Gavin Hood : « Le langage de l’émotion est universel »


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Deux films et un Oscar. C’est en ces termes que pourrait se résumer (pour l’instant) la jeune carrière cinématographique du réalisateur sud-africain, Gavin Hood. Mon nom est Tsotsi, Oscar 2006 du meilleur film étranger, est l’expression du talent de ce cinéaste pour qui le cinéma peut servir à rapprocher les hommes.

Gavin Hood, 43 ans, est avocat de formation. Après s’être essayé, non sans succès, au métier d’acteur, il a choisi la réalisation et l’écriture. C’est d’ailleurs pour se former dans ces domaines qu’il quitte, en 1989, son pays pour y revenir dans les années 90. Il réalisera notamment, à son retour, des films de sensibilisation dans le cadre de la lutte contre le sida, un fléau dans son pays. Après A reasonnable man, Mon nom est Tsotsi, l’histoire d’un jeune voyou noir de 19 ans, qui trouve le chemin de la rédemption grâce à un nourrisson, est son deuxième long métrage. Après plusieurs tentatives infructueuses, Tsotsi, l’unique roman du prolifique auteur de théâtre sud-africain Athol Fugard, est enfin porté à l’écran, en 2005. Rien de moins qu’un Oscar récompensera ce qui a représenté, pour Gavin Hood, un défi personnel.

Afrik.com : Mon nom est Tsotsi est votre deuxième long métrage. Qu’avez-vous ressenti en recevant l’Oscar 2006 du meilleur film étranger ?

Gavin Hood :
Cela a été un grand choc (rires). Et, à dire vrai, un grand soulagement parce que vous êtes tenus en haleine pendant des mois, durant lesquels les espoirs de tout un chacun – les investisseurs, les distributeurs – vont en s’accroissant. Vous êtes allés tellement loin que tout le monde espère que vous allez remporter l’Oscar. Et vous, en tant que réalisateur, vous vous dites : « Oh mon Dieu ! Peut-être que tout le monde va être déçu ! ». Quand c’est fait, vous pensez à la joie que doive ressentir tous ceux qui se sont investis dans le projet. Tous ont pris un gros risque, surtout sur ce film où il n’y avait pas stars de cinéma. Je suis très heureux pour toutes les personnes qui y ont cru. Pour être honnête, quand on n’a pas de stars, l’Oscar est très utile d’un point de vue commercial.

Afrik.com : Vous vous êtes beaucoup battu pour réaliser vous-même ce film parce que vous teniez à préserver toute sa vérité…

Gavin Hood :
Beaucoup d’histoires relatives à l’Afrique du Sud ont été racontées en utilisant des acteurs célèbres. Certains d’entre eux sont de très bons acteurs, mais il y a toujours quelque chose qui manque quand on se met du côté du public. De mon point de vue, il doit se perdre dans l’histoire. Quand il est trop conscient de la célébrité des acteurs, il arrive difficilement à rentrer dans l’intrigue. Pour lui, ce n’est que du cinéma. Mon nom est Tsotsi est une œuvre particulière, une histoire de rédemption, qui requiert que l’on soit absorbé par elle, emporté dans un autre monde, un monde réel.

Afrik.com : La démarche revêt une dimension culturelle aussi. Vous êtes Sud-Africain, vous savez donc de quoi vous parlez….

Gavin Hood :
Oui et je pense que c’est émotionnellement plus honnête quand l’histoire est racontée par de jeunes acteurs qui la ressentent. J’ai été chanceux de trouver Presley (Chweneyagae), vraiment très chanceux. Il nous fallait un très bon acteur pour incarner Tsotsi. Les gens me demandent souvent si je l’ai déniché, par hasard, au détour d’une rue. Ce n’est pas le cas, c’est une jeune personne, totalement dévouée à sa carrière, qui joue depuis l’adolescence. Sa palette émotionnelle est très large. J’ai été enchanté qu’il m’ait demandé d’auditionner pour Tsotsi alors qui s’était déjà montré excellent dans le rôle du « Boucher » (le sanguinaire comparse de Tsotsi, ndlr) pour lequel il s’était présenté.

Afrik.com : Que pensez-vous de l’industrie du cinéma en Afrique du Sud ? Selon vous, son succès actuel ici tient-il du fait que l’Occident s’y intéresse ou c’est tout simplement parce que le cinéma sud-africain se fait connaître ?

Gavin Hood :
C’est une bonne question. D’ailleurs, c’est peut-être vous, vivant en France, qui avez la bonne réponse à cette question. Je pense que quand une histoire est bien racontée, peu importe d’où elle vient parce que le langage de l’émotion est universel. Nous parlons tellement de ce qui nous différencie les uns des autres que nous en oublions d’évoquer ce qui nous rapproche. Les réponses émotionnelles aux évènements en font partie. Par exemple, si vous perdez un être cher et qu’il m’arrive la même chose, peu importe que je sois Blanc, vous Noir, Sud-Africain ou Français, la douleur est la même. Nos langues, nos cultures, nos religions, toutes ses choses que nous pensons si importantes, ne sont en réalité que des vêtements qui couvrent l’essentiel de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains. Cependant, il est certain que l’Afrique du Sud produit plus de films qu’auparavant. Nous ne sommes pas près de disposer d’une industrie aussi importante que celle que connaît la France, mais nous sommes incontestablement dans la bonne direction.

Afrik.com : Faire un bon film, c’est aussi une question de moyens…

Gavin Hood :
Indubitablement. Pour Tsotsi, je suis très reconnaissant à Peter Fudakowski et aux autres investisseurs qui viennent pour moitié d’Afrique du Sud et de l’autre d’Angleterre. Ce sont dans leur quasi-totalité des fonds privés. Je leur suis reconnaissant parce qu’ils nous ont donné les moyens nécessaires pour faire de ce film une œuvre de qualité.

Afrik.com : Vous avez dit dans l’une de vos interviews qu’un film était aussi un moyen de faire découvrir un pays ?

Gavin Hood :
Je ne m’en souviens plus vraiment… Une chose est certaine, un film ne peut pas tout dire sur un pays bien que je me sois imposé cette pression. C’est la raison pour laquelle, j’espère que nous ferons de plus en plus de films pour parler de l’Afrique du Sud.

Afrik.com : Pensez-vous que le cinéma sud-africain ait une particularité, notamment du fait de l’histoire du pays ?

Gavin Hood :
Evidemment. Néanmoins, ce qui est excitant, aujourd’hui, c’est que l’Afrique du Sud est désormais capable d’explorer d’autres problématiques. Il y a tant de choses à dire.

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