Fable politico-financière


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lumiere des temps perdus

Détourner la fiction pour dénoncer les liens économiques pervers entre les Etats. C’est le pari réussi du Congolais Henri Djombo dans Lumières des temps perdus. Il signe une intrigue politique et financière plus vraie que nature.

C’est bien connu, la fable, le conte excellent à dire les vérités honteuses, masquées mais bien réelles. Celles qu’on ne pourrait sans risque dénoncer autrement. Tradition littéraire ancestrale que Lumières des temps perdus emprunte à son tour. Car, à lire ce roman, il est vite évident que son auteur, le Congolais Henri Djombo, économiste de formation, ne manque pas de scandales à fustiger et de révoltes à crier. L’objet de sa rancoeur ? Les mécanismes viciés qui régissent les relations économiques entre l’Occident et l’Afrique et pervertissent toute la vie politique africaine.

Quand l’Afrique se prend en main

Nous sommes au Kinango, pays imaginaire d’Afrique. Signe particulier : c’est  » le plus pauvre parmi les pays les moins avancés « . Triste record. C’est en tout cas dans cette idée que Max Brooklyn, porte-parole américain de la délégation d’une grande banque d’aide aux pays sous-développés, se rend au chevet du pays malade. De l’Afrique, il ne connaît pour ainsi dire rien. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir quelques certitudes solidement ancrées. Sur l’enfer africain, ses guerres fratricides, ses famines, ses maladies. Et sur la toute-puissance de la banque pour imposer ses conditions au redressement kinangois.

Seulement, voilà, il tombe sur des coriaces. Qui s’empressent de renvoyer la délégation dans ses foyers. Et se mettent en tête de développer leur pays eux-mêmes. En dépit de tout, du lourd passé dictatorial, de la corruption qui règne en maître et de la misère galopante. Le moyen est aussi simple qu’audacieux. Attaquer devant une cour internationale les banques occidentales qui abritent les fonds détournés de l’Etat kinangois. Et le miracle se produit.

Ambiguïté

Ce pourrait être la fin du cauchemar pour le Kinango. Mais ce serait compter sans les autres. L’Occident ne lui pardonne pas sa cuisante défaite et craint de voir le Kinango faire des émules. Et les autres pays africains, loin de s’en réjouir, s’acharneront à détruire l’opulence de cet encombrant voisin. Même les dirigeants kinangois se demandent si la cohésion sociale résistera à un tel afflux d’argent, car  » la disette crée des solidarités, tandis que les égoïsmes s’aiguisent avec l’opulence « . Au gré des manipulations politiques et des coups de force, Henri Djombo égratigne le règne des intérêts particuliers, qui ne sont jamais où l’on croit. Et signe un roman fascinant comme un polar. Edifiant comme une fable.

Commander le livre : Lumières des temps perdus de Henri Djombo, éditions Présence africaine.

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