F comme Figue


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L’apprentissage : F comme Figue. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre en février 2007.

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

F

Figue

Pour Saliha Achourane

Le goût de la figue m’émeut.

Le goût de la fraise me plaît, celui de la framboise me séduit, le goût de la mangue m’enchante, celui de la pomme m’est agréable, mais le goût et le parfum de la figue m’émeuvent à chaque fois.

Un été, adolescente, je passais mes premières vacances dans le Sud de la France. Un jour, rentrant du marché, j’ai soudain senti un parfum, parfum fort et sucré qui m’a bouleversée. C’était, dépassant d’un jardin, un figuier, parfum familier pendant toute mon enfance mais que depuis des années j’avais oublié. Il me revenait là, en surprise, puissant et velouté, m’enveloppant m’enivrant m’émerveillant me laissant toute heureuse.

Ca peut paraître bête, mais quand j’ai découvert qu’en France aussi il y avait des figuiers, je me suis sentie moins loin de mon pays, moins loin de mon enfance, moins loin de mon passé, moins loin de moi en somme. J’ai ainsi passé plusieurs étés dans le Sud de la France, sur la Côte d’Azur car nous y avions une maison en famille, région bondée touristique surchargée, mais là-bas je retrouvais, heureuse, les figuiers les pins les lauriers roses la mer et la montagne, et tous les fruits de Méditerranée et leurs parfums suaves, un peu de mon enfance.

« L’odeur du figuier pour moi, c’est l’odeur de la Kabylie », m’a confié un jour une jeune styliste algérienne née en France, Saliha Achourane, qui en a fait un parfum. Pour moi pareillement l’odeur du figuier c’est toute mon enfance, c’est l’odeur de l’été au Liban, l’odeur des patios des jardins des chaudes après-midi où tout s’engourdissait, tout sauf cette puissante odeur-là entrant par les fenêtres pendant votre douce sieste, c’est l’odeur des plages sauvages les plus belles forcément, bordées de plantes drues et de figuiers précisément, c’est l’odeur de la nature l’odeur des paysages l’odeur de ma mémoire.

Depuis que je sais qu’en France aussi il y a des figuiers, des vignes, des cultures en terrasse, des montagnes sèches du thym et des torrents nerveux, depuis qu’en somme j’ai découvert les paysages et les senteurs si chers à mon cœur du Sud de la France, je ne me sens plus émigrée exilée: je me sens chez moi, dans mon pays d’enfance en Méditerranée.

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