France : John Maina choisit la mort à un retour forcé pour le Kenya


Lecture 4 min.
John Maina
John Maina

John Maina, 19 ans, s’est suicidé le 15 février dernier après avoir été débouté du droit d’asile en France. Dans une lettre, il explique avoir préféré cette solution ultime plutôt que retourner dans son pays. Des associations dénoncent, à travers son cas tragique, la dégradation des conditions de traitement des demandes d’asile, entre précipitation et manque d’homogénéité.

« Vous savez, c’est un garçon qui avait vraiment des problèmes, cela se voyait qu’il avait été torturé, qu’il avait souffert. C’est pour cela qu’il faisait du sport tous les jours, qu’il multipliait les compétitions, il ne voulait pas se retrouver seul dans sa chambre et se retourner sur son passé ». Saddok Guitoun, porte-parole du Collectif des sans-papiers des Hauts-de-Seine, qui s’exprime ainsi, parle de John Maina. Un jeune kenyan âgé de19 ans qui s’est pendu le 15 février dernier, à Meudon, dans un appartement où il était logé par l’association France Terre d’asile, quelques heures après avoir reçu une lettre indiquant le rejet définitif de sa demande d’asile en France.

Il avait sollicité le soutien du Collectif départemental en avril 2006, deux ans après avoir quitté son pays. Il s’était présenté comme un ancien membre des Mungikis, qu’il fuyait, et se disait menacé non seulement par cette entité, située entre la secte et la milice, mais également par la police kenyane, qui la pourchasse depuis quelques années avec droit de tirer à vue. Seulement, la certitude de Saddok Guittoun concernant la bonne foi du jeune coureur de demi-fond, inscrit dans un club du XVIIIe arrondissement de Paris, n’a pas été partagée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), qui l’a débouté du droit d’asile le 6 juillet 2007, ni par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA, ex-Commission de recours des réfugiés), auprès de laquelle il avait fait un recours.

Pas d’« intime conviction »

C’est ce que le président de la CNDA a expliqué au porte-parole du CSP 92, qu’il a reçu mercredi dernier avec Me Nathalie Ferré, président du Gisti (Groupe de soutien et d’information des immigrés) et une représentante de la Fédération syndicale unitaire (FSU). Les trois hôtes étaient venus réclamer un statut de réfugié « à titre posthume » pour le jeune kenyan, en l’honneur duquel un rassemblement d’une centaine de personnes avait eu lieu quelques minutes plus tôt.

Mais le président a répété que la cour de justice n’a fait que son travail. Elle n’a pas eu l’« intime conviction », le 21 janvier 2008, après l’avoir interrogé et écouté, que John Maina serait menacé dans sa vie s’il retournait dans son pays. Comme le sien, de nombreux autres dossiers sont parfois rejetés, pour des raisons qui échappent à leurs défenseurs.

« Une procédure aléatoire »

C’est ce flou qu’a dénoncé Nathalie Ferré, également maître de conférence à l’université de Paris VIII, en expliquant mercredi « combien la procédure est aléatoire et non respectueuse des droits des demandeurs d’asile ». Marianne Lagrue, présidente de l’association ELENA (Association d’avocats liés au Conseil européen pour les réfugiés et exilés), pointe elle aussi la dégradation des conditions d’étude des dossiers, leur « le traitement de masse » et « l’absence de cohérence et d’homogénéité des décisions » qui en découle. De même, elle dénonce « la mise en place de la procédure prioritaire » et « l’existence de la liste des pays sûrs », censée définir des destinations vers lesquels le traitement des dossiers, en raison de ce caractère « sûr », doit être plus rapide.

Saddok Guitoun, lui, évoque en filigrane les quotas qui seraient fixés en matière d’octroie de l’asile. « Le président de la CNDA nous a rappelé que 25% des dossiers étaient acceptés, explique-t-il, mais il oublie que 75% sont rejetés, parmi lesquels des dossiers comme celui de John. Le président est un administratif, il fait de la politique, c’est d’ailleurs ce qu’il nous a dit : il est là pour appliquer les consignes ». Catherine Le Gall, ancienne employée de l’OFPRA reconvertie au journalisme, a témoigné en janvier 2006 des conditions de travail au sein de l’institution, dans l’hebdomadaire L’Express, à travers un récit intitulé « Je ne veux plus trier les réfugiés ». Ce vendredi, le corps de John Maina se trouve toujours à la morgue, personne ne l’ayant réclamé.

Lire aussi :

Les réfugiés moins nombreux mais toujours rejetés

 L’Europe des expulsions

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News