Face au Coronavirus, l’exécutif béninois applique la politique suicidaire de l’autruche


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Patrice Talon
Le Président du Bénin, Patrice Talon

Le Covid-19 dicte sa loi au monde entier et oblige les Etats, même les plus puissants, à se recroqueviller sur eux-mêmes, en fermant frontières, écoles, centres de loisirs, etc.. Mais le gouvernement béninois, à l’issue d’un Conseil extraordinaire des ministres tenu mardi, n’a pas pris les mesures drastiques qui s’imposent, témoignant ainsi qu’il ne prend pas toute la mesure de la tragédie qui se déroule.

Au terme de ce qu’on peut, à juste titre, appeler une réunion de crise, le gouvernement du Président Patrice Talon a soigneusement évité de prendre les mesures fortes que d’autres pays africains n’ont pas hésité à mettre en œuvre depuis quelques jours. En effet, le Conseil extraordinaire des ministres présidé hier par le président de la République en personne, s’est penché sur le Covid-19 et a pris une série de onze mesures devant entrer en vigueur pour compter du jeudi 19 mars 2020 à 00 heure.

Ces mesures qui nous semblent largement insuffisantes suscitent quelques interrogations et commentaires. Allons-y au cas par cas. La première mesure relative à la limitation à l’extrême nécessité des entrées et sorties aux frontières terrestres du pays pose de sérieux problèmes déjà. En effet, il est dit que seules les « traversées indispensables » seront autorisées en liaison avec les autorités des pays voisins. Que veut dire le gouvernement béninois par « traversées indispensables » ? Nous voulons comprendre.

Au Cameroun où une réunion de crise a été tenu hier également, le gouvernement à pris la mesure de fermer purement et simplement les frontières aux étrangers. Ainsi, seuls les nationaux qui sont à l’extérieur du pays sont autorisés à rentrer. On me dira que le Cameroun a enregistré plus de cas que le Bénin. Mais dire cela, c’est avoir une vue parcellaire du problème puisqu’il suffit de calculer le ratio personnes contaminées/population du pays pour se rendre compte que les situations sont presque similaires.

Avec la décision de l’exécutif béninois, les frontières terrestres restent donc bien ouvertes, sauf que les entrées seront réduites. Cette première mesure est en lien avec la deuxième qui annonce une restriction et non une suspension de la délivrance des visas d’entrée au Bénin, au moment où la plupart des pays ferment leur territoire aux étrangers. Pourquoi le Bénin choisit-il de ramer à contre-courant? Sur quoi comptent les gouvernants béninois?
La troisième mesure prévoit la mise en quarantaine systématique et obligatoire de toute personne venant au Bénin par voie aérienne. Ce qui revient à dire que le Bénin reste ouvert aux étrangers, malgré tous les risques que cela comporte.

Les points 4, 5 et 6 ne souffrent d’aucune insuffisance, tout comme les points 9, 10 et 11.
La septième mesure, par contre, qui fait obligation aux transporteurs en commun de respecter la distance de sécurité entre occupants est inapplicable lorsqu’on sait que cette distance est d’au moins 1 mètre. Le bon sens aurait dicté la suppression pure et simple du transport en commun, comme c’est le cas dans certains pays. C’est vrai que les implications d’une pareille décision sont multiples et multiformes. Mais aux grands maux, les grands remèdes dit, à juste titre, l’adage.

Le huitième point qui recommande aux personnes éplorées de limiter au strict minimum les obsèques de leurs défunts et de différer les manifestations subséquentes ne saurait être respecté en l’état. Sauf si l’Etat interdit clairement les obsèques festives qui s’organisent habituellement.
Vu l’ampleur de la pandémie et les mesures qui se prennent dans différents pays, y compris africains, pour limiter la propagation du Covid-19, il n’est pas compréhensible que le gouvernement béninois n’ait pas décidé de la fermeture, ne serait-ce que pour quelques jours, des écoles et universités, lieu de croisement et de rencontre du grand monde. Il n’est pas non plus compréhensible qu’il n’ait pas décidé de la fermeture pure et simple de toutes les frontières, terrestres comme aériennes et maritimes.

En ne prenant pas ces mesures qui s’imposent aujourd’hui, le gouvernement béninois semble ne pas mesurer toute la portée de la pandémie. A l’heure où j’écris cet article, un deuxième cas de malade est signalé dans le pays ; mais la vie continue normalement dans les rues de Cotonou, Porto-Novo et d’autres villes du Bénin, comme si de rien n’était. Les autorités gouvernementales doivent tirer leçon du cas de l’Italie et comprendre que c’est la non-prise au sérieux de la maladie, au départ, qui a conduit le pays dans le sinistre.

Les autorités du Niger, pays frontalier du Bénin, ont compris et ont tout fermé, aéroports, écoles, lieux de loisirs, etc. pour deux semaines, alors même que ce pays n’a pas encore enregistré un seul cas de porteur du Coronavirus. Chers gouvernants béninois, Monsieur le ministre de la Santé, prenez les dispositions idoines tant qu’il est encore temps. J’ai dit…

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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