès de son charismatique époux, Jerry John Rawlings, c’est au tour de Nana Konadu Agyeman de tirer sa révérence.

Une disparition qui émeut tout un pays

Le Ghana est en deuil. L’ancienne Première dame, Nana Konadu Agyeman Rawlings, s’est éteinte dans la nuit du 22 au 23 octobre 2025 à l’hôpital Ridge d’Accra, des suites d’une courte maladie. L’annonce de sa disparition a été faite par la Présidence ghanéenne dans un communiqué publié sur sa page X (ex-Twitter), exprimant son « profond regret » et sa « profonde tristesse ».

Née le 17 novembre 1948 à Cape Coast, l’ex-première dame laisse derrière elle quatre enfants – Zanetor, Yaa Asantewaa, Amina et Kimathi Rawlings – ainsi qu’un héritage politique et social considérable. De nombreuses figures politiques du pays ont salué la mémoire d’une femme « courageuse, déterminée et profondément dévouée à la cause des femmes ».

Première dame d’une ère de transition et pionnière du mouvement féminin ghanéen

Épouse du défunt Président Jerry John Rawlings, Nana Konadu Agyeman Rawlings a été Première dame à deux reprises : brièvement en 1979, puis de décembre 1981 à janvier 2001. Ces deux décennies marquées par les transitions politiques successives du Ghana ont vu l’ascension d’une femme d’influence, à la fois partenaire politique et actrice sociale.

Issue de la noblesse ashantie de Kumasi, Nana Konadu Agyeman Rawlings a grandi dans un environnement privilégié, axé sur la rigueur et l’éducation. Diplômée du célèbre collège d’Achimota, elle y rencontre Jerry John Rawlings, alors jeune officier de l’armée de l’air.

Si le destin politique de son mari a façonné son parcours, Nana Konadu a su s’imposer comme une personnalité indépendante, au cœur des luttes sociales. En 1982, elle fonde le Mouvement des femmes du 31 décembre, une organisation phare destinée à promouvoir l’autonomisation économique des femmes, la création d’entreprises locales et la défense des droits des filles.

Sous son impulsion, des milliers de femmes ghanéennes ont accédé à des formations, à l’éducation et à des activités génératrices de revenus. Elle s’est également illustrée par ses prises de position contre les mariages précoces et les mutilations génitales féminines, faisant du Ghana l’un des pays pionniers en matière de législation protectrice des droits des femmes en Afrique de l’Ouest.

Une femme politique à part entière

Au-delà de son rôle d’épouse et de militante, Nana Konadu Agyeman Rawlings a franchi une étape historique en 2016 en devenant la première femme candidate à l’élection présidentielle du Ghana. En rupture avec la direction du Congrès national démocratique (NDC), le parti fondé par son mari, elle crée sa propre formation politique : le Parti national démocratique (NDP). Malgré un score modeste, sa candidature a marqué une étape symbolique dans l’histoire politique du pays, ouvrant la voie à une participation féminine plus active dans les hautes sphères du pouvoir.

Selon des sources proches de la Présidence ghanéenne, un hommage national est en préparation pour honorer la mémoire de l’ancienne Première dame. Les drapeaux ont été mis en berne sur plusieurs bâtiments publics à Accra et à Kumasi. Des milliers de messages affluent sur les réseaux sociaux, saluant celle que beaucoup décrivent comme « une mère de la nation ».

Nana Konadu Agyeman Rawlings s’en va, mais son combat pour la dignité et l’autonomie des femmes ghanéennes reste vivant. Une page se tourne, mais l’histoire retient celle d’une femme d’État dont le courage a transcendé son rôle d’épouse pour s’imposer comme une voix majeure du Ghana moderne.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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