Félix Tshisekedi doit-il rompre son alliance avec Joseph Kabila, pour sauver son quinquennat ?


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Le Président de la RDC, Félix Tshisekedi
Le Président de la RDC, Félix Tshisekedi

Malgré les accolades enthousiastes qu’on a vues le jour de la passation des pouvoirs entre Joseph Kabila, visiblement tout souriant, et Félix Tshisekedi, qui ne tarissait pas d’éloges à l’endroit de son prédécesseur, des belles paroles et bonnes intentions affichées par les dirigeants des deux principales familles politiques qui, naguère s’opposaient farouchement, leur idylle paraissait trop beau pour être vraie et sincère.

Bien qu’ayant des racines idéologiques communes, sociales-démocrates, qui auraient pu faciliter la tâche d’élaboration d’un programme commun de gouvernement, la coalition FCC-CACH a passé près de huit mois pour se mettre d’accord sur la formation du gouvernement. De laborieuses négociations qui présageaient déjà de la fragilité de cette coalition.

Aucun observateur attentif n’était dupe pour croire au grand amour entre les deux alliés et penser qu’ils chemineront ensemble dans la même direction, dans un esprit de connivence, pour gouverner le pays jusqu’en 2023.

En effet, depuis l’entrée en fonction du gouvernement de coalition, les Congolais assistent à une multiplication des embûches qui empêchent à Félix Tshisekedi d’imprimer sa marque au niveau national, avec des ministres qui rechignent à exécuter les ordonnances présidentielles.

Au plan international, en dépit de sa forte propension de promouvoir la coopération régionale, de bâtir des relations bilatérales de confiance avec ses partenaires internationaux et de replacer la RDC sur la scène internationale, Félix Tshisekedi n’a pas été en mesure d’accréditer un seul ambassadeur à l’étranger, ni même un représentant permanent auprès d’une quelconque organisation internationale.

Les réformes politiques et économiques tant attendues pour renforcer la démocratie et de l’État de droit, lutter efficacement contre la corruption qui mine le bon fonctionnement des institutions, instaurer la transparence et l’obligation de rendre des comptes dans les structures étatiques, sont difficilement réalisables.

Bien que la coalition FCC-CACH avait établi un Comité de suivi pour aplanir les divergences et faciliter le fonctionnement harmonieux des institutions, les violons ne s’accordent toujours pas. Les discussions achoppent souvent lorsqu’il s’agit de nominations aux postes supérieurs dans l’armée, la diplomatie, la magistrature et les entreprises publiques. La partisanerie prend le dessus sur les questions fondamentales qui touchent la vie quotidienne des Congolais.

Des consultations pour quelle finalité ?

Après deux ans d’une coalition difficile, Félix Tshisekedi s’est finalement rendu compte qu’il se trouve devant un impasse d’entreprendre les réformes fondamentales tant attendues par les Congolais. Et, à cette allure, il serait dans l’incapacité d’apporter quelques solutions que ce soient à une population de plus en plus désemparée face à une situation sociale et économique désespérée.

Ci-dessous, quelques options qui peuvent être envisagées dans le contexte restreint des prescrits de la Constitution congolaise et qui s’offrent à Félix Tshisekedi pour faire face à cette situation d’impasse qui risque de plomber son quinquennat.

La première option serait de rester dans la coalition actuelle, quitte à aplanir les divergences qui les opposent. Toutefois, rien n’est moins sûr que cette option puisse régler, cette fois-ci, tous les problèmes de fond qui divisent les deux camps. Évidement, en prenant cette option, Félix Tshisekedi aura tout à perdre, politiquement. Non seulement il va s’attirer les foudres de la majorité des Congolais qui n’ont jamais digéré cette coalition, bon nombre de personnalités politiques de premier plan qui ont répondu favorablement à son invitation pour consultations vont se rétracter. Finalement, les consultations n’auront servi à rien, parce que le Président apparaîtra de plus en plus faible face au FCC.

La deuxième option serait de tourner le dos à la coalition actuelle, de dissoudre le Parlement et de tenir des élections législatives anticipées. Non seulement cette option n’est pas juridiquement possible dans le contexte, il sera difficile de respecter le délai constitutionnel de 90 jours suivant la dissolution du Parlement, pour des raisons financières. De plus, les responsables actuels de la CENI ne bénéficient pas de la confiance de toute la classe politique, de la société civile et du peuple congolais dans sa grande majorité.

La troisième option pourrait être la requalification de la majorité parlementaire et la désignation d’un informateur pour identifier une nouvelle majorité en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Cette option, bien que politiquement probable et juridiquement possible, pose un sérieux problème de fidélité et de loyauté au Président Tshisekedi. Il y en a qui vont crier au débauchage, pratique autrefois décriée par l’UDPS durant sa lutte pour son accession au pouvoir. Pour paraphraser Georges Clemenceau :  » un traître est celui qui quitte son parti pour s’inscrire à un autre ; et un converti, celui qui quitte cet autre pour s’inscrire au vôtre « .

La quatrième option qui semble un peu radicale serait éventuellement de désigner une Assemblée constituante chargée de réviser et de rédiger une nouvelle constitution à soumettre au référendum. Nul n’ignore que la Constitution actuelle fut élaborée sous les auspices des seigneurs de guerre qui avaient pris le pouvoir par les armes. Une réforme éventuelle de la Constitution est bien sûr nécessaire pour consolider l’état de droit et la stabilité politique interne, notamment en révisant le mode de scrutin pour les élections des gouverneurs et sénateurs, en revenant à une élection présidentielle à deux tours, et en révisant les dispositions qui consacrent la règle de l’unité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise.

Tout compte fait, Félix Tshisekedi est maintenant placé devant ses responsabilités. Son peuple attend avec impatience de savoir l’option optimale qu’il aurait choisi, lui qui a refusé d’être prisonnier des accords, pour sortir son pays de l’impasse actuelle et donner une nouvelle impulsion à la seconde moitié de son quinquennat.

Isidore Kwandja Ngembo, Politologue et analyste des politiques publiques

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