France : deux amendements sur la déchéance de nationalité remis au gouvernement


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Brice Hortefeux a remis mercredi au gouvernement deux amendements destinés à déchoir de leur nationalité des Français naturalisés et condamnés. Le premier concerne notamment les faits de polygamie, le second les atteintes à la vie d’un policier ou d’un gendarme. Pour les spécialistes, ces amendements semblent inapplicables.

Après les annonces, les actes : députés et ministres s’emploient à trouver des moyens d’inscrire dans la loi la possibilité, souhaitée par Nicolas Sarkozy, de déchoir de la nationalité française une personne « d’origine étrangère » coupable de polygamie ou d’une agression sur un dépositaire de l’autorité publique.

En bon élève, Brice Hortefeux a déjà apporté ses propositions. Selon Libération, le ministre de l’Intérieur a remis mercredi dernier au gouvernement deux amendements destinés à concrétiser les annonces présidentielles. Le premier texte crée un « délit de polygamie de fait/escroquerie/abus de faiblesse ». Il détaille ainsi : « le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, de tirer profit ou de partager le produit, de manière habituelle, de prestations sociales indûment perçues par un tiers avec lequel il a contracté une union de fait », rapporte Libération. La peine maximum serait de 7 ans de prison, 100 000 euros d’amende et la déchéance de la nationalité.

Le second texte permettrait de déchoir de leur nationalité les étrangers naturalisés depuis moins de dix ans, et condamnés à « une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement » pour « acte qualifié de crime ou délit » visant une personne dépositaire de l’autorité publique. C’est ce que Nicolas Sarkozy avait annoncé lors du discours controversé de Grenoble, fin juillet. Mais l’amendement va plus loin : il propose que les atteintes à la vie des sapeurs-pompiers, gardiens assermentés d’immeubles, jurés, avocats, ainsi que de « leur conjoint, leurs ascendants, leurs descendants » entraînent également la déchéance de la nationalité.

Ces dispositions ne sont pas applicables si la personne déchue de la nationalité devient apatride, et requièrent l’agrément du Conseil d’État. Le site d’information Rue89 rappelle également que la France est signataire, sans l’avoir ratifiée, de la convention européenne de la nationalité de 1997, qui stipule que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité », sauf en cas de « comportement portant un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État ». En clair, on ne peut prononcer de déchéance pour des cas de droit pénal général.

Une proposition anticonstitutionnelle ?

La proposition de Brice Hortefeux a ainsi été jugée « inconstitutionnelle » par plusieurs juristes confirmés. « La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine » avait déclaré le 3 août aux Echos, l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter suites aux déclarations de Nicolas Sarkozy à Grenoble. En effet, l’article 1 de la Constitution française définit la France comme une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Pourtant, la loi française fait déjà un distinguo concernant les cibles de la déchéance de nationalité. L’article 25 du code civil précise quatre cas où la déchéance est possible, uniquement si la personne a acquis la nationalité française depuis moins de dix ans : un Français peut se voir déchu de sa nationalité en cas de condamnation pour « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » ou pour terrorisme ou s’il s’est livré « au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France ». Une personne naturalisée peut également perdre sa nationalité française si elle a été acquise par « mensonge ou par fraude ».

Les amendements proposés par Brice Hortefeux seront donc discutés dans les prochains jours, avant d’être éventuellement intégrés au projet de loi sur l’immigration qui doit être examiné par le parlement à partir du 27 septembre.

Finalement, si elle est votée, la loi sera destinée à régler le cas de Français qui ont acquis la nationalité par mariage qui auraient tué ou blessé un policier, un gendarme ou un autre dépositaire de l’autorité publique, et qui possèdent également une autre nationalité. Une situation qui ne devrait concerner que de rares personnes. La polémique de l’été pourrait donc déboucher sur une loi bien minime. En attendant, elle aura tout de même réussi à masquer les troubles parallèles du gouvernement français, notamment l’affaire Woerth.

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