Génocide des Tutsis : la France devant le tribunal administratif pour complicité


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Crédit : 123RF

Le tribunal administratif de Paris examine une requête inédite de rescapés du génocide rwandais, accusant la France de complicité dans cette tragédie.

La question de la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 est à nouveau sur le devant de la scène. Le 24 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a examiné pour la première fois une requête déposée par des rescapés du génocide et deux associations, qui accusent l’État français de « complicité de fait » dans cette tragédie. Une audience inédite qui marque un tournant dans la quête de reconnaissance et de justice pour les victimes, après plusieurs procédures pénales infructueuses.

Une requête pour une reconnaissance des « fautes systémiques »

Les plaignants, composés d’une vingtaine de survivants et de deux associations, Rwandais Avenir et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), ont saisi le tribunal administratif pour faire reconnaître la « faute systémique » de la France dans le soutien pris. aux responsables du génocide. Leurs avocats dénoncent une série de décisions de l’État français, qu’ils jugent illégalement, comme le maintien de l’accord d’assistance militaire avec le régime rwandais de l’époque et les défaillances des interventions françaises, notamment l’opération Turquoise.

L’un des principaux obstacles pour les recours est le statut d’« actes de gouvernement » éventuel par l’administration française, argument selon lequel les décisions incriminées relèveraient de la souveraineté de l’État et ne pourraient être contestées en justice. Selon le ministère des Armées, cette immunité est justifiée par des questions de diplomatie et de sécurité intérieure et extérieure. Pourtant, les plaignants et leurs avocats soutiennent que de tels actes, s’ils s’avèrent complices de génocide, devraient dépasser le cadre habituel des actes de gouvernement.

Les accusations contre l’État français

Les reproches formulés à la France reposent sur plusieurs éléments clés. D’abord, la signature d’un traité d’assistance militaire en 1975, est restée active même lorsque le gouvernement rwandais basculait dans une politique de haine contre la minorité tutsie. Ensuite, des manquements spécifiques lors de l’opération Turquoise, durant laquelle les forces françaises sont accusées d’avoir sciemment laissé des civils tutsis en danger dans les collines de Bisesero, où des massacres ont été perpétrés entre le 27 et le 30 juin 1994.

Les victimes et les associations plaignantes réclament des compensations financières conséquentes, estimées à 33 millions d’euros par personne physique et 21 millions par association, pour un total de 500 millions d’euros. Cette requête met en lumière la volonté des survivants et de leurs soutiens de voir enfin l’État français prendre ses responsabilités pour son implication supposée dans l’horreur du génocide des Tutsis. La décision du tribunal administratif, attendue le 14 novembre 2024, pourrait non seulement déboucher sur des réparations, mais aussi constituer un précédent important pour la reconnaissance des responsabilités internationales dans les génocides.

Un tournant judiciaire et politique pour la France

Cette affaire s’appuie également sur les conclusions du rapport de la commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert, qui a souligné les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans cette tragédie. Bien que les procès pénaux précédents portent sur des non-lieux, les parties civiles gardent espoir que la justice administrative puisse enfin ouvrir une brèche dans le mur de l’impunité.

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