
Malgré une légère baisse du taux de chômage au niveau national, les femmes marocaines sont les grandes perdantes de la conjoncture actuelle. Touchées de plein fouet par la crise agricole et la précarité persistante du marché du travail, elles voient leur taux de chômage grimper dangereusement. Alors que certains secteurs créent de l’emploi, peu de ces nouvelles opportunités profitent aux femmes. Cette exclusion soulève de sérieuses questions sur l’efficacité des politiques d’inclusion et l’avenir de l’emploi féminin au Maroc.
Alors que les indicateurs économiques nationaux laissent entrevoir une timide reprise, les femmes marocaines paient un lourd tribut sur le marché de l’emploi. Le dernier rapport du Haut-commissariat au Plan (HCP) met en lumière une réalité préoccupante : au deuxième trimestre de 2025, le chômage féminin ne cesse de croître, atteignant près de 20%, soit une hausse de 2,2 points en un an.
Cette détérioration s’inscrit dans un contexte marqué par une reprise fragile, inégalement répartie selon les secteurs et les territoires. Si certains domaines, tels que le BTP ou les services, parviennent à créer de l’emploi, le secteur agricole, historiquement pourvoyeur de main-d’œuvre féminine, s’effondre. Le déficit pluviométrique et la sécheresse prolongée ont contribué à la destruction de 108 000 postes agricoles, frappant de plein fouet les zones rurales et les femmes qui y travaillent souvent sans statut formel.
Une baisse globale du chômage… mais un recul pour les femmes
Globalement, le taux de chômage au Maroc a enregistré une baisse minime de 0,3% entre le deuxième trimestre de 2024 et celui de 2025, passant de 13,1% à 12,8%. Si cela peut sembler positif à première vue, cette amélioration cache de profondes disparités. Chez les hommes, le taux de chômage est passé de 11,7% à 10,8% (-0,9%), notamment grâce à l’expansion des emplois dans le BTP (+74 000 postes), les services (+35 000) et, dans une moindre mesure, l’industrie (+2 000). En revanche, pour les femmes, le chômage a bondi de 17,7% à 19,9%, confirmant une dynamique inquiétante de marginalisation.
Cette situation révèle une inadéquation structurelle entre les opportunités d’emploi créées et les qualifications, attentes ou disponibilités des femmes sur le marché du travail. La précarité de l’emploi féminin, concentré dans les secteurs les plus vulnérables (agriculture, travail domestique, textile informel), accentue leur exposition aux chocs économiques et climatiques.
Le sous-emploi : un mal silencieux qui frappe aussi les femmes actives
Au-delà du chômage visible, une autre réalité pèse sur les femmes actives : le sous-emploi. Il s’agit de toutes celles qui travaillent moins que ce qu’elles souhaiteraient, ou dans des conditions très précaires, souvent sans contrat, sans couverture sociale, ni perspectives d’évolution. Le Maroc reste confronté à une dualité de son marché du travail : d’un côté, une minorité d’emplois formels et stables, généralement accaparés par les hommes ; de l’autre, un secteur informel surreprésenté par les femmes, notamment en milieu rural ou périurbain.
Cette situation rend toute amélioration statistique du chômage trompeuse, car elle ne reflète pas la qualité réelle de l’emploi. À ce jour, de nombreuses Marocaines continuent de travailler de manière informelle dans l’agriculture, l’artisanat, ou le commerce ambulant, sans reconnaissance ni sécurité. Ce sont elles qui, les premières, voient leur emploi supprimé en cas de crise, comme l’illustre l’actuelle situation du secteur agricole.
Des politiques publiques encore insuffisantes face aux défis de l’emploi féminin
Malgré les efforts déployés ces dernières années, stratégies de promotion de l’égalité, projets d’autonomisation économique des femmes, soutien à l’entrepreneuriat féminin, les résultats tardent à se faire sentir. Les politiques publiques peinent à toucher les femmes les plus vulnérables, souvent peu instruites, vivant dans les zones reculées, et peu informées des dispositifs d’aide existants. Pourtant, le potentiel économique des femmes est immense. D’autant que plusieurs études montrent que l’augmentation de leur participation au marché du travail pourrait générer des points de croissance pour le pays.