Forum pour la liberté de la presse en RDC, un Observatoire contre l’impunité


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Le 27 mars prochain, au Club de la presse à Paris, un collectif de journalistes militants de la diaspora congolaise entend alerter l’opinion sur les exactions commises à l’encontre de la presse en RDC (République démocratique du Congo). Les organisateurs annonceront à cette occasion le lancement d’un Observatoire de la liberté de la presse et contre l’impunité en Afrique. Roger Bongos est l’un des initiateurs de ce projet aux côtés des journalistes Freddy Mulongo et Lilo Miango. Il répond aux questions d’Afrik.com.

Accusé de « désinformateur » et d’ « oiseau de mauvais augure » par des médias congolais proches du pouvoir du Président Joseph Kabila, le Congolais Roger Bongos est revenu vivre en France où il a fait ses études et travaillé dans l’ingénierie.

Il avait choisi, un temps, de revenir dans son pays et travailler comme ingénieur au bureau d’études de l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Jusqu’au jour où il est arrêté et privé de passeport « parce que je m’étais ému de malversations sur des dossiers qui me passaient sous la main », explique-t-il. « J’ai réussi à sortir du pays en 2007 avec l’aide de l’ambassade de France ». Peu après, il tombe gravement malade et le diagnostic conclura à un empoisonnement. Ce traumatisme le décide à se former au journalisme, et il créera ensuite le média Afrique rédaction, un site et un canal de télévision en ligne.

En 2011, il organise la Marche mondiale des femmes violées en RDC, un parcours de 309 km de Bruxelles à Paris pour alerter les Etats européens sur ces crimes impunis. Aujourd’hui, il est l’une des chevilles ouvrières d’un futur Observatoire de la liberté de la presse en Afrique.

Afrik.com : Qu’attendez-vous de cet Observatoire que vous et vos collègues voulez créer?

Roger Bongos :
En un mot, de combattre l’impunité dans laquelle demeurent les exactions contre des journalistes en RDC et ailleurs en Afrique. Qu’il s’agisse d’assassinats, de pressions voire d’autocensure. Nous sommes déjà sur la bonne voie : avec la propagation d’Internet et de la 3G en Afrique, les pouvoirs autoritaires ne peuvent plus avoir le contrôle de l’information comme auparavant. Les choses sortent. Mais ça ne suffit pas.

Afrik.com : Comment aller plus loin ?

Roger Bongos :
D’abord par la pédagogie. La première mission de l’Observatoire consistera à sensibiliser les Etats africains sur la liberté de la presse, et à les convaincre que le respect de cette liberté est garant de bons investissements étrangers. Quand un mauvais rapport sort des bureaux d’organismes comme l’ONU sur le niveau de démocratie d’un pays, les investisseurs se montrent plus frileux.

Afrik.com : Cet argument est-il assez convaincant ?

Roger Bongos :
Evidemment non. C’est pourquoi l’Observatoire prévoit d’extraire et de rassembler l’information sur les atteintes à la liberté de la presse et à l’intégrité des journalistes -certains sont assassinés, ne l’oublions pas- dans chacun des 54 Etats africains. Nous exhumerons les dossiers. Ils existent, nous le savons. Nous ferons ce travail de recherche et allons publier un classement des 54 pays selon leur niveau de respect de la liberté de la presse et de lutte contre l’impunité des crimes contre les droits de l’Homme. Cette synthèse sera assortie de recommandations aux Etats africains.

Afrik.com : Vous envisagez aussi un volet juridique à l’Observatoire…

Roger Bongos :
Oui, et c’est le plus décisif. Nous avons à nos côtés des avocats pénalistes et notamment Me Rety Hamuli, ancien président des avocats du Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha. Ils travailleront sur la base de la convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, afin d’accroître le droit des journalistes persécutés à obtenir ce statut. Cette démarche permettra de rassembler des preuves irréfutables des persécutions. Nous voulons demander à des pays qui ont des compétences universelles pour conduire, au nom de la communauté internationale, des poursuites sur les crimes, comme c’est le cas de la France, de la Belgique ou de l’Espagne, d’instruire les dossiers de violation de la liberté de la presse en Afrique. Comme la France le fait, par exemple, sur des affaires de biens mal acquis visant des personnalités politiques africaines.

Afrik.com : Qui sont les partenaires et soutiens du futur Observatoire ?

Roger Bongos :
Nous sommes soutenus par la Fédération internationale des droits de l’Homme, par Reporters sans Frontières et des ONG locales. Des Africains de la diaspora, militants d’une résistance populaire congolaise par exemple, nous apportent déjà un soutien financier. Nous avons bon espoir que les bailleurs de fonds, de grandes ONG et des Etats africains contribuent à notre projet.

Afrik.com : Craignez-vous des représailles?

Roger Bongos :
Pas plus qu’aujourd’hui. Je prends des précautions !

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