Filière café-cacao en Côte d’Ivoire : l’attente des journalistes emprisonnés


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Saint Claver Oula, Stéphane Guédé et Théophile Kouamouo, journalistes au quotidien ivoirien Le Nouveau Courrier sont toujours en prison. Ils seront fixés sur leur sort lundi prochain, soit plus de quinze jours après leur arrestation suite à la publication des extraits d’un document accablant sur les malversations dans la filière café-cacao. Alors que seul un délit de presse sanctionné par une amende peut leur être reproché, ils risquent un an d’emprisonnement.

Sit-in encore ce vendredi matin devant le palais de justice d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour soutenir Saint Claver Oula, Stéphane Guédé et Théophile Kouamouo, respectivement directeur de publication, rédacteur en chef et irecteur de la rédaction du Nouveau Courrier. Les pancartes et les T-shirts des manifestants réclament la libération des journalistes. Ils sont accusés de « vols de documents administratifs » et sont sous mandat de dépôt depuis vendredi dernier. Les trois hommes partagent ainsi leur cellule de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) avec des détenus de droit commun pour avoir publié, le mardi 13 juillet dernier, des extraits d’un document confidentiel, qui revient sur les malversations des responsables de la filière café-cacao en Côte d’Ivoire, remis au président Laurent Gbagbo.

Depuis ce mercredi, où ils ont appris que le verdict dans leur affaire ne serait prononcé que le 26 juillet, le calvaire se prolonge pour Saint Claver Oula, Stéphane Guédé et Théophile Kouamouo. Ramenés en catimini pour assister à une audience qui a failli se faire sans leurs avocats et leur familles, les journalistes et leurs familles ont fini en pleurs. « Ils avaient les nerfs à bout, ils ont tous craqué », explique un membre de la famille de Théophile Kouamouo. « Ils sont fatigués physiquement, grippés depuis hier (jeudi), poursuit-il. Ce sont des gens qui avaient l’habitude de travailler toute la journée qui se retrouvent couchés, sur des matelas insalubres, à ne rien faire ».

Tout au plus un délit de presse

Pour l’avocat des journalistes, le report du verdict peut-être interprété de façon positive. « On aurait bien évidemment aimé qu’il soit prononcé mercredi, constate-t-on chez les proches, les avocats disent néanmoins que l’aiguille penche de notre côté parce que cela veut dire que les gens sont divisés sur la décision à prendre ». Le procureur du tribunal correctionnel d’Abidjan a requis contre les journalistes un an d’emprisonnement, 10 millions de F CFA d’amende et la fermeture du titre. « En réalité, la justice n’a rien à leur reprocher. La seule chose qui pouvait leur être reprochée, selon le code de la presse, est la publication de documents confidentiels qui n’ont pas été rendus publics. Cela a été fait. Ils ont reçu un blâme du Conseil national de la presse (CNP, ndlr) ».

« Ces journalistes ne devraient pas risquer des peines de prison ferme », a déjà rappelé l’ONG de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF). Elle précise que « l’article 77 de la loi sur la liberté de la presse de 2004 (en Côte d’Ivoire, ndlr), qui dépénalise l’ensemble des délits de presse, condamne à une simple peine d’amende les journalistes qui ont diffusé des informations se rapportant au contenu d’un dossier de justice non encore évoqué en audience publique ». Pour un délit de presse, poursuit RSF, « le Conseil national de la presse ou le juge civil sont les seuls organes compétents pour décider du montant de la peine d’amende ».

Patrice Pohé, le chargé de communication du procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abidjan, Raymond Tchimou, a été arrêté mercredi dernier dans le cadre de cette affaire. Il est, lui aussi, accusé de « vol de document administratif ». Selon le quotidien ivoirien Le Nouveau Réveil, Laurent Gbagbo serait « en colère » contre Raymond Tchimou. Motif : « la facilité avec laquelle (…) « le livre noir de la filière café-cacao » s’est retrouvé dans les pages d’un quotidien (…) embarrasse terriblement le chef de l’exécutif ivoirien ». En attendant, c’est la liberté de la presse et ses garants qui souffrent.

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