France : l’immigration  »d’hospitalité » appartient à l’Histoire


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La période coloniale n’est pas finie. Si certains – les plus optimistes ou les plus lâches- ont pu penser durant des années que la page de l’histoire coloniale avait été tournée, ils ont été vite en besogne. Balayer ce sombre chapitre de l’Histoire d’un coup de baguette diplomatique relève de la fantaisie.

Par Joan Tilouine

La période coloniale n’est pas finie. Si certains – les plus optimistes ou les plus lâches- ont pu penser durant des années que la page de l’histoire coloniale avait été tournée, ils ont été vite en besogne. Balayer ce sombre chapitre de l’Histoire d’un coup de baguette diplomatique relève de la fantaisie. Les tristes vicissitudes restent gravées dans les mémoires à jamais. Inutile de faire semblant, pis encore de se déculpabiliser en forçant la main de l’Histoire. Car il faudrait laisser le temps au temps. A l’époque du tout instantané, de l’immédiateté, on a une fâcheuse tendance à négliger, voire même délaisser, le travail des historiens et l’éclairage qu’ils pourraient nous apporter pour la compréhension de ce tumultueux et parfois opaque passé.

Le débat est relancé dans les ex-métropoles coloniales, la France en tête. Curieusement, ces palabres pseudo-intellectuelles ne prétendent pas approcher la vérité historique, mais tendent plutôt à mettre au point une stratégie détournée visant à faire illusion. L’écran de fumée ne résistera pas au souffle des chercheurs de vérité et de sens.

Or, face au mal-être de la conscience publique gauloise, et aux revendications véhémentes d’une partie des Français, le débat a glissé, en pente raide, vers la sphère politique, qui prend un plaisir infime à l’instrumentaliser. Désormais, ce sont les hommes politiques français qui détiennent les rênes du dossier post-colonial, mettant ainsi la main sur le futur de l’Histoire. Et ça, la star politique du moment, Nicolas Sarkozy -vous l’aviez deviné- l’a bien compris et entend bien en tirer profit. Les élections présidentielles approchent à pas de géant et le ministre français de l’Intérieur les prépare avec zèle. Le marketing se substitue à la politique, les intérêts aux idées.

Après l’adoption de la loi du 10 mai, reconnaissant -enfin- la Traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, c’est la loi sur -enfin, plutôt contre- l’immigration initiée par Sarkozy qui cristallise la plus vive attention. Rappel lexical: lorsque la France évoque l’immigration, implicitement c’est vers l’Afrique qu’elle se tourne, le plus souvent avec un regard noir.

Parallèlement à cet élan humaniste sur l’esclavage, le rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) révèle une inquiétante montée du racisme en France. Un Français sur trois se déclare raciste. Triste bilan pour la République. « Liberté Egalité Fraternité » relève de l’utopie pour la France d’aujourd’hui, quant aux étrangers, ils en ont vaguement entendu parlé. Flou démocratique. Comme à chaque période de crise socio-économique, les étrangers et les immigrés sont les premiers à trinquer. Plus de deux millions de chômeurs, deux millions d’immigrés. L’équation semble simpliste, mais pourtant elle est validée par les caciques du Gouvernement qui, au sujet de la politique africaine de la France, entament un virage à 180°.

Fini le paternalisme chiraquien tout droit hérité de la tradition du Général de Gaulle. Sarkozy brise la chaîne et se pose en chantre d’une nouvelle génération politique qui, peu sensible à l’historique  »amitié » franco-africaine, souhaite mettre un terme aux « phantasmes et mythes ». Jusque-là prudent sur les dossiers africains, qu’il maîtrise peu d’ailleurs, voilà que Nicolas Sarkozy nous sort de son chapeau sa loi sur l’immigration non plus « subie » mais « choisie ». Grosso modo, il entend puiser sur le continent africain la main d’œuvre dont la France a besoin, si possible intelligente, diplômée, civilisée, et avec un petit pécule sur son compte en banque. A contrario, cette loi ouvre la chasse aux immigrés clandestins et permet le non renouvellement des cartes de séjour de ceux dont le savoir-faire n’est pas recherché. La fatwa contre l’immigration est prononcée. Alors que les capitaux et marchandises eux, peuvent musarder à volonté à travers les frontières, l’Africain doit convenir aux exigences sélectives de la douce France pour espérer y frôler son sol. L’immigré academy entame sa première session. Le Prix : la carte « compétences et talents  » de trois ans, renouvelables pour les étudiants. Pour les autres migrants, trois cartes de séjours sont créées: « salarié », « temporaire », et « saisonnier ». La claque fait mal, et laisse un goût amer de post-colonialisme. On sélectionne en toute impunité ceux « qui ont les meilleures dents pour les faire venir en occident » (Alpha Blondy).

La rhétorique française à l’égard de l’Afrique a changé. La « nouvelle politique africaine » de Nicolas Sarkozy ne s’embarrasse plus de politesses et autres fioritures d’antan. Il entend bien incarner la « rupture » annoncée avec ses prédécesseurs, mettant un terme à la politique de faveur à l’égard des ex-colonies. L’immigration est un sujet sensible qui tracasse les Français, dont une partie s’inquiète de voir la France tachée. L’immigration  »d’hospitalité » appartient à l’Histoire, la France se dégage de ses responsabilités. La nouvelle génération politique française a la mémoire -volontairement?- courte. Autant à gauche qu’à droite, l’Afrique ne fait plus partie de la culture politique de ces jeunes pousses.

Loin de fasciner, l’imbroglio africain effraie. La citadelle française renforce ses remparts. Le colonialisme change de visage, mais les victimes restent les mêmes.

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