Gbagbo hors-jeu : qu’en pensent les Burkinabè ?


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M. Zougri

Accusés d’être la base arrière des rebelles ivoiriens, les Burkinabè, dans leur majorité, ont dansé à la chute de Laurent Gbagbo, l’ancien président de la Côte d’Ivoire. Désormais soulagés par la chute de celui qu’ils considéraient comme « leur ennemi », ils réclament justice pour les leurs, victimes d’exactions pendant le règne Gbagbo.

De notre correspondant

CompaoreBlaise-confpresse.jpgLes Burkinabè sont à la fête. « C’est dommage qu’on ait perdu du temps, qu’on soit allé dans des affrontements », a commenté, lundi, Blaise Compaoré, d’un air enjoué, à propos de la chute de Laurent Gbagbo. Si l’ancien facilitateur de la crise ivoirienne, devenu persona non grata par la suite, s’est gardé de tout triomphalisme, ce n’est pas le cas chez la plupart de ses concitoyens. Jamais dénouement politico-militaire dans un pays voisin n’aura autant tenu les Burkinabè en haleine. Rivés sur les écrans de télévision et de leurs ordinateurs ou les oreilles collées au poste récepteur des radios, les Burkinabè n’ont rien voulu perdre des dernières heures de Laurent Gbagbo comme Président de la Côte d’Ivoire.

C. Tamoanga« Je suis très heureux. Gbagbo a fait souffrir les Ivoiriens pendant ces 4 derniers mois, et nous en avons indirectement souffert ici », confie Clément Tomoanga. « Je me sens soulagée. Avec la crise électorale j’étais angoissée et m’inquiétais pour mes parents restés à Abidjan. J’espère que tout va rentrer dans l’ordre maintenant », souhaite Marie-Jeanne Zambi, une étudiante. Bien qu’heureux de la fin de Gbagbo, d’autres par contre demeurent prudents, craignant un dernier spasme sanguinaire des milices de l’ancien président ivoirien. « Il faut avoir le triomphe modeste parce que même arrêté Gbagbo est capable de rebondir », tempère pour sa part Touwendenda Zongo, un journaliste. « Je ne suis pas tout à fait tranquille parce que les miliciens de Gbagbo sont toujours dans la nature. C’est très inquiétant », s’alarme Mahamadi Zougri.

Débat autour de l’intervention française

MJ. ZambiS’ils saluent unanimement la chute de Gbagbo, la méthode employée pour le déposer oppose les Burkinabè. «L’action de l’ONUCI et des forces Licornes, n’est rein d’autre qu’un remake de la colonisation », commente Touwendenda Zongo. « En tant que panafricaniste, je pense que ce n’est pas ainsi qu’on devrait gérer les crises en Afrique après 50 ans d’indépendance. Cette implication grossière de la France dans la chute de Gbagbo me frustre. C’est une honte » condamne-t-il.

T. ZongoMais pour le Président de l’association le Tocsin ( association de défense des droits des Burkinabè de l’étranger), l’universitaire Albert Ouédraogo, il ne s’agit là que de discours « d’arrière-gardistes ». « Je ne m’inscris pas dans ce type de discours qui consiste à ressasser de vieux clichés autour des années 1960. Le monde a changé et je refuse que les mêmes, qui aujourd’hui roulent en Mercedes, prennent des avions, se refusent de vouloir que sur le plan démocratique les choses évoluent. Il est moralement inacceptable de vouloir justifier les agissements inqualifiables du perdant Laurent Gbagbo, au nom d’une quelconque souveraineté africaine » assène-t-il, tout en se félicitant du rôle joué par la communauté internationale.

M. ZougriAvec l’arrivée d’Alassane Dramane Ouattara au pouvoir, s’ouvre un nouveau chapitre des relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Et ses premières pages pourraient s’écrire avec le nom de Laurent Gbagbo. L’organisation dirigée par l’universitaire burkinabè entend se constituer partie civile dans un procès contre Laurent Gbagbo et ses complices. « Le fait d’arrêter Gbagbo sain et sauf est un grand espoir pour les défenseurs des droits humains. Il faut que Gbagbo réponde de ses actes devant la justice ivoirienne ou internationale parce que beaucoup de ses crimes sont passibles du tribunal pénal international», a-t-il déclaré. Une justice que l’ancien président aura bien du mal à esquiver. Alassane Ouattara a annoncé hier soir le prochain lancement d’une « procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, son épouse » et ses collaborateurs.

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